À Toulouse, qui sont ces seniors créateurs de startups ?

Au moment où certains préparent leur retraite, d'autres s'offrent une deuxième jeunesse en créant une startup. Sagesse, réseau, expérience et bas de laine sont leurs atouts pour réussir. Présentation de quelques uns de ces "papis-startuppers" toulousains.
François Prigent, Pierre Mouillard, Abdelilah Jbari et François Aumonier

Qui a dit que les moins de 30 ans avaient le monopole de la startup ? Si les jeunes créateurs de startups sont nombreux, n'hésitant pas à passer de la bonne idée à l'entreprise en quelques semaines, l'esprit startup contamine aussi de plus en plus de cadres qui se lancent dans l'aventure après 25 ans de carrière. Qui sont-ils ? Dans une autre vie, ils ont été pilote de ligne, médecin, ingénieur, ou militaire de carrière... Poussés dehors ou mis à la retraite par un système qui considère qu'ils ont atteint la limite d'âge, eux se sentent au contraire pousser des ailes, habités par l'envie d'entreprendre. Parcours croisés de ces "papis-startuppers" qui n'ont peur de rien.

"aller à la pêche, ce n'était pas mon truc"

Après une carrière consommée à 1000 à l'heure, François Prigent, ex-pilote de l'armée de l'air puis chef pilote à Villacoublay sous la présidence de François Mitterrand, ex-instructeur dans l'aviation civile (25 000 heures de vol au compteur) décide à 60 ans de lancer une startup. Là où certains voient une décision un peu folle, lui se lance bille en tête dans l'aventure.

"Arrêter de travailler et aller à la pêche, ce n'était pas mon truc, j'ai donc réfléchi à mettre mes connaissances au service d'autre chose", résume-t-il.

Sa bonne idée, il la puise naturellement dans son expérience de pilote et pense à adapter au domaine de la santé les principes basiques de la check-list utilisée dans l'aéronautique. Il crée alors Sovinty, une solution logicielle qui permet à tous les acteurs de la chaine médicale, praticiens, infirmiers, de communiquer entre eux au bénéfice du patient. Ce tableau de bord qui délivre toutes les bonnes informations au bon moment, notamment en cas d'hospitalisation ou d'intervention chirurgicale, séduit rapidement le milieu médical. Il équipe aujourd'hui plusieurs centaines d'établissements en France.

"Pendant trois ans, j'ai consacré tous mes week-ends et mes vacances à ce projet, j'ai prévenu mes enfants qu'ils n'auraient peut-être pas l'héritage tout de suite car j'y ai investi toutes mes économies, (près de 2 millions d'euros). En 2013, cinq semaines seulement après avoir fait mon dernier vol sur Air-France, j'ai remporté plusieurs prix dont celui de la e-santé des laboratoires Pierre Fabre. Sovinty était bien lancée", décrit François Prigent.

Aujourd'hui Sovinty emploie 17 personnes, réalise un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de milliers d'euros et sera présent dans 160 pays à la fin de l'année prochaine.

"Créer une startup à 55 ans, c'est exaltant !"

Autre parcours étonnant, celui de Pierre Mouillard, ancien médecin spécialiste d'hémato-oncologie, devenu créateur de startup à 55 ans. Après 20 ans de carrière dans l'industrie pharmaceutique, il abandonne son costume cravate de rigueur pour devenir "startupper".

"Créer une startup à 55 ans, c'est exaltant ! Cela me permettait de faire tout ce dont j'avais rêvé, sans jamais avoir osé. Bien sûr, on découvre les choses au fur et à mesure, et après 20 ans de médecine exclusive, je ne savais pas trop où je mettais les pieds, mais l'expérience sert justement à ne pas avoir peur", analyse-t-il aujourd'hui.

Après quelques tâtonnements et pivotements, il intègre la saison 2 du Camping Toulouse et créé en juin 2012 Ubixr une plateforme de publication média innovante, avec deux associés dont son fils Alexandre. Passé par toutes les étapes de la startup, il décrit une certaine distance avec les autres entrepreneurs à son arrivée dans l'IoT Valley.

"Toute boîte qui arrive au Camping doit séduire deux mentors, mais pour moi, personne ne s'est manifesté. Au départ, je n'ai pas compris pourquoi, mais ils mont expliqué après coup que c'était mon âge qui les impressionnait : personne n'osait mentorer Mouillard qui avait fait plein de trucs avant... ", s'amuse-t-il.

La course aux financements, une réalité pour les seniors

 "Je me sens comme un jeune entrepreneur innovant, mais je mène mon business avec le bon sens paysan, la tête dans les étoiles et les pieds sur terre", confie François Prigent, qui prépare en ce moment une importante levée de fonds pour déployer Sovinty à l'international.

La prudence. C'est une particularité que Christophe Nicot, le directeur de l'agence Madeeli, a bien repéré chez ces anciens cadres de haut niveau. Ils seraient d'ailleurs, selon lui, de plus en plus nombreux à pousser la porte de l'agence avec un projet d'entreprise sous le coude.

"Les cadres sup à la retraite n'existent plus socialement, alors créer une startup les rafraîchit. C'est un peu comme une deuxième jeunesse pour ces gens dotés de compétences de haut niveau !"

Il décrit d'un côté des jeunes qui n'ont ni argent, ni réseau, mais la vie pour réussir, et de l'autre des seniors qui ont un réseau, de l'argent et de l'expérience. "Leur maturité leur permet de comprendre très vite le mode d'emploi et facilite les mises en relation", assure Christophe Nicot.

Une expérience qui pourtant ne suffit pas à séduire les banquiers. Ainsi, à 50 ans passés, ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas investir toutes leurs économies dans l'aventure, se livrent au même parcours du combattant que les jeunes pour lever des fonds ou débloquer des crédits !

C'est le cas en ce moment de François Aumonier et Abdelilah Jbari. À 53 et 60 ans, ces deux ingénieurs spécialisés dans le spatial pour l'un et l'informatique pour l'autre, viennent tout juste de poser leurs cartons dans la pépinière de Basso Cambo. "Nous avons 10 m2, et un environnement propice à l'innovation car nos voisins de bureaux sont aussi de jeunes entreprises", s'enthousiasment-ils.

Après des carrières bien remplies, les deux hommes se sont rencontrés au sein du pôle Aerospace Valley et viennent de créer bifab.eu, une plateforme d'optimisation des parcs de machines pour les PME de l'industrie aéronautique.

"Nous avons constaté sur le terrain que certains ateliers de sous-traitants du secteur aéronautique sont sous-utilisés quand d'autres sont surchargés. Nous voulons donc devenir les Blablacar de l'industrie en proposant des échanges de temps disponible sur les machines !", résume Abdelilah Jbari.

Pour cela il leur faudra d'abord obtenir un financement leur permettant de déployer leur plateforme et de signer leurs premiers contrats.

"On ne vend pas des étoiles aux banques, mais plutôt une progression raisonnable et financée, argumente François Aumonier, notre âge les rassure, car nous avons déjà construit nos vies et accumulé un peu de patrimoine, mais les financements ne vont pas de soi pour autant".

Même constat pour Pierre Mouillard à la tête d'Ubixr : "Jusqu'à présent nous avons fait le choix de nous développer sur nos fonds propres, mais je passe maintenant le plus clair de mon temps à essayer de lever des fonds, et malgré le mythe de la startup qui lève des millions, les investisseurs sont frileux et les banques prennent peu de risques".

Mais il prévient :

"Moi je suis de la vieille école, quand je monte une startup c'est pour réussir sur le long terme !"

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