"Le Covid-19 n'est pas un virus pire qu'un autre" (Pr. Delobel)

Face au Covid-19, le CHU de Toulouse est impliqué dans plusieurs essais cliniques pour trouver un remède efficace pour contrer le virus, qui paralyse notamment l'économie. Ainsi, le professeur Pierre Delobel, le chef du service MIT (Maladies infectieuses et tropicales) au CHU de Toulouse fait le point pour La Tribune sur ces essais actuellement menés et partage son analyse sur ce virus. Entretien.
Le CHU de Toulouse teste plusieurs traitements contre le Covid-19.
Le CHU de Toulouse teste plusieurs traitements contre le Covid-19. (Crédits : Wolfgang Rattay)

La Tribune - Le CHU de Toulouse est l'un des établissements français concernés par l'étude européenne Discovery. Concrètement quels sont les traitements testés par les patients toulousains pour contrer le Covid-19 ?

Professeur Pierre Delodel - C'est une étude qui comporte cinq bras de traitement. L'un d'eux teste le remdesivir, qui est un traitement sous perfusion déjà utilisé contre d'autres virus comme Ebola. Nous savons qu'il marche in-vitro (essais en laboratoire, ndlr), mais nous n'avons pas encore de données en in-vivo (essais sur patients, ndlr). Un deuxième bras utilise le lopinavir, qu'on a utilisé contre le VIH, et le ritonavir. Un troisième bras utilise toujours le lopinavir et le ritonavir, couplés à l'interferon beta, employé notamment contre la sclérose en plaques. Le quatrième bras est celui autour de l'hydroxy-chloroquine et le dernier bras est un bras de contrôle où nous prescrivons le traitement habituel. Mais ce traitement standard est prescrit aussi pour les patients qui testent les quatre premiers bras avec l'anti-viral qui fait l'objet d'un essai thérapeutique.

La Tribune - Comment sont déterminés les patients qui intègrent cette vaste étude ?

Pr. Delobel - Il y a des critères très précis d'inclusion et d'exclusion, comme pour tous les essais cliniques. Ce sont des critères de sécurité pour éviter de mettre le patient en danger. Donc d'abord, en cas de patient candidat, nous allons vérifier qu'il coche bien tous les critères d'inclusion et qu'il n'a aucun critère d'exclusion (femme enceinte ou insuffisance rénale, par exemple). Après, bien évidemment, nous devons obtenir son consentement et pour cela, une notice lui est fournie pour lui expliquer la démarche, avec les risques, etc. Une fois ces deux étapes préalables remplies, les patients sélectionnés dans cette étude font l'objet d'un tirage au sort, par contre ce n'est pas une étude en aveugle. Le médecin, comme le patient, savent ce qui est prescrit. Mais ni le malade ni le médecin, choisissent le bras que le premier va intégrer.

La Tribune - Par conséquent, l'étude Discovery comporte combien de patients du CHU de Toulouse ?

Pr. DelobelNous avons débuté cette étude le 2 avril à Toulouse et pour l'instant, six patients ont été inclus (au 9 avril, ndlr). Les inclusions se poursuivent. Mais il faut savoir que le promoteur de l'étude nous a envoyé des petites quantités de traitement, donc cela c'est un premier frein. De plus, nous avons des patients qui refusent alors qu'ils remplissent tous les critères d'inclusion, tandis que d'autres ne sont pas éligibles pour intégrer le processus. Néanmoins, nous espérons intégrer une quarantaine de patients à terme.

La Tribune - Au-delà de cette étude européenne, l'établissement toulousain est-il intégré au sein d'autres études sur le Covid-19 ?

Pr. DelobelDepuis le 6 avril, une autre étude du nom de Hycovid a ouvert, dans le cadre d'un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) réalisé au niveau national et mené par le CHU d'Angers. Cette étude porte sur l'hydroxy-chloroquine, avec deux bras. L'un comporte un traitement à base de cette molécule, et l'autre est un bras placebo. Par contre, cette fois-ci, c'est une étude menée en double aveugle, c'est-à-dire que ni le patient ni le médecin ne savent ce qui est reçu par le malade. En cas de problème, nous pouvons lever l'aveugle. Pour le moment, au CHU de Toulouse un seul patient a intégré cette étude (au 9 avril, ndlr). Mais nous en espérons une quarantaine au total. C'est toujours long de mettre en place une telle étude même si c'est allé beaucoup plus vite que d'habitude, il y a moins de lourdeur (administrative).

