L'utilisation des cobots dans l'industrie n'est pas sans risque

À l'occasion d'un congrès national sur la santé au travail qui s'est tenu le 9 octobre à Toulouse, un spécialiste de l'INRS a détaillé les résultats d'une étude sur l'utilisation des robots collaboratifs menée auprès de 21 industriels. Il en ressort que le gain de productivité lié aux cobots est parfois incertain tant les contraintes de sécurité sont importantes.
Continental a expérimenté dès 2015 un cobot dans ses usines.
Continental a expérimenté dès 2015 un cobot dans ses usines. (Crédits : Florine Galéron)

Depuis quelques années, les cobots (ou robots collaboratifs) fleurissent dans les usines, comme chez l'équipementier automobile Continental ou le spécialiste du catering Newsrest. Alors que les robots traditionnels sont séparés par une cage de l'opérateur, ces nouveaux modèles ont vocation à être beaucoup plus proches des collaborateurs d'une entreprise.

"On distingue trois types de collaboration : directe quand l'opérateur et le robot travaillent simultanément à la réalisation d'une même pièce, indirecte quand l'opérateur et le robot travaillent sur une même pièce mais que leurs actions sont alternées et enfin dans le troisième cas l'opérateur et le robot effectuent des tâches distinctes pour lesquelles ils peuvent être amenés à partager leur espace de travail", décrit David Tihay, chargé d'études à l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité) en ouverture du congrès national sur la santé au travail qui s'est tenu le 9 octobre au sein de l'hôtel Dieu de Toulouse.

Enquête auprès d'une vingtaine d'industriels

Cet expert a publié en mars 2018 dans la revue Hygiène et sécurité du travail une étude menée auprès de 21 industriels sur l'utilisation des robots collaboratifs. Il en ressort que les cobots suscitent l'intérêt principalement pour améliorer la productivité et la flexibilité de l'entreprise.

"Les robots traditionnels doivent être arrêtés dès que l'opérateur veut entrer dans la cage pour intervenir sur la machine. L'idée avec les cobots est d'avoir plus de flexibilité. Certains de ces nouveaux robots sont aussi autonomes dans leurs déplacements au sein de l'usine", relève David Tihay.

Au-delà des enjeux de production, les cobots sont censés faire baisser les troubles musculosquelettiques (TMS) chez les opérateurs et leur donner plus de temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. Enfin, les entreprises intéressées par les cobots, soulignent que ces machines constituent une vitrine technologique pour montrer à leurs clients qu'elles suivent les évolutions du secteur.

etude cobot

Risque de collision

Mais dans les faits, l'arrivée des cobots amène d'autres risques pour la santé des travailleurs.

"Les risques de chocs et de collisions avec le robot sont cités par 45% des personnes interrogées. Les risques psychosociaux sont ensuite évoqués dans 25% des cas. Savoir qu'un robot passe à 10 cm de sa tête tous les jours peut être source de stress pour un opérateur de la même manière. Il peut craindre que son emploi soit un jour remplacé par une machine", pointe David Tihay.

L'expert note aussi que "les opérateurs par peur d'une collision peuvent développer des mouvements d'évitement des robots collaboratifs, ce qui peut créer de nouvelles TMS".

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Pour limiter ces risques, les autorités sanitaires ont imposé en France certaines règles (via la norme ISO 10218-1) :

  • le robot doit s'arrêter lorsqu'un être humain se trouve dans l'espace de travail coopératif (arrêt nominal de sécurité contrôlé)
  • le robot est guidé manuellement par l'opérateur qui seul déclenche le déplacement guidé de la machine
  • le robot évolue à vitesse réduire et doit maintenir une distance de sécurité avec l'opérateur pour éviter les collisions, quitte à s'arrêter
  • la puissance et la force de l'engin sont limitées de façon à réduire les dommages en cas de choc entre l'opérateur et le robot

Des freins pour certaines entreprises

Des contraintes importantes pour les industriels, à tel point que ces dernières peuvent limiter l'intérêt d'utiliser un robot collaboratif. Ainsi, l'étude de l'INRS montre que sur 42 personnes interrogées au sein des 21 entreprises, 11 d'entre elles (soit 26%) estiment que l'apport des cobots n'est pas suffisant au regard des contraintes imposées, présente des insuffisances rédhibitoires (apport ≤ -5). Pour 14 personnes (soit 33% du panel), l'apport des robots collaboratifs est incertain. 17 participants (40%) estiment que les limites et les contraintes imposées par les modes de protection semblent compatibles avec les exigences de production.

Cette perception diffère suivant le mode de collaboration choisi. "Cet apport est jugé deux fois plus important lorsque l'utilisateur envisage une collaboration directe (50 %) ou un partage d'espace de travail (42%) par rapport à une collaboration indirecte (20 % des réponses). Ceci peut s'expliquer par le fait que, dans ce dernier mode, le besoin de collaboration est moins prononcé que dans les deux autres et que, de ce fait, l'utilisateur semble moins prêt à accepter les limites ou contraintes liées à la robotique collaborative", analyse David Tihay.

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L'utilité des cobots est ressentie différemment suivant la nature des opérations réalisées par le robot.

"Les différentes situations de travail analysées ont été classées en quatre catégories : manutention, usinage/soudage, assemblage et contrôle. L'apport de la robotique collaborative, bien que globalement positif, est à considérer comme incertain (apport < 2). Seul dans le cas des opérations de contrôle, l'apport est globalement perçu comme légèrement positif (apport > 2)", pointe l'étude.

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Avant de conclure : "Ces résultats illustrent bien les propos recueillis lors des entretiens auprès des industriels, qui ne sont que 40% à se déclarer au final prêts à recourir à de la robotique collaborative. Néanmoins, la majorité des industriels interrogés déjà possesseurs de robots intégrant des fonctions collaboratives (7 d'entre eux), se déclarent plutôt satisfaits et évaluent l'apport positivement à 4,8. Il est à noter tout de même que pour deux industriels utilisateurs de robots, les limites et contraintes liées à la coactivité ont été jugées rédhibitoires, et ont conduit à la mise en œuvre d'une cellule robotique industrielle classique". De quoi modérer les slogans prophétiques autour de la "révolution industrielle" apportée par la nouvelle génération de robots.

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