"Le premier Stratobus volera en 2021", estime Jean-Philippe Chessel (Thales)

Dans une interview à La Tribune, l'initiateur du Stratobus Jean-Philippe Chessel fait un point d'étape sur le projet. Cet appareil mi-drone, mi-ballon de 100 mètres de long et de 33 mètres de diamètre, doit voler dans la stratosphère à 20 km d'altitude pour des missions de surveillance des incendies ou des frontières. Il pourrait aussi à terme délivrer du réseau dans les zones de la planète peu desservies.
L'initiateur du Stratobus, Jean-Philippe Chessel, estime que cette innovation pourra être un complément aux satellites classiques.
L'initiateur du Stratobus, Jean-Philippe Chessel, estime que cette innovation pourra être un complément aux satellites classiques. (Crédits : Thales Alenia Space)

Vous êtes à l'initiative du projet Stratobus. Quelle valeur ajoutée peut apporter ce type d'engin par rapport à l'essor des drones de surveillance ?

Jean-Philippe Chessel : Le principal atout de Stratobus est qu'il reste en permanence à 20 km d'altitude contrairement à un drone qui ne peut voler que quelques heures. Stratobus sera équipé d'un générateur solaire et une capacité de stockage de manière à pouvoir tenir un an en l'air. L'autre avantage par rapport aux drones est qu'en étant plus haut, Stratobus verra plus loin. Les caméras pour drones ont 10 km maximum de portée. Avec ce projet, le radar en mer pourra atteindre 150 à 200 km de distance suivant la taille des bateaux équipés et la caméra pourra elle viser jusqu'à 60 km de portée. Stratobus pourra embarquer une charge utile maximale de 450 kg, c'est beaucoup plus que sur un drone.

Et vis-à-vis des satellites classiques ?

Concernant les satellites, ce sera évidemment une technologie beaucoup moins chère puisque ce n'est pas la même portée. Par ailleurs, il n'y a pas besoin de lancement depuis une base de l'Équateur. Le dirigeable est gonflé à l'hélium et lâché dans l'air. Il lui faut seulement 4 heures pour atteindre 20 km d'altitude. Stratobus est motorisé afin de le changer de position. Il faut aussi savoir que lorsqu'un satellite tourne autour de la terre, il met quelques heures à quelques jours pour repasser à un endroit précis à surveiller. Cela veut dire que les propriétaires des bateaux en dehors des clous peuvent se cacher quand ils savent que le satellite passe là où ils sont positionnés. Stratobus est un complément des satellites. Par exemple, on peut imaginer qu'un satellite observe à un endroit de la Terre des mouvements suspects et que l'on décide d'installer un Stratobus pour surveiller la zone en permanence avec une plus grande précision. En cas de menace durable, on peut envoyer des drones.

Quel est l'avantage concurrentiel de Stratobus par rapport au projet de ballons Loon de Google ?

La grande différence est que les ballons Loon n'ont pas de moteur, ils dérivent au gré des vents, ce qui n'est pas très fiable si vous cherchez du réseau. Ensuite leur projet nécessite de faire décoller plusieurs centaines voire plusieurs milliers de ballons. Concernant Stratobus, si on souhaite desservir le centre de l'Afrique une dizaine voire une vingtaine de ballons suffisent.

Quels seront vos clients ?

Des institutionnels, des ministères de la Défense où leur première mission sera la surveillance aux frontières des migrants, de sites sensibles ou de sites maritimes. L'agence spatiale européenne est également intéressée pour de la surveillance environnementale. Des opérateurs télécoms comme Eutelsat ou Inmarsat pourraient également l'être, puisque Stratobus peut être utilisé pour améliorer le débit du réseau dans des zones mal desservies de la planète.

Quand verra-t-on voler le premier Stratobus ?

Nous allons démarrer à la fin du premier trimestre 2019 la construction du premier démonstrateur technologique à taille réduite (il fera 40 mètres de long contre 100 mètres pour le projet final, ndlr) dont le vol d'essai est programmé depuis Istres (Bouches-du-Rhône) en juillet 2019. Un deuxième démonstrateur de taille réduite va voler également pour une mission du Cnes. Il s'agira là uniquement de tester l'enveloppe du dirigeable fabriquée par la PME Airstar Aerospace dans son usine d'Ayguesvives, en Haute-Garonne. Nous tablons sur un premier vol du Stratobus tel qu'il sera commercialisé en 2021. Les premiers modèles seront livrés aux clients courant 2022.

Où seront produits les appareils, à Toulouse ou sur le site de Thales à Istres ?

Une chose est sure : Stratobus sera intégré et lancé depuis la base d'Istres. Ensuite concernant le site de production de l'enveloppe du dirigeable, Airstar va trancher début 2019 de l'implantation de l'usine près de Toulouse ou d'Istres.

Dans quelle mesure les équipes toulousaines de Thales vont-elles être impliquées dans le projet ?

Les équipes toulousaines de Thales sont spécialisées dans les satellites télécoms et ils réfléchissent déjà à des applications pour ce type de satellites. Nous pensons à des usages en terme de réseau 4G, 5G pour des sites éloignés des services terrestres de téléphonie.

Pour ce projet, vous l'avez dit, Thales travaille avec la PME Airstar. En quoi nécessite-t-il un changement de vos méthodes de production ?

Nous avons créé un consortium avec des PME chargées de réaliser les équipements de Stratobus. Mais nous avons abandonné la relation donneur d'ordre/ sous-traitant, nous sommes davantage dans une relation partenariale avec une co-ingénierie. Cela demande un changement de culture dans les équipes.

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