Swan-H se lance dans la production d'ammoniac vert

Grâce à l'innovation d'un chercheur du CNRS, la startup Swan-H développe une méthode de production de l'ammoniac propre sur le plan énergétique, l'un des engrais chimiques les plus consommés au monde et à la conception polluante. Installée à Toulouse, la jeune pousse va lever des fonds pour financer son prototype industriel. Les détails.
Aujourd'hui, l'ammoniac est principalement utilisé à des fins agricoles.

Chaque année, dans le monde, environ 200 millions de tonnes d'ammoniac sont produites, principalement destinées à l'agriculture. Ce composant est même parmi les engrais chimiques les plus vendus sur la planète. Seulement, produire de l'ammoniac pollue, et beaucoup. Sa fabrication serait responsable d'environ 2% des émissions de CO2 mondiales, soit équivalent au ratio attribué au transport aérien. Cela est lié au procédé technologique utilisé, dit Haber-Bosch, qui consiste à brûler du gaz naturel à très forte température afin de libérer puis récupérer les molécules nécessaires à la production de l'ammoniac.

Mais une startup toulousaine pourrait venir bousculer cette habitude et réduire considérablement l'empreinte environnementale de cette activité grâce à un nouveau procédé industriel, comme expliqué dans une récente parution dans la revue de chimie Angewandte Chemie. Nommée Swan-H, cette spin-off du CNRS entend proposer un ammoniac vert, autrement dit un ammoniac généré par une production propre.

Plus besoin de gaz naturel pour produire l'ammoniac

Tout a commencé par un brevet déposé en septembre 2021, par le Docteur Nicolas Mézailles, aujourd'hui co-fondateur de Swan-H. "Il est spécialisé dans l'activation des molécules inertes. Au printemps 2021, il a réussi à activer de l'azote présent dans l'air à 80%, l'un des deux composants essentiels de l'ammoniac, grâce à des radicaux de bore", raconte Augustin de Bettignies, autre co-fondateur de la startup. Pour compléter la formule, les atomes d'hydrogène, autre composant essentiel de l'ammoniac, sont récupérés en "ouvrant de l'eau", avant de mélanger l'ensemble.

"Aujourd'hui, notre procédé fonctionne avec de l'électricité comme seule source d'énergie et il est au moins 10 fois moins énergivore que la méthode de production actuelle de l'ammoniac. Par conséquent, nous pourrions très bien envisager des usines à taille humaine voire des micro-usines d'ammoniac, alimentées pourquoi pas en énergie solaire afin d'être au plus près des lieux de consommation", explique celui qui est aussi chief business officer de Swan-H.

Pour le moment, une centaine de sites de production d'ammoniac sont recensés dans le monde, principalement aux États-Unis, en Russie et Ukraine, avant d'exporter la marchandise par bateau. Développer des unités de production localement par ce nouveau procédé pourrait aussi réduire les émissions de carbone liées au transport.

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"Si nous nous projetons, nous pourrions aussi avoir un effet sur l'inflation. Aujourd'hui, le prix de l'ammoniac est complètement lié au prix du gaz naturel, qui a augmenté considérablement. Et comme le principal débouché du moment de l'ammoniac reste l'engrais, cela a donc par ricochet des effets sur le prix de l'alimentation. Avoir un ammoniac produit par un procédé moins énergivore et sans gaz naturel coûtera forcément moins cher", expose Augustin de Bettignies.

La clé de voûte de la filière hydrogène ?

Sur le plan commercial, la startup installée à la Maison de la Recherche et de la Valorisation (MRV) de Toulouse avec ses quatre cofondateurs* et ses quatre salariés veut commercialiser sous forme de licence non exclusive son procédé à des producteurs d'ammoniac.

Swan-H

Les équipes de Swan-H vont être renforcées par l'arrivée de deux techniciens dans les prochains mois (Crédits Swan-H).

"Nous allons commercialiser notre savoir-faire sur ce réacteur chimique, tout en diffusant le plus largement possible dans le monde cette technologie et apporter ainsi une solution pour la planète. Notre ambition n'est pas d'être racheté par un grand groupe qui exploitera tout seul cette technologie et nous devrons trouver des partenaires financiers qui acceptent cette logique", prévient le co-fondateur.

Après un an d'existence, la jeune société a déjà levé 1,5 million d'euros auprès de deux business angels néerlandais pour financer ses débuts et sa preuve de concept validée par cette publication dans une revue scientifique. Désormais, Swan-H est à la recherche d'environ cinq millions d'euros pour financer son prototype industriel dans les prochains mois, tout en ayant deux postes de techniciens ouverts.

Au-delà de la production d'engrais, ce marché de l'ammoniac offre de belles perspectives à la jeune pousse basée à Toulouse. Des bateaux de transport de marchandises hybrides sont actuellement développés pour utiliser de l'ammoniac comme carburant. De plus, ce dernier dispose de facultés chimiques qui lui permettent de transporter efficacement et sans grande perdition d'énergie de l'hydrogène. De quoi donner des idées à l'heure où l'humanité cherche à en faire le carburant du futur...

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"L'ammoniac est un vecteur énergétique idéal, mais il a été négligé à cause de la quantité d'énergie nécessaire pour le produire. Notre procédé « Mézailles » à faible consommation d'énergie a le potentiel de positionner l'ammoniac au cœur d'un nouveau système énergétique décarboné, permettant de stocker efficacement les énergies renouvelables telles que l'éolien et le solaire", a même récemment déclaré dans un communiqué Steve van Zutphen, le CEO de Swan-H.

* Les quatre co-fondateurs de Swan-H sont Nicolas Mézailles (l'inventeur issu du CNRS, directeur scientifique de la société), Steve van Zutphen (entrepreneur dans la chimie et directeur général), Willem Schipper (expert des procédés chimiques industriels et directeur technologie & industrialisation de Swan-H) et Augustin de Bettignies.

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