Comment sécuriser la coopération entre l'homme et le robot ?

Les robots sont de plus en plus utilisés dans le secteur de l'industrie et de la santé. Mais la coopération entre l'homme et le robot n'est pas sans risque. Comment limiter le risque d'accident du travail impliquant un robot et donner aux salariés confiance dans ces machines ? Pour en débattre, plusieurs experts étaient présents au Fablab Festival de Toulouse.
Une étude anglaise démontre que les hommes obéissent aux instructions les plus farfelues des robots.

Pour la première fois, en juillet 2015, un ouvrier de Volkswagen a été tué par un robot qu'il était en train d'installer sur la chaîne de production de son usine en Allemagne. Quelques mois plus tôt, dans le Maine-et-Loire, un électricien de l'équipementier automobile Saint-Jean-Industries avait lui été gravement blessé après avoir été happé par un robot équipé de pinces. Bien que ces incidents restent rarissimes, sécuriser la coopération entre l'homme et la machine devient un enjeu crucial face la robotisation grandissante. Dans l'industrie, les robots sont de plus en plus prisés. Airbus travaille par exemple à Toulouse avec l'équipe du Laas-CNRS autour d'un robot humanoïde capable de se servir d'outils et peut-être de limiter, à terme, les troubles musculo-squelettiques sur les chaînes de production. Dans le secteur émergent de la silver économie, des robots sont également en train d'être développés, à l'image du robot américain Milo destiné à rendre visite de manière virtuelle aux personnes en situation de dépendance.

Évaluer les blessures potentielles infligées par les robots

Mais ces robots connaissent toujours des lacunes techniques qui interrogent sur leur sécurité. "À nos yeux, les robots ont réalisé peu de progrès au cours des dernières années. En réalité, nos attentes envers les robots sont façonnées par les films de science-fiction et, en cela, les robots actuels n'y correspondent pas", note lors du FabLab Festival de Toulouse Alin Albu-Shäffer, à la tête du département robotique du Centre aérospatial allemand (DLR). Le laboratoire est notamment en charge de réaliser des recherches sur la sécurité de ces machines. "Nous devons prouver que le robot ne va pas blesser l'homme, poursuit-il. Nous sommes capables de mesurer des données sur les blessures engendrées par les robots en fonction de la vitesse et de l'inertie."

Le professeur montre quelques uns des tests réalisés (voir aussi la vidéo ci-dessous). Un chercheur volontaire est frappé à la poitrine par un bras robotisé à vitesse de plus en plus élevée (de 0,2 mètre par secondes à 2,5 m/s). À la fin, il manque de trébucher de son siège face à la violence de la collision. Le bras robotisé est équipé d'une centaine de capteurs ce qui permet au système de distinguer un simple accrochage sans gravité d'une collision qui peut blesser l'ouvrier.

 Vidéo de présentation des tests réalisés sur les robots par DLR (Youtube).

Comment faire pour que les ouvriers aient confiance dans les robots ?

Au-delà de ce risque réel de blessure, pour Kerstin Dautenhahn, chercheuse à l'Université du Hertfordshire au Royaume-Uni, "un champ de recherche est en train d'émerger autour de l'acceptabilité des robots par la population" :

"L'homme est par nature imprévisible : il est susceptible de faire n'importe quoi à n'importe quel moment. C'est pourquoi il est si difficile de faire coopérer l'homme et le robot. Il faudrait que les robots arrivent à atteindre une intelligence sociale humaine. C'est un vrai challenge scientifique."

Adolfo Suarez-Roos, expert en robotique pour Airbus, va plus loin : "Il faut que les robots adoptent des comportements sociaux. Par exemple, un ouvrier a besoin de savoir à quel moment le robot va bouger. Si vous prenez par surprise un homme, vous perdez sa confiance et l'acceptation de la machine."

Les hommes suivent à la lettre les instructions du robot, même si elles sont totalement farfelues !

Si l'homme doit avoir confiance dans le robot pour coopérer avec lui, il doit aussi garder une distance critique face aux instructions données par la machine. L'équipe de la chercheuse anglaise Kerstin Dautenhahn a démontré que les hommes suivaient sans réfléchir les ordres donnés par un robot de compagnie même s'il s'agissait d'instructions totalement farfelues. L'étude s'est déroulée dans une maison-témoin équipée de caméras et de capteurs.

"Le robot donnait aux participants des instructions défectueuses comme par exemple de jeter à la poubelle le courrier qui n'a pas encore été ouvert, de verser du jus d'orange dans les plantes du salon, décrit Kerstin Dautenhahn. Résultat : 90 % des participants de l'étude ont jeté le courrier non ouvert à la poubelle et 68 % ont versé du jus d'orange dans les plantes."

À l'issue de l'expérience, les participants ont essayé de rationaliser leur comportement. L'un des volontaires explique ainsi : "Il y aurait pu avoir de la nourriture pour plante qui ressemble au jus d'orange !" Plus inquiétant, les chercheurs remarquent que les participants obéissent autant aux instructions des robots, que les ordres soient farfelus ou sensés.

Pour Kerstin Dautenhahn, ces résultats sont à prendre en compte dans la coopération entre les robots et les hommes. "Les robots feront toujours des erreurs, comme les ordinateurs connaissent toujours des bugs, c'est le cas de toutes les machines. Même quand les participants s'aperçoivent que le robot agit de manière défaillante, ils continuent à lui obéir. C'est une question à prendre en compte."

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