La Tribune - Pour ce qui est de la durée du traitement, y-a-t'il une différence entre les deux programmes ?

Pr. DelobelDans le cadre de Hycovid, nous sommes sur neuf jours de traitement. Pour ce qui est de Discovery, cela peut aller de 10 à 14 jours, en fonction des bras. Mais ce sont des petites différences qui n'ont pas beaucoup d'importance.

La Tribune - Il est un peu tôt donc pour parler des résultats de ces traitements sur les patients toulousains, mais vous avez pris connaissance de nombreuses études et vous avez une certaine expérience. Selon vous, y-a-t-il un traitement qui se dégage parmi les autres grâce à son efficacité ?

Pr. Delobel À ce stade, nous n'avons pas suffisamment de données pour dire si l'un des traitements fonctionnent mieux que les autres. Pour une étude comme Discovery, il faut savoir que les remontées de données se font en temps réel et que si un bras marche mieux ou moins bien qu'un autre, l'étude sera arrêtée. Pour le moment, aucun bras ne s'est détaché sur le plan statistique et de manière significative, dans un sens comme dans l'autre, par rapport aux autres. Pour l'instant, nous ne savons rien sur l'efficacité des traitements.

La Tribune - Et quel est votre positionnement face à l'hydroxy-chloroquine, très médiatisée ces dernières semaines ?

Pr. Delobel - Ce n'est pas nouveau que ce traitement soit positionné comme anti-viral. Cela a été testé sur la dengue et le chikungunya par exemple. Pour ce dernier, le traitement fonctionnait en in-vitro mais pas en in-vivo. Il faut savoir que l'hydroxy-chloroquine est un traitement à double tranchant. Dans le tube à essai, il bloque la multiplication du virus, mais c'est aussi un médicament qui bloque ou atténue certaines réponses immunitaires de l'humain, comme l'interféron-alpha. Cette dernière fait partie de nos défenses anti-virales donc nous ne sommes pas à l'abri d'un effet paradoxal, que nous ne retrouvons pas dans le tube à essai car il n'y a pas la réponse immunitaire. Il faut donc rester prudent à ce sujet.

La Tribune - De votre expérience et de vos connaissances, le Covid-19 est-il l'un des virus les plus difficiles à comprendre et contrer ?

Pr. Delobel - À propos du coronavirus, nous avons été un peu pris de court. Mais il n'y a pas de raison que nous ne parvenions pas à comprendre ce que fait le virus dans l'organisme et comment le contrer. Ce n'est pas un virus pire qu'un autre, par contre ce qui est nouveau c'est la rapidité à laquelle il s'est propagé dans la population et l'ampleur de la mobilisation de notre système de santé. Il n'y a pas beaucoup de virus qui mettent 7 000 patients en réanimation en deux mois. Ce n'est même jamais arrivé.

La Tribune - Selon vous le virus a-t-il muté ? On remarque que de nouveaux symptômes apparaissent comme la perte de l'odorat et du goût...

Pr. Delobel - Non, je ne crois pas. Au départ, la priorité a été de rapporter les formes classiques de personnes malades. Après, nous savons que ce type de virus peut évoluer sur le plan génétique. Mais de là à dire qu'il a muté et que c'est pour cela que de nouveaux symptômes apparaissent, pour l'instant nous ne pouvons pas le dire. Mon avis est que plus le temps passe plus on découvre toutes les facettes de cette infection. Dire qu'il a évolué est prématuré.

Lire aussi : Covid-19 : le CNES innove pour démultiplier les capacités des appareils respiratoires

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Commentaire 1
à écrit le 17/04/2020 à 19:00
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c'est pas le covid qui a mis 7000 personne en rea, c'est les autorites! le pb c'est que le covid cree une detresse respiratoire et que c'est impressionnant, donc on finit en rea bon sur les grippes virulentes ou chacun meurt d'un matobolisme comple...

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