Livraison : la discrète épopée d'Alternmobil

En dix ans, Alternmobil est devenu en France le plus gros opérateur privé de livraison de colis utilisant des moyens de transport doux. Ses vélos-cargo, triporteurs et voitures électriques sillonnent les rues de Toulouse, Montpellier et Nice. En 2018, la coopérative devrait tester des véhicules à l'hydrogène.
Alternmobil travaille avec les grands groupes de messagerie comme Chronopost ou DHL.

Son nom ne vous dit sûrement rien, pourtant impossible de passer à côté des livreurs d'Alternmobil dans l'hypercentre de la Ville rose. Chronopost, DHL, Fedex... tous les grands groupes de messagerie travaillent avec la coopérative toulousaine. "Plus de       4 000 colis transitent chaque jour. Nous sommes le plus gros opérateur de livraison de colis en France (hors bien sûr La Poste) qui utilise des déplacements doux", avance Cyril Marcerou, le fondateur d'Alternmobil.

Ancien éducateur sportif dans les quartiers difficiles de la banlieue parisienne, Cyril Marcerou a eu l'idée en 2008 d'importer le concept des vélos-taxis dans la Ville rose. "À l'occasion d'une balade à Barcelone, je suis tombé sur les premiers vélos-taxis. Ça a fait tilt dans ma tête, il y a un rôle social et écologique derrière cette activité". Au mois de mai de la même année, il achète son premier vélo-taxi et commence à transporter personnes âgées et touristes.

"Nous étions les premiers à faire ça à Toulouse", se rappelle-t-il. Le modèle économique était de vendre des espaces publicitaires sur les véhicules et en échange je proposais un tarif de déplacement en hypercentre en moyen doux".

Un an plus tard, il embauche ses premiers salariés. Mais, très vite, avec la crise des subprimes l'entrepreneur doit changer de stratégie. "Les budgets communication des grandes enseignes de téléphonie ou de banque à qui je pouvais vendre des espaces pub ont été revus au niveau national. Nous avons changé notre modèle économique pour nous tourner vers les colis. Il y avait vraiment un manque à ce niveau-là", se souvient-il. Ce changement de modèle intervient également au moment où la collectivité de Toulouse est en train de piétonniser le centre-ville. Une charte de livraison adoptée par la municipalité interdits les véhicules thermiques dans l'hypercentre entre 6h et 9h30 et entre 11h30 et 20h. Pionnier sur le déplacement doux, Alternmobil exploite une flotte de véhicules propres : du simple vélo cargo à la voiture électrique, en passant par les biporteurs et les triporteurs.

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Locaux d'Alternmobil dans l'hypercentre de Toulouse (Crédit : Rémi Benoit).

Des vélos à hydrogène pour desservir au-delà du centre-ville

La prochaine étape est de tester à compter de l'été 2018 des véhicules à hydrogènes pour les livraisons (vélos et voitures).

"Alternmobil travaille avec Madeeli et la Région Occitanie sur le projet Hyport pour être un démonstrateur de la logistique avec cette source d'énergie. L'hydrogène nous permettra d'aller loin, estime Cyril Marcerou.

La contrainte aujourd'hui avec l'électrique est qu'au bout de 100 km, le véhicule est bloqué. Il lui faut six à huit heures de recharge. L'hydrogène permet 200 kilomètres d'autonomie avec 10 min de temps de recharge à partir des bornes que veut développer la Région. Cela nous permettrait d'assurer des livraisons à Colomiers, à Balma en transports doux, ce qui n'était pas possible à cause de l'autonomie sur des véhicules électriques".

Aujourd'hui, Alternmobil compte une soixantaine de salariés dont cinq à Montpellier où la coopérative a ouvert une antenne en 2016 et 15 à Nice où elle a noué un partenariat avec DHL. Elle pourrait bientôt s'implanter à Bordeaux et Nantes, ce qui ferait doubler son effectif.

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L'effectif d'Alternmobil pourrait doubler dans les années à venir avec l'ouverture de nouvelles antennes (Crédit : Rémi Benoit).

Une coopérative militante, à l'opposé du modèle Uber

Mais surtout, Alternmobil n'est pas une entreprise comme les autres. Depuis 2010, elle est devenue une coopérative offrant la possibilité à ses salariés d'en devenir membre. "Nous avons 16 salariés associés à ce jour", commente Cyril Marcerou. Un modèle complètement à l'opposé de l'ubérisation à l'oeuvre aujourd'hui sur le marché de la livraison. "J'ai du mal à me faire à l'idée de laisser des jeunes sur un vélo non assuré sans casque avec une rémunération à la tâche. Ils doivent faire un maximum de courses sur des créneaux réduits à l'heure des repas. Une plateforme à intérêt dans cette logique à faire bosser ceux qui vont le plus vite et qui sont prêts à prendre le plus de risque sur la route", s'insurge le chef d'entreprise.

Ancien travailleur social, il a décidé dès 2010 d'ouvrir un atelier d'insertion au sein d'Alternmobil. "Pour les livraisons, on a besoin de gens souriants, pas forcément de diplômes. Il suffit juste d'un savoir-être et d'une bonne présentation", fait remarquer Cyril Marcerou. Six salariés envoyés par Pôle emploi travaillent actuellement à Alternmobil. Certains sortent de prison, d'autres sont endettés ou en chômage longue-durée. "C'est un tremplin vers l'emploi. Ils sont noyés dans la masse de l'effectif, leurs collègues ne savent pas qu'ils sont en parcours d'insertion. En revanche, on les accompagne au quotidien pour gérer leur budget ou leurs problèmes de santé", explique le fondateur d'Alternmobil. Tous ne se sont pas intégrés chez le livreur de colis mais certains y ont trouvé leur voie. "J'ai le souvenir d'une personne qui a suivi une formation de soudeur ensuite".

Cyril Marcerou s'identifie au secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS) mais rappelle : "sans profits, pas d'emplois". Alternmobil table sur près d'1,5 million d'euros de chiffre d'affaires en 2017.

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