Dans le Sud-Ouest, la filière foie gras anxieuse à l’approche des fêtes de Noël

Déjà mise à mal par la fermeture des restaurants, la filière régionale du foie gras s’inquiète à l’approche de la fin de l’année 2020. Alors que les Français ne sont pas sûrs de pouvoir passer Noël en famille à cause de la Covid-19, les professionnels du secteur à Toulouse et dans le Gers redoutent une baisse des ventes lors d’une période de Noël charnière pour cette industrie. Des inquiétudes d’autant plus renforcées par la possible arrivée d’un nouvel épisode de grippe aviaire.
Les professionnels du foie gras redoutent une chute des ventes à l'approche des fêtes de fin d'année.
Les professionnels du foie gras redoutent une chute des ventes à l'approche des fêtes de fin d'année. (Crédits : Rémi Benoit)

"L'activité est très irrégulière et fluctue beaucoup en fonction des annonces du gouvernement. Mais cela va être très difficile d'atteindre nos standards de vente habituels. Si nous sommes déconfinés assez vite, cela devrait aller. Mais si nous restons confinés, il y aura moins de grandes tablées et par conséquent les quantités achetées seront réduites".

Tel est le constat tiré par Josselin Dubet, qui tient un stand de foie gras au marché Victor Hugo de Toulouse. Et les annonces faites par Jean Castex jeudi 12 novembre ne devraient pas inciter à l'optimisme chez le commerçant. Le Premier ministre a confirmé que le confinement instauré afin d'endiguer la propagation de la Covid-19 dans l'Hexagone sera bel est bien imposé jusqu'au 1er décembre, minimum. De plus, si l'ancien maire de Prades (Pyrénées-Orientales) souhaite "permettre un nouvel allégement" pour les fêtes de fin d'année, Noël ne pourra "pas se tenir de la même manière que d'habitude". "Il ne serait pas raisonnable d'espérer pouvoir organiser de grandes fêtes à plusieurs dizaines de personnes, notamment pour le réveillon du 31 décembre", précise-t-il. Des déclarations qui menacent un peu plus l'activité de la filière du foie gras, très présente en Haute-Garonne et plus globalement dans le Sud-Ouest.

"Nous sommes inquiets par rapport au circuit long comme la grande distribution. Celui-ci a tendance à afficher plus de frilosité sur tout ce qui est produits festifs notamment au vu du contexte actuel avec le confinement, explique le président des jeunes agriculteurs du Gers Benjamin Constant. Ensuite, nous avons tout ce qui est circuit court comme les bouchers, artisans et producteurs à la ferme. De ce côté, cela fonctionne pour le moment. Les clients sont désormais au rendez-vous même si les marchés ont un peu tâtonné au démarrage.

Au niveau de notre filière, il faut que la période festive de fin d'année se passe très bien. Nous vendons normalement entre 70 et 80% des volumes pour les fêtes de Noël. C'est un produit que les Français achètent en moyenne une seule fois dans l'année, cette période est donc très importante. D'autant plus qu'à Pâques, nous n'avons rien fait, ce qui est déjà une catastrophe. Après, le 25 décembre tombe un vendredi cette année, ce qui est normalement bon pour le commerce".

Chez Christophe Samaran, autre spécialiste du secteur, l'année a déjà mal commencé concernant les ventes de foie gras.

"Pour le moment, nous n'avons rien du tout en termes de commande, même si les particuliers s'y prennent souvent au dernier moment. Reste encore à savoir si les gens vont pouvoir faire des repas de famille cette année, ce qui n'est pas gagné. Nous travaillons aussi beaucoup avec les personnes qui rendent visite à la famille pendant les fêtes et qui partent avec du foie gras dans les valises. Là aussi, ces ventes risquent de diminuer. Déjà cet été, nous n'avons pas pu profiter des touristes qui repartent souvent avec quelques produits locaux, cela m'étonnerait qu'on les ait pour les fêtes. Depuis début 2020, nous sommes déjà en retard de 30% sur nos chiffres de vente".

Des ventes en chute depuis la fermeture des restaurants

La fermeture des restaurants imposée par le gouvernement impacte beaucoup une filière du foie gras située en amont. D'abord rendue obligatoire dans plusieurs grandes métropoles comme Toulouse puis généralisée, cette clôture forcée des établissements de restauration engendre des carnets de commande relativement vides chez les producteurs de foie gras.

"La mise en place des canards a été réduite de 30% cette année à cause de la Covid qui a entraîné la fermeture des restaurants, poursuit Christophe Samaran. Or, nous faisons 50% de notre chiffre d'affaires sur ces établissements et 50% sur les particuliers".


Un constat que partage Benjamin Constant. "Nous sommes très liés avec nos amis restaurateurs qui mettent en avant nos produits. Si c'est compliqué pour eux, cela l'est forcément pour nous. En général, ces établissements transforment les produits frais. Or, tous les volumes qui ne sont pas partis en restauration ont été stockés en conserve. C'est pour cela qu'aujourd'hui, il est vital pour la filière que les canaux de distribution encore ouverts mettent en valeur notre produit dans les rayons et les vitrines."

Du côté de Josselin Dubet, l'absence des bistrots, brasseries ou autres buffets n'empêche cependant pas de voir le verre à moitié plein.

"Beaucoup de restaurants qui utilisent nos produits ne le font plus car ils sont fermés. Mais a contrario, beaucoup de clients viennent chercher les produits qu'ils ne peuvent plus consommer à l'extérieur chez nous".

Le retour de la grippe aviaire

Mais la Covid-19 et ses conséquences ne sont pas les seuls facteurs que redoutent les professionnels du foie gras. Cette année, ils risquent de devoir à nouveau lutter contre la grippe aviaire, qui pourrait affecter de nombreux volatiles.

Lire aussi : Grippe aviaire: 45 départements placés en risque "élevé", les volailles confinées

"Nous sommes dépendants de cette maladie, atteste Josselin Dubet. Les années précédentes où il y a eu la grippe aviaire, cela a eu pour conséquence une hausse des prix à cause de la diminution du nombre de volailles. Mais les producteurs y sont maintenant préparés avec la mise en place de traitements ou de volières par exemple. Nous pouvons être touchés, mais je reste moins inquiet qu'il y a trois ou quatre ans lorsque l'impact de la grippe aviaire a été très conséquent".

Même son de cloche du côté de Benjamin Constant qui estime les producteurs bien préparés à un retour de cette grippe.

"Nous avons pris de nombreuses précautions pour ne pas revivre ce qu'on a vécu il y a quelques années. Nous avons investi des millions d'euros en terme d'aménagement de nos élevages pour permettre de contenir les risques qu'encourent nos animaux. Nous pouvons désormais prendre la décision de mettre nos volailles et palmipèdes à l'abri pour éviter un autre épisode difficile".

Entre Covid-19 et grippe aviaire, les maladies n'épargnent donc pas le secteur du foie gras cette année. Les professionnels de la filière risquent donc de devoir prendre leur mal en patience avant de retrouver une activité "normale". D'autant plus que les restaurants ont peu de chance de rouvrir d'ici 2021.

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