Cactile imagine des tuiles innovantes qui stockent et redistribuent l'eau de pluie

Fondée en 2021, l'entreprise albigeoise a mis au point un système pour les toitures des bâtiments qui permet de collecter, stocker et distribuer l'eau de pluie. L'innovation, dotée d'un boîtier connecté, permet de récupérer jusqu'à 40 litres d'eau de pluie par m2. Destiné aux toitures en pente, l'équipement s'adapte à la plupart des bâtiments, neufs ou anciens.
La principale innovation de Cactile réside dans la réorganisation de la toiture pour y accueillir des réservoirs d'eau.
La principale innovation de Cactile réside dans la réorganisation de la toiture pour y accueillir des réservoirs d'eau. (Crédits : Cactile)

En milieu urbain, l'imperméabilisation des sols augmente le risque d'inondation et de pénurie d'eau tout en contribuant au réchauffement de la planète. Afin de limiter ces effets nocifs et réduire l'impact des bâtiments sur l'imperméabilisation des sols, la startup albigeoise Cactile a imaginé un système de tuiles modulables qui récupèrent, stockent et redistribuent l'eau de pluie. Mis au point pour les toitures en pente, ce dispositif est multicouche et est pilotable à distance grâce à un boîtier connecté.

Au lieu de laisser l'eau de pluie ruisseler le long du toit, l'innovation la collecte et la stocke directement sur l'enveloppe du bâtiment afin de la réutiliser, sans consommer d'énergie, à l'intérieur, pour l'alimentation des toilettes ou à l'extérieur, pour arroser les plantes ou le lavage des véhicules par exemple. Cette innovation se place comme une véritable solution face à la raréfaction de la ressource en eau douce. Elle peut être installée sur la plupart des bâtiments, neufs ou anciens, et s'intègre ainsi pleinement dans les enjeux de renouvellement urbain.

« Dans les villes, qui sont des territoires très imperméabilisés, lorsqu'il pleut beaucoup, tous les réseaux souterrains conçus pour gérer l'eau débordent et nous avons des inondations régulièrement. Il y a un enjeu de stockage de cette eau. L'idée de Cactile a germé quand j'ai vu le chantier de construction d'une maison de 70 m2 au sol avec une toiture en pente de 90 m2. C'est dommage d'imperméabiliser 70 m2 d'un sol et de recréer une surface par-dessus qui est plus importante et qui ne sert qu'à mettre hors d'eau le bâtiment. Pour cela, on utilise principalement de la terre cuite, un matériau qui pèse entre 35 et 70 kilos par m2. Or, il est possible d'assurer la mise hors d'eau avec des matériaux beaucoup plus légers comme le bac acier et ses cinq kilos par m2. Cela permet de libérer de la capacité de soutien sur les charpentes pour faire autre chose, et notamment stocker de l'eau de pluie », explique Jean-Baptiste Landes, fondateur de Cactile en 2021.

Jusqu'à 40 litres d'eau collectés par m2

Ainsi, Cactile remplace la simple toiture en terre cuite par un agencement de couverture multicouche. Une première couche, en propylène recyclé, est installée sur la charpente pour assurer la mise hors d'eau du bâtiment. Au-dessus, se trouve une seconde épaisseur appelée réceptacle et à l'intérieur de laquelle sont placés les réservoirs. Le réservoir a une capacité de stockage comprise entre 20 et 40 litres d'eau de pluie par m2. Enfin, le tout est masqué par un couvercle qui permet de collecter l'eau qui ruisselle sur la toiture et dont le design s'inspire de celui des tuiles en terre cuite. L'innovation à un poids quasiment équivalant à celui d'une toiture en pente classique avec 20 kilos de matériaux par m2 et jusqu'à 60 kg par m2 lorsque le réservoir est plein.

 « Tous les réservoirs sont connectés entre eux de façon à ce que la charge soit répartie sur l'ensemble de la charpente. Nous utilisons du métal pour la partie extérieure, mais notre objectif est de travailler avec des biomatériaux ou des matériaux recyclés pour pouvoir améliorer les performances environnementales de notre offre », affirme cet ancien responsable de la production hydroélectrique au sein d'EDF.

Avec ce dispositif, Cactile développe également un système de pilotage à distance des réservoirs. En bas de la toiture, se trouve une tuyauterie « qui rejoint un boîtier connecté qui contient un certain nombre de capteurs et une vanne IoT, connectée à une plateforme de service » mise au point par la jeune entreprise. Le tout permet de mettre en place une gestion automatisée des réservoirs d'eau selon la météo, les vider lorsqu'ils sont pleins, etc.

 « Si un orage arrive et que les réservoirs sont pleins, cela ne sert à rien. Ils vont très vite déborder et l'eau va continuer à ruisseler comme avant. C'est bien de vouloir stocker de l'eau, mais il faut le faire correctement et être en capacité de la gérer. Notre service numérique va permettre de gérer les réservoirs en fonction des données météo et de l'utilisation que l'on souhaite en faire », assure l'entrepreneur.

Une commercialisation à horizon 2025

Hébergée depuis juin 2022 au sein de l'IMT des Mines d'Albi, la jeune pousse peaufine un prototype fonctionnel au sein du laboratoire de l'établissement. Son objectif est de débuter la commercialisation dès 2025, partout en France. L'entreprise vise les professionnels comme les aménageurs de types promoteurs immobiliers, architectes, bureaux d'études, bailleurs sociaux, etc et les collectivités.

En attendant, Cactile prévoit de tester son dispositif en conditions réelles, dès 2024, avec l'installation de plusieurs démonstrateurs. Six projets, dont un pour l'école des Mines d'Albi et une convention avec une collectivité en Occitanie pour l'installation de trois dispositifs sur des bâtiments publics, ont été ou vont être signés. « Nous avons plusieurs demandes », se réjouit-il. La startup a devant elle un marché à fort potentiel puisque rien qu'en France, 40 millions de m2 de toitures en tuiles sont installés.

 « La plupart des villes nettoient leurs rues à l'eau potable. Demain, si de multiples toitures s'équipent de notre outil, elles pourraient faire le plein d'eau de pluie pour nettoyer les rues, l'arrosage des espaces verts et créer une sorte de système de distribution d'eau de pluie dans les zones urbaines. Cactile est un accélérateur de l'adaptation des villes au changement climatique », se projette le chef d'entreprise.

Lever des fonds pour financer la suite

Protégé par un brevet, l'équipement a décroché une subvention de 320.000 euros auprès de l'Adem. Une bourse French Tech, un soutien de L'Office français de la biodiversité (OFB) ainsi que deux prêts d'honneur complètent le financement du projet qui fonctionne, en partie, grâce aux fonds propres de son fondateur et de ses trois associés.

L'entreprise recherche de nouvelles sources de financement publiques et privées afin de soutenir son développement et de recruter ses premiers salariés. En contact avec des business angels, elle envisage de lever autour de 200.000 euros avant fin 2023. Un second tour de table, plus conséquent, pour financer les démonstrateurs devrait également avoir lieu.

 « Notre outil pourrait devenir, demain, une sorte de nouvelle norme dans la construction pour diminuer l'impact sur l'imperméabilisation des sols », conclut Jean-Baptiste Landes.

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