Semaine de quatre jours : à Toulouse, cette entreprise ne s'imagine pas « revenir en arrière »

La société toulousaine Alu Sud, spécialisée dans la menuiserie aluminium a mis en place, depuis janvier dernier, la semaine de 35 heures en quatre jours pour sa quinzaine de salariés. Une organisation qui donne un jour de repos hebdomadaire en plus aux salariés et permet aussi à la société d'alléger sa facture énergétique. À tel point qu'aujourd'hui aussi bien le dirigeant que ses salariés n'aimeraient pas « revenir en arrière ».
Jean-Claude Henri dirigeant d'Alu Sud et de Dario (à gauche) et ses salariés.
Jean-Claude Henri dirigeant d'Alu Sud et de Dario (à gauche) et ses salariés. (Crédits : Alexandra Frenkel)

Travailler quatre jours par semaine, beaucoup en rêvent. En Europe, les expériences sur ce modèle se multiplient dans les entreprises. Les salariés de la société toulousaine Alu Sud, eux, y ont droit. Jean-Claude Henri, gérant de la société et depuis trois ans de la miroiterie Dario, a mis en place la semaine de quatre jours, « mais toujours en 35 heures et avec le même salaire » précise le chef d'entreprise, depuis le 1er janvier 2023. La société, spécialisée depuis 17 ans dans la fabrication et la pose de menuiseries en aluminium et dans le travail du verre, compte 15 collaboratrices et collaborateurs.

Cette idée ne vient pas des collaborateurs, mais du patron lui-même. « La semaine de quatre jours, c'est un sujet qui me trottait dans la tête depuis presque deux ans. J'ai donc travaillé sur le sujet pour trouver la bonne version à mettre en place en envoyant des ballons sondes », explique Jean-Claude Henri, fort de 30 ans de métier. L'objectif est ainsi pour le patron de ne pas faire de l'initiative une contrainte, ni pour les équipes, ni pour l'entreprise. Ainsi, libre aux salariés d'Alu Sud d'accepter ou non ce projet d'aménagement horaire. Chaque membre du personnel a donc signé un avenant.

« Nous avons des métiers de plus en plus durs physiquement et psychologiquement, nous avons de plus en plus de contraintes, donc je cherche un moyen pour essayer de soulager mes équipes le plus possible. Pour améliorer ça, j'ai donc effectivement pensé à la semaine des quatre jours afin de leur permettre de récupérer un jour de plus. Il faut récompenser les gens qui travaillent finalement », détaille le chef d'entreprise.

Des horaires adaptés

Avec la semaine de quatre jours, mécaniquement 47 jours de congés supplémentaires sont accordés aux collaborateurs même si le volume horaire travaillé reste le même. Pour mettre en place ce système, le patron a dû choisir entre un jour fixe ou tournant. Celui-ci a finalement opté pour la première option pour des raisons logistiques. Ainsi, tous les salariés de l'entreprise bénéficient de leur vendredi de libre depuis le début de l'année civile et d'un aménagement de leurs horaires de travail.

« Je leur ai enlevé un quart d'heure à la pause du midi, dans le respect des conventions collectives bien sûr, et rajouté une demi-heure le soir ».

Ce changement ne concerne que les salariés d'Alu Sud et de la miroiterie Dario. Jean-Claude Henri, lui, assure une permanence téléphonique le vendredi et se rend parfois sur son lieu de travail, pour ce chef d'entreprise,« un patron travaille 7 jours sur 7, c'est un choix que je fais. »

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Pour faire en sorte que cette semaine de quatre jours soit une réussite, le gérant a pris l'initiative d'investir dans des machines qui permettent un meilleur confort de travail aux employés. « Comme je ne réduis pas le temps de travail, il fallait vraiment que j'investisse dans des outils. C'est donc au chef d'entreprise de leur amener quelque chose qui va permettre de réaliser ces heures sans difficulté. Sinon, des contraintes supplémentaires vont être créées »Par ailleurs, il est essentiel que l'entreprise puisse également s'y retrouver. C'est pourquoi, le patron a mis en place une clause de revoyure au bout de six mois afin de faire le bilan de cette initiative.

