Pourquoi l'internet des objets n'est pas (encore) au point

Prix Turing 2007 et spécialiste de l'Internet des objets, Joseph Sifakis est intervenu mercredi 3 juin à l'ouverture de l'Innovation Day, organisée par Digital Place à Toulouse. Entre la nécessité d'unifier les réseaux et des défaillance de sécurité, il a expliqué quels sont selon lui les obstacles au développement d'une technologie sur laquelle repose pourtant de très nombreuses attentes.
Joseph Sifakis, prix Turing 2007, pointe les faiblesses de l'internet des objets

Premier Français récompensé du Prix Turing en 2007 (l'équivalent du prix Nobel pour l'informatique), Joseph Sifakis est un spécialiste de l'Internet des objets (IdO). Cette révolution technologique aux marchés alléchants promet de connecter l'ensemble des objets et des réseaux sur la planète. "Il y a aujourd'hui 1 milliard d'appareils dans le monde. Le rêve est de les connecter pour faire face à des défis globaux, comme la gestion des ressources ou les prévisions du changement climatique", a affirmé l'ingénieur français lors de sa conférence d'ouverture de l'Innovation Day, organisée par le cluster Digital Place, mercredi 3 juin à Toulouse.

Un mot résume l'effort entrepris pour réaliser ce réseau d'objets connectés : la convergence. Convergence des réseaux pour avoir "une infrastructure unifiée". Convergence des appareils, car "on utilise aujourd'hui nos portables pour téléphoner, lire notre courrier ou vérifier notre santé". Convergence enfin des politiques pour "unifier les marchés, harmoniser l'échange de données, les protocoles, les standards de qualité, etc.".

Exemple significatif de ce changement selon le chercheur : IBM. "Il y a 10 ans, IBM vendait des machines et des applications séparément, a-t-il rappelé. Maintenant, ils affirment 'travailler pour une planète plus intelligente'. C'est un slogan mais cela montre une transformation radicale."

Deux internet des objets

Selon Joseph Sifakis, deux formes d'internet des objets doivent se développer. La première, l'internet des objets humain, sera "une évolution de l'internet tel qu'on le connaît actuellement, c'est-à-dire un système où les gens interagissent pour avoir des services". Le second, l'internet des objets industriels, reste encore à inventer.

"Toutes les initiatives importantes à ce sujet viennent des États-Unis, où un consortium mené par General Electrics a été lancé pour réaliser cet IdO industriel, a déploré Joseph Sifakis. L'obstacle principal pour atteindre cette vision est la sécurité et la sûreté sur internet, ainsi que l'absence de garantie de temps de réaction."

Des coûts de développement élevés

Selon le directeur de recherche au CNRS et fondateur du laboratoire Verimag à Grenoble, pour réaliser l'IdO, il faudra concevoir des systèmes informatiques fiables.

"Or, a-t-il remarqué, on a zéro théorie pour construire des systèmes complexes. Un ingénieur civil a les outils mathématiques pour concevoir un pont qui ne s'écroulera pas pendant des années. Pour les systèmes informatiques, ce n'est pas le cas. D'après les statistiques, 30 % des grands projets informatiques échouent."

Autre obstacle : le coût. Plus un système est complexe, plus il coûte cher. Citant une étude de la Darpa, (l'agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense, NDLR), Joseph Sifakis a montré qu'en 2060, le coût de développement d'un nouvel avion militaire coûterait le budget actuel de la défense des États-Unis, soit près de 600 milliards d'euros au regard de la complexité des systèmes connectés embarqués. Et de remarquer :"On comprend bien qu'Airbus et Boeing disent 'on ne veut plus développer de nouveaux avions avant longtemps car cela coûte cher'".

La sécurité, un obstacle à résoudre

Dernier problème, et pas des moindres, au développement de l'IdO : la sécurité des réseaux. "Tous les jours, on découvre de nouvelles attaques", s'est alarmé Joseph Sifakis.

"Nous avons aujourd'hui des systèmes de très mauvaises qualité technique, a-t-il affirmé. Les autorités auraient pu être plus strictes car il est inacceptable qu'on nous vende des produits sans garantie de sécurité. Il faut savoir qu'un pirate moyen peut pénétrer les antivirus et les pare-feux en 5 minutes. Les ingénieurs Microsoft ont fait des systèmes complexes et empiriques auxquels ils ne comprennent rien et qu'on ne peut réparer."

Et de conclure : "Il y a des hauts et des bas en ce qui concerne l'avenir de l'IdO. Il y a beaucoup d'attentes, mais l'absence d'infrastructure de réseau unifié ainsi que les problèmes de sécurité sont des obstacles. Si on ne garantit pas la sécurité des infrastructures, on n'ira pas loin."

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