L'émotion à Toulouse, 10 ans après AZF

Ce matin, à 10h17, a eu lieu la cérémonie officielle en souvenir des dix ans de la catastrophe d'AZF. Un moment d'émotion qui a réuni personnalités locales et nationales et l'ensemble des associations de victimes. L'association « les sinistrés du 21 septembre » avait elle choisi de se retrouver au rond-point du 21 septembre. Un millier de personnes étaient présentes sur le site alors que le procès en appel doit s'ouvrir le 3 novembre.

Le 21 septembre 2001, l'explosion du site d'AZF faisait 31 victimes, parmi lesquelles 21 salariés de l'usine. Des milliers de personnes furent blessées et de nombreuses habitations endommagées. Dix ans et un premier procès n'ont pas suffi à refermer les plaies pour de nombreux Toulousains.

Malgré cela, pour ce dixième anniversaire de l'explosion de l'usine AZF, les associations avaient choisi d'avancer de quelques minutes la cérémonie en hommage aux salariés pour permettre à ceux qui le souhaitaient de prendre part à la cérémonie officielle, à quelques dizaines de mètres de là. Devant le mémorial de l'usine, Jacques Mignard, ancien délégué syndical CGT d'AZF et président de l'association "AZF mémoire et solidarité" a pris la parole après plusieurs dépôts de gerbes. "Nous avons entendu la préoccupation de la municipalité de réunir tout le monde et la plupart des associations ont répondu favorablement à cette démarche", a-t-il déclaré.

Jacques Mignard a ensuite confié que les associations "n'oublieront pas la catastrophe sociale qui n'a pas été évitée suite à l'explosion. Mais je considère que nous avons assez lutté pour nous faire entendre pour être aujourd'hui aux côtés les uns des autres. Nous préférons voir une activité tournée vers la santé et vers la vie plutôt que le site ait été livré aux promoteurs." Le site abrite aujourd'hui l'Oncopôle, un centre de recherche sur le cancer.

Des voix discordantes

Pourtant, tous ne pensent pas comme lui, à commencer par l'association "les sinistrés d'AZF" qui avait décidé de bouder la cérémonie officielle. Pour son président Jean-François Grelier, toujours en lutte contre Total, cela reviendrait à dédouaner le groupe pétrolier. Ils ont été rejoints par un cortège CGT sur le rond-point du 21 septembre. Des voix discordantes se sont également fait entendre sur le site même d'AZF. Yvette Benayoun-Nakache, conseillère municipale qui faisait également partie de l'équipe au moment de l'explosion, n'a pas caché son amertume lors de l'arrivée de la candidate écologiste aux présidentielles, Eva Joly. "Il faut absolument que certaines personnes y soient car les présidentielles arrivent. Ce côté médiatique, ça me fait un peu mal au cœur. Je pense que cela aurait mérité un peu plus de discrétion." Un avis partagé par une victime qui avoue "en avoir ras-le-bol. Cela fait dix ans, il y a eu des morts et nous n'en sommes pas encore sortis. C'est terrible. C'est une honte de voir des personnes qui sont venues là juste pour se faire voir."

La candidate d'Europe Ecologie Les Verts, accompagnée du député Yves Cochet et du conseiller régional Gérard Onesta, a quant à elle affirmé que sa présence était "logique puisque la sécurité industrielle est un combat historique des Verts. Malgré la catastrophe, on joue encore avec la sécurité des salariés. Si je suis élue, j'installerai des zones de sécurité autour de sites comme celui de Grand Quevilly en Seine-Maritime. Les expropriations seront payées par les industriels car on ne peut pas demander aux riverains de payer comme c'est le cas à Toulouse. C'est la double peine."

Un procès pour rien?

De nombreuses autres personnalités étaient également présentes pour cette cérémonie. Le député-maire Pierre Cohen, la 1re adjointe Gisèle Verniol, le président du Conseil régional Martin Malvy et le président du Conseil général Pierre Izard étaient ainsi au premier rang lors des dépôts de gerbe. A leurs côtés, le Toulousain Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement, représentait le gouvernement. L'ancien maire Jean-Luc Moudenc, le préfet de la Haute-Garonne et de Midi-Pyrénées Henri-Michel Comet, le président du Ceser Jean-Louis Chauzy, participaient eux aussi à la cérémonie. Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly et plusieurs représentants de Total avaient également fait le déplacement. Le maire de l'époque, Philippe Douste-Blazy, était en revanche absent.

A 10h17, la sirène a retenti, suivie d'une minute de silence pendant laquelle beaucoup n'ont pu cacher leur émotion. Les noms des 31 victimes ont été égrainés avant que chaque association et chaque collectivité ne dépose une gerbe devant le mémorial. Pour Pierre Cohen, "il était important de se souvenir et de rassembler tous les points de vue. Il faut que nous ayons un lieu de mémoire unique et cette cérémonie ouvre le projet d'un mémorial qui sera inauguré dans une quinzaine de jours. Une association a souhaité maintenir ce qu'elle faisait habituellement mais nous avons eu une très large adhésion à ce que nous voulions faire."

Ce rassemblement ne masque pas les divisions persistantes au sujet des responsabilités lors de l'explosion. Le premier procès, en 2009, s'était conclu sur une relaxe générale au bénéfice du doute. Et le procès du 3 novembre prochain ne laisse pas beaucoup d'espoirs aux parties civiles. Thérèse, qui a souffert de la catastrophe, "n'attend rien de ce procès. Avec le gouvernement que l'on a et un parquet qui est tenu par les politiques, rien ne sortira." C'est ce que pense de nombreuses victimes pour qui l'absence de nouvelle enquête ne change rien au dossier. "Les associations demandent la réouverture de l'enquête mais nous n'attendons pas grand-chose", conclut Michel Gaubert de l'association "AZF mémoire et solidarité" devant les photos des salariés qui ont été exposées sur le site. Pourtant selon Stella Bisseuil, l'avocate des victimes, "il faut trouver la cause de la catastrophe pour que le drame soit derrière les victimes".

Paul Périé

En photo : les personnalités se recueillent devant le mémorial en hommage aux victimes (© Rémi Benoit)

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