L’industrialisation de la filière bio, un défi d’ampleur pour l'Occitanie

Par sa politique d’aide aux exploitants, l’Occitanie est devenue la première région agricole dans le bio. Mais produire ne suffit pas. Pour maintenir la demande, il faut désormais structurer le secteur en développant les activités de transformation.
L'Occitanie est depuis quelques années la première région bio de France.
L'Occitanie est depuis quelques années la première région bio de France. (Crédits : Rémi Benoit)

C'est un record que détient l'Occitanie depuis quelques années. Avec plus de 9 400 exploitations et 507  000 hectares certifiés bio ou en conversion, soit un quart des surfaces bio françaises d'après les chiffres de l'Agence bio, la région est la championne française de l'agriculture biologique et se classe au quatrième rang européen.

"En 2019, l'Occitanie devrait passer le cap des 10 000 agriculteurs qui ont engagé une conversion. Nous allons arriver à 20 % d'exploitants en bio très prochainement. La dynamique ne faiblit pas puisque le taux de conversion se maintient à 27 % par an, voire 35 % dans le Gers, alors que les autres régions en France sont à 7 %", se réjouit Vincent Labarthe, vice-président de la Région chargé de l'agriculture.

Le Gers est d'ailleurs le premier département de France en termes de surfaces engagées dans le bio. "C'est un département céréalier. Paradoxalement, c'est le territoire où l'on trouve aussi le plus fort usage de produits phytosanitaires dans l'agriculture conventionnelle ", relève Nathalie Masbou, présidente de la fédération des agriculteurs Bio Occitanie. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette avance.

"Premièrement, la nature des sols. Ils sont moins riches que dans d'autres régions dotées de sols très profonds où l'on tire très vite le bénéfice d'utiliser des intrants [comme les herbicides, ndlr]. Pratiquer une agriculture conventionnelle n'apporte pas toujours les revenus espérés. Ensuite, le climat joue aussi. En viticulture, la fréquence des traitements reste faible, même en conventionnel sur notre territoire. La Nouvelle-Aquitaine, qui est sous l'influence d'un climat océanique, connaît des cumuls de pluie plus importants et a des recours plus nombreux aux traitements", avance Vincent Labarthe.

Un appel d'air avec les subventions régionales

Au-delà des facteurs naturels, la Région Occitanie a également contribué à cet essor en engageant des subventions importantes pour inciter les agriculteurs à franchir le pas. Un peu trop importantes puisque, au départ, était prévue une aide annuelle de 300 euros par hectare : les détenteurs de grandes surfaces y ont vu une aubaine. Et très vite, la région a dû faire machine arrière, se rendant compte que l'enveloppe allouée ne suffirait pas. Elle a plafonné ces aides à 30  000 euros par exploitation et de manière rétroactive sur l'année 2015. Par la suite, un nouveau plafond à 15  000 euros est décidé pour l'année 2016. Certains agriculteurs décident d'attaquer en justice la collectivité.

"Les céréaliers faisaient des business plans avec les aides, cela n'avait rien à voir avec une stratégie de conversion, rappelle Nathalie Masbou. En plafonnant les aides, on revient à une stratégie plus cohérente. Les exploitants touchés étaient minoritaires, mais cela représentait des sommes d'argent assez considérables pour eux puisque cela concernait de grandes surfaces. Certaines fermes en élevage laitier ont subi une double peine car beaucoup engagent leur conversion à cause de la crise du lait, pour se sortir d'une spirale d'endettement financier. Ces éleveurs ont monté des projets sur des perspectives d'aides qu'ils n'ont jamais touchées."

De son côté, le vice-président de la Région assume ce choix : "Nous avons établi des plafonds pour éviter les effets de rente, souligne Vincent Labarthe. J'aurais même voulu aller plus loin, si l'État nous l'avait permis, en mettant en place des aides en fonction des filières. Certaines ont plus de difficultés à démarrer, comme les bovidés ou les légumes, alors même qu'il y a un appel d'air de la part des consommateurs."

Il rappelle aussi que, même si le gouvernement a décidé de supprimer l'aide au maintien en agriculture bio, la Région va préserver les sommes que devaient toucher les agriculteurs jusqu'en 2021, ce qui représente au total 30 millions d'euros.

Plus d'emplois que dans le conventionnel

Cette massification n'est pas près de s'arrêter, et la filière commence à s'industrialiser. D'abord parce que les grandes surfaces tentent de surfer sur la forte attente des consommateurs en la matière. Un nouveau débouché pour les agriculteurs bio occitans ? Pas si évident.

"En ex-Languedoc-Roussillon, plusieurs enseignes incitent les maraîchers à se convertir en bio, par exemple sur la pomme, et affichent en magasin des prix en conversion inférieurs à ceux du bio. Les tarifs sont tirés vers le bas. Même si, a contrario, les magasins spécialisés jouent toujours, pour l'instant, le jeu du maintien du revenu de l'agriculteur", souligne la présidente de Bio Occitanie.

Car, jusqu'à présent, la grande réussite de la filière bio était de pouvoir générer une valeur ajoutée intéressante grâce à des prix nettement plus élevés qu'en conventionnel. De quoi dégager assez de marge pour se rémunérer correctement. "En plus d'avoir un revenu convenable, une ferme bio génère plus de main-d'œuvre. Cela représente une opportunité économique", poursuit Nathalie Masbou.

Reste à savoir si la filière parviendra à maintenir cet équilibre malgré la pression des prix. La Région Occitanie, de son côté, voit dans cette industrialisation plutôt une chance de développer encore davantage la filière. En commençant par faire émerger une activité de transformation en aval de la récolte.

"Si les agriculteurs produisent de la bonne matière première mais que personne ne la transforme sur le territoire, les prix ne vont pas pouvoir rester à ce niveau. Il faut profiter du fait que la région soit très forte en production pour développer l'agroalimentaire et garder un maximum de valeur ajoutée localement", insiste Vincent Labarthe.

Quelques initiatives émergent dans le stockage des céréales ou la création de passerelles entre les céréaliers et les éleveurs pour transformer les récoltes en nourriture animale. Il existe aussi déjà des dizaines d'ateliers de transformation artisanaux sur tout le territoire. Pour structurer davantage la filière, une interprofession bio est née en 2018, qui réunit les acteurs, de l'amont à l'aval. L'autre débouché important pour les agriculteurs bio occitans pourrait venir des cantines. La Région a mis en place une plateforme d'approvisionnement qui permet aux régisseurs des cantines d'avoir accès à l'offre des producteurs régionaux. Plus de 300 lycées se sont engagés à l'utiliser. La restauration des collectivités suivra peut-être. Les consommateurs occitans, en tout cas, en redemandent.

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