Des retours positifs

Après plus de trois mois d'expérimentation, ces nouveaux horaires semblent contenter le personnel et leur gérant. Pour ce dernier, « tout fonctionne bien, pour l'instant ». La réduction du nombre de jours travaillés a pour objectif d'apporter de nombreux avantages aux salariés et à l'entreprise, parmi lesquels préserver, fidéliser et impliquer les équipes, mais aussi recruter et faire des économies d'énergie.

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La journée de vendredi permet d'offrir un grand week-end de trois jours aux salariés. Pour Laurent Baptista, chef d'atelier, le bilan est positif, « c'est du temps en plus pour nous le week-end à passer avec sa famille par exemple et puis 45 minutes de travail en plus par jour, ça n'est pas gênant ». « Nous avons des semaines beaucoup plus intenses, mais on peut vraiment bien récupérer durant notre long week-end au niveau physique et au niveau mental, le lundi, j'arrive beaucoup plus motivée », affirme Martine Romeuf, chargée d'accueil et du secrétariat. Un avis partagé par Marie-Hélène Fernandes De Sousa, la comptable de Alu Sud : « personnellement, je n'aimerais pas revenir en arrière, c'est un véritable atout pour l'entreprise en plus de cela, nous économisons un trajet par semaine ».

Des retombées économiques encore difficiles à percevoir

Des économies sont, en effet, réalisées au profit du personnel, mais aussi et surtout à l'entreprise. Avec la hausse des coûts énergétiques, le patron prévoit une augmentation de 40.000 euros de sa facture d'électricité cette année. La semaine de quatre jours, « c'est accepter de fermer l'entreprise une journée et donc faire des économies d'énergie ce qui n'est pas négligeable dans la conjoncture actuelle », indique le dirigeant. De plus, les camions de l'entreprise ne circulent pas ce jour-là et la société n'a plus à fournir le panier repas du vendredi, faisant là aussi des économies.

La semaine de quatre jours est également un argument de taille pour le recrutement. Depuis le 1er janvier, trois personnes ont été embauchées dans l'entreprise. « Ça faisait un an et demi que je cherchais à embaucher, avant je n'avais que de l'intérim et moi ça ne m'intéresse pas, c'est la gangrène du travail », fustige au passage le gérant.

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Mais tout n'est pas totalement rose pour l'entreprise. « Le seul inconvénient, c'est que nous travaillons avec d'autres sociétés qui n'ont pas ce mode de fonctionnement, nous avions une livraison le vendredi d'un fournisseur de verre qui n'a pas été remplacée », relève Alexandre du bureau d'études. La disponibilité de l'entreprise pour les clients et les fournisseurs le vendredi reste un point noir pour la société. « Mais les clients sont dans la compréhension quand nous leur annonçons le pourquoi du comment », assure Jean-Claude Henri.

Aujourd'hui, il est encore trop tôt pour calculer les effets de la semaine de quatre jours sur la société Alu Sud. « Je ne peux pas dire que j'ai une baisse de chiffre d'affaires, parce qu'en ce début d'année, nous avons de la chance d'avoir beaucoup de travail et de commandes. Par rapport à mars de l'an dernier, je suis à plus 80.000 euros, donc à peu près +20 % de chiffre d'affaires. Pour l'instant, nous nous y retrouvons », conclut finalement le gérant.

Avec un chiffre d'affaires actuel de 1,6 million d'euros en 2022, le spécialiste de la menuiserie aluminium a pour objectif d'atteindre 1,8 à 2 millions d'euros par an pour les années à venir. En outre, le chef d'entreprise ne compte pas s'arrêter là concernant le confort de ses équipes, il souhaite désormais mettre en place un espace détente à destination de son personnel.

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