Mobilité : pourquoi les plus de 75 ans se déplacent moins ?

L'association Wimoov a dévoilé à Toulouse, jeudi 15 novembre, les résultats d'une étude sur la mobilité des seniors en France. Une mobilité qui diminue surtout après 75 ans. L'essentiel des déplacements se faisant en voiture, ne plus pouvoir l'utiliser contribue fortement à l'isolement. Mais des solutions existent pour freiner ce phénomène. Décryptage.
En Haute-Garonne, une personne sur cinq est âgée de 60 ans et plus.
En Haute-Garonne, une personne sur cinq est âgée de 60 ans et plus. (Crédits : DR)

L'association Wimoov, née du covoiturage dans les années 90 à l'université de Nanterre, a dévoilé jeudi 15 novembre à Toulouse une étude qui révèle les difficultés de déplacement des seniors. L'enquête a été réalisée en ligne et en face-à-face auprès d'un échantillon de 1053 individus âgés de 55 ans et plus.

Un basculement à partir de 75 ans

Selon la sociologue Mélissa Petit, spécialiste des questions sur le vieillissement de la population, "nous nous rendons compte que le vieillissement de la population engendre un isolement social et que les comportements varient en fonctionnement de l'âge". De manière générale, 63% des seniors se déplacent quotidiennement, mais un basculement se produit à partir de 75 ans. Ils sont ainsi 74% à se déplacer tous les jours jusqu'à 64 ans, et 42% à le faire une fois les 75 ans passé.

L'étude s'est aussi intéressée à l'objet des sorties des personnes âgées. 34% d'entre elles se déplacent plusieurs fois par semaine pour du travail ou pour du bénévolat. Sans surprise, l'âge a une incidence sur ce résultat. Près d'un senior sur deux de moins de 65 ans se déplace quotidiennement pour le travail ou le bénévolat. Un taux qui plonge à 18% à partir de 75 ans.

Il a également été observé qu'un senior sur deux se déplace plusieurs fois par semaine pour maintenir sa vie sociale, que ce soit pour voir des amis, pour des activités culturelles, des loisirs, ou même pour des vacances. Des activités auxquelles n'ont jamais recours 20% de l'échantillon. Ce que l'étude qualifie d'obligations, qu'elles soient administratives ou médicales, amènent les seniors à sortir de chez eux au moins une fois par mois pour trois-quarts d'entre eux. L'âge n'a pas d'incidence sur cet élément puisque 10 à 12% d'entre eux le font quotidiennement quel que soit l'âge.

Mais comment se déplacent les seniors ? 63% des plus de 55 ans ont régulièrement recours à la marche à pied et 47% la voiture en tant que conducteur.

"Ils prennent plus souvent la voiture quand ils habitent dans la campagne que lorsqu'ils habitent en ville. Que se passe-t-il quand ils ne peuvent plus conduire ? L'arrêt de la voiture est un véritable frein dans leurs liens sociaux. Certains la qualifient comme une petite mort sociale", explique Mélissa Petit.

"Il n'y a pas d'argument en matière de sécurité routière pour exclure les seniors de la conduite. La visite médicale que certains politiques proposent n'a aucun intérêt en bénéfice de santé publique", ajoute Philippe Lauwick, médecin praticien, président de l'ACMF (Automobile Club Médical de France), et membre du CNSR (Conseil National de Sécurité Routière).

Des aides aux transports peu développées et méconnues

Mais l'impossibilité d'utiliser la voiture ne constitue pas le seul frein à la mobilité. Les revenus ont une incidence sur la fréquence des déplacements. L'étude constate que seulement 43% des seniors ayant des revenus inférieurs à 1 000 euros se déplacent tous les jours, tandis que72% de ceux touchant plus de 1 700 euros mensuels le font. Le coût des déplacements est un motif invoqué par 36% des seniors comme frein à la mobilité. Suivent les problèmes de santé (36%) et l'absence de moyens de transports collectifs (30%).

À ce sujet, Eric Chareyron, directeur vision et prospective des modes de vie de la mobilité chez Keolis, estime qu'"il est frappant de constater que les plus de 75 ans, qui représentent six millions de personnes, sont plus nombreux que les collégiens et lycéens. Or, toutes les politiques de mobilités donnent beaucoup plus de poids aux collégiens et lycéens".

Des aides financières et matérielles existent. Mais 59% ne connaissent pas les aides financières à la mobilité. Seuls 8% des sondés les connaissent et en bénéficient. Le constat est similaire pour les aides humaines puisqu'un senior sur deux les ignore. 12% des personnes les connaissent et en bénéficient.

Ce dernier résultat fait réagir Sylvain Lebarbier, chargé de projets et partenariats à AG2R La Mondiale, qui a organisé l'étude avec Wimoov. "Il y a un problème sur le concept de la mobilité puisque les gens disent 'Je n'ai pas de problème de mobilité parce que ma fille vient les chercher'. Le problème est là : ils ignorent qu'ils ne sont pas autonomes et ils font peser la charge de leur mobilité sur leurs proches ! Ils ne font que déplacer le problème".

Julie Cathala, directrice régionale de Wimoov en Nouvelle-Aquitaine, a également porté le sentiment de certains seniors. "Beaucoup de gens refusent les aides. Un intervenant m'a dit un jour 'Je me suis senti vieux le jour où on m'a regardé comme un vieux'".

Vers une gratuité des transports ?

La mobilité des seniors va devenir un problème grandissant au vu des perspectives démographiques. D'après une étude de l'Insee publiée en 2017, la région Occitanie devrait compter près d'un million de seniors supplémentaires (65 ans et plus) d'ici 2050. "Les seniors représenteraient ainsi 29% des habitants de la région en 2050 contre 20% en 2013", relevait l'Insee.

En Haute-Garonne, déjà une personne sur cinq est âgée de 60 ans et plus.

"Nous avons développé des partenariats entre les communes et les transporteurs pour mettre en place la gratuité pour les personnes âgées de 65 ans et plus dans les réseaux de transports (Arc-en-ciel et trains régionaux), dans la limite de 24 trajets par personne et par an", explique Véronique Volto, conseillère départementale de Haute-Garonne, vice-présidente de la commission permanente, chargée de l'action sociale des seniors.

Ainsi, 2 000 bons sont accordés chaque année dans les communes de moins de 9 000 habitants, 5 000 bons dans celles allant jusqu'à 50 000 habitants, et enfin 10 000 dans les communes plus importantes. Mais seulement 145 villes utilisent le dispositif.

D'autres initiatives existent, comme le réseau d'auto-stop Rezopouce qui permet depuis une application de trouver un véhicule sur son chemin. "Nous avons travaillé sur les freins à l'auto-stop, comme le temps d'attente et les lieux d'attente" raconte le fondateur et président de l'association, Alain Jean. Le dispositif est déjà présent dans 1 500 communes et espère franchir le cap des 2 000 communes dans quelques mois.

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