Continental veut mettre en place un plan d'économie et de sauvegarde de l'emploi

La direction de Continental Automotive consultera son personnel des sites de Toulouse, Foix et Boussens, le 13 septembre. Le « plan de maintien de l'emploi » soumis à leur vote prévoit deux jours de RTT et des primes rabotées afin de réduire de 8 % le coût du travail. Une nécessité selon Antoine Jouin, président de Continental Automotive France, afin de pérenniser les sites. En contrepartie, la direction s'engage à maintenir l'emploi jusqu'en 2015.Les syndicats, eux, sont divisés.

Après un premier semestre 2009 très difficile, qui a vu le chiffre d'affaires divisé par deux, Continental Automotive a depuis repris des couleurs. Mais la fragile situation économique mondiale et la stagnation future du marché européen anticipée par Continental Automotive n'incitent pas forcément à l'optimisme au sein du groupe, dont la direction est basée en Allemagne. « En 2009, les trois sites de Midi-Pyrénées ont dégagés 32 millions d'euros de bénéfices et l'année 2010 s'annonce bonne, convient Antoine Jouin. Ce résultat positif nous a permis de récompenser les salariés, qui ont fait des efforts, avec intéressement, participation et prime de fin d'année. Mais notre chiffre d'affaires est beaucoup trop bas pour absorber nos coûts de structure à l'horizon 2012 - 2013. Nous sommes face à une situation grave et nous ne pourrons pas passer ce cap sans prendre des décisions importantes. » Allant jusqu'à la fermeture des sites de Foix et Boussens ? Antoine Jouin reste évasif... mais ne dément pas.

La direction allemande réclame « une baisse globale de 8 % du coût de l'emploi » correspondant à 13,7 millions d'euros d'économies. A l'issue de réunions de travail « et 150 à 200 propositions des salariés », elle propose « une meilleure organisation du travail et deux jours de RTT en moins sur les 50 jours de congés par an, précise Antoine Jouin. Nous ne toucherons pas au volet social, comité d'entreprise, mutuelle... mais sur proposition des groupes de travail et des organisations syndicales, nous toucherons à l'intéressement même si nous gardons le bonus intéressement, qui permet de rétribuer les salariés si notre résultat est meilleur que prévu. Un plan d'épargne retraite collectif, très intéressant pour les salariés car avec abondement de 20% par l'entreprise, est aussi prévu. »

Les syndicats évoquent un manque à gagner de près de 1.000 € par an et par salarié. « Il y aura un léger manque à gagner sur la partie intéressement de base, qui n'est jamais garantie et qui passe de 850 à 120 €, note Antoine Jouin. De là à dire qu'en 2011, les salariés vont perdre ce montant-là... je serais prudent car nous laissons le bonus en fonction des résultats, qui était pour mémoire de 520 € en 2009. » Un gel des rémunérations est aussi prévue en 2011, mais le président rappelle que « son augmentation en 2010 était de 2,5 % ».

En contrepartie de ce plan, « Continental s'engage à remplir les carnets de commandes des sites afin d'augmenter de 50 % le chiffre d'affaires entre 2009 et 2015, et à ne pas faire de plan social ou de licenciements, poursuit Antoine Jouin. De plus, quand on regarde la hausse des chiffres d'affaires prévisionnels de 2014 et 2015, cela se traduira très certainement par de l'embauche. Le groupe s'engage à maintenir la R&D, à continuer la production de la plupart des familles de produits en région. Nous travaillons notamment sur les systèmes d'accès mains libres des véhicules ; aucun autre site ne sera ouvert ou produira en Europe ce genre de produits dans les prochaines années si nous signons cet accord. »

L'économie réalisée si le plan est adopté, 13,7 millions d'euros, « permettra de financer la R&D et d'avoir une assurance sur nos capitaux propres. Aujourd'hui, nous sommes limités en capacité de développement car notre chiffre d'affaires n'est pas suffisant. Rappelons aussi qu'aujourd'hui, on ne remonte pas de dividendes au groupe. L'argent reste en France pour être réinvesti. »

Les trois sites de Midi-Pyrénées ont réalisé un chiffre d'affaires de 415 millions d'euros en 2009. La direction prévoit 600 à 650 M€ en 2015, en passant par une période de baisse en 2012-2013, si son plan est accepté. Ou 300 M€ au même moment en cas de non-adhésion. « Le groupe estime qu'un seul site comme Toulouse a une capacité de 350 M€ », indique Antoine Jouin. Que se passera-t-il si le plan est repoussé ? « Il n'y a pas d'autre alternative. Il y a une très forte probabilité de passer de trois sites à un seul. »

De leur côté, les syndicats adoptent des lignes de conduite différentes. La CFE-CGC par exemple "n'imposera rien aux salariés, mais se prononce en faveur du plan lors de la contestation" selon Francis Urban, porte-parole. Le syndicat estime que les dangers pesant sur l'emploi sont trop importants pour le repousser. En revanche la CGT et la CFDT (40% à 60% du personnel selon les sources) sont fermement opposés au plan avancé par le groupe. Et même si le président d'Automotive France réfute cette formule toute faite, ils le résument en quelques mots : « Travailler plus pour gagner moins. » Pour Samy Hamida, délégué CFDT de l'entreprise, il n'est pas question de céder : « C'est un non-sens économique d'envisager de fermer une usine classée parmi les meilleures du groupe selon les indicateurs complexes, indique-t-il. Les salariés des trois sites ont largement contribué aux bons résultats de 2009, alors que c'était la crise, et ceux de 2010. Ce serait un très mauvais message envoyé aux autres sites si nous acceptions ce plan. Il faut vraiment que la direction trouve une solution. »

L'argumentaire de la direction est irrecevable pour les syndicats CGT et CFDT : « Elle propose toujours des estimations très pessimistes, comme début 2010 lorsqu'ils avaient fait des demandes de chômage partiel, poursuit-il. Les carnets de commandes garantissent une activité soutenue jusqu'en 2015. La réelle motivation de ce plan est de rembourser par anticipation la dette de 1 milliard d'euro, notamment pour améliorer leur rang auprès des agences de notation. »

Du coup, les deux organisations syndicales appellent à boycotter le scrutin du 13 septembre : « Ce genre de consultation n'a, de toute manière, aucune valeur légale », prévient Samy Hamida tout en condamnant le « chantage » auquel se livre la direction : « Elle exerce les mêmes pressions auprès de nos homologues allemands en les menaçant de délocaliser vers des pays low cost s'ils n'acceptent pas cet accord. Il n'est pas normal qu'une entreprise se comporte de la sorte. Il s'agit également d'une question de société : jusqu'où permet-on à une entreprise d'aller ? »

Déterminés à ne pas lâcher, les syndicats font toutefois preuve d'un certain fatalisme : « Si la décision est prise de fermer les sites, il n'y a plus rien à faire, observe le délégué CFDT. On prend toujours les menaces aux sérieux même si on ne craint pas trop une telle issue tant les usines sont rentables. »

Jean Couderc et Mikaël Lozano

En photo : Antoine Jouin, directeur de Continental Automotive France (© Rémi Benoit)

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