Les remous sociaux de Fram au grand jour

Une audience aux Prud'Hommes de Toulouse entre des anciens salariés de Fram et le liquidateur judiciaire, le cabinet toulousain Benoit et Associés, doit se tenir jeudi 7 février. Ces anciens salariés qui ont quitté le voyagiste toulousain suite à la reprise par LBO France et Karavel, demandent ainsi réparation. Deux contrats auprès de compagnies d'assurances sont au cœur de ce conflit social. Décryptage et révélations.
Des anciens salariés de Fram contestent les conditions de leur licenciement.

Tout est parti du Printemps arabe qui a touché de nombreux pays du Maghreb autour de l'année 2011. C'est le début du plongeon dans l'abîme pour le voyagiste toulousain Fram qui misait énormément sur ses destinations africaines. L'entreprise symbole d'une activité économique toulousaine florissante est alors mise en procédure de conciliation auprès du Tribunal de commerce de Toulouse dès 2013 après l'érosion dangereuse de son chiffre d'affaires (410 millions d'euros fin 2010, 372 fin 2012 et 275 à la fin 2014). Une procédure qui doit éviter ou précéder le redressement judiciaire voire la liquidation pure et simple.

Dès lors, en interne, s'engage une course à la recherche de fonds pour sauver le navire Fram et ses 1200 salariés, dont 680 en France. Finalement, la société de voyages dépose le bilan le 29 octobre, avant un placement en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Toulouse (TCT) dans la foulée. Au terme d'un processus d'enchères entre quatre candidats, sous l'égide du TCT, le groupe Karavel, soutenu par le fonds d'investissements LBO France, reprend l'ensemble des actifs du groupe Fram et 429 salariés le 25 novembre 2015, contre la somme de 10 millions d'euros.

Lire aussi : Karavel-LBO France reprend Fram et devient le premier voyagiste en France

Plus précisément, le tribunal retiendra l'offre présentée par les entreprises Voyages Invest et Phoenix, filiales de LBO France, l'actionnaire principal du groupe Karavel. Ainsi, la holding Voyages Invest chapeautera la société d'exploitation Phoenix présidée par Alain de Mendonça, le président du groupe Karavel.

Des avantages jamais perçus

Ce dossier avait secoué l'écosystème toulousain en 2015 et il va prochainement refaire parler de lui. Selon nos informations, quatre ex-salariés de l'ancien Fram seront entendus lors d'une audience aux Prud'Hommes de Toulouse, jeudi 7 février. Mais au total, ce sont une vingtaine d'entre eux qui pourraient lancer une procédure similaire. Licenciés suite à la liquidation judiciaire du groupe Fram, par le biais d'un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), ces salariés estiment ne pas avoir été indemnisés comme ils y ont droit.

Pour cela, les anciens salariés du voyagiste toulousain s'appuient sur deux contrats souscrits par les anciens propriétaires de Fram : un contrat passé auprès de la compagnie Swisslife, dit article 39, doté de 1,05 millions d'euros au moment de la cession, réservé aux salariés de plus de 55 ans qui quittent l'entreprise, pouvant ainsi bénéficier de droits à la retraite supplémentaires ; le second est un contrat d'indemnités de fin de carrière signé avec le fonds Winterthur et qui contenait 2,6 millions d'euros fin 2015. Toutefois, le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse du 25 novembre 2015, et qui officialise la reprise de Fram par Karavel, stipule :

"Afin de garantir les droits des salariés repris, le candidat reprendra les contrats d'assurance conclus avec les organismes Winterthur (indemnités de fin de carrière) et SwissLife (régime de retraite supplémentaire à prestations définies, dit « article 39 »). Conformément aux stipulations contractuelles, ces contrats seront résiliés, et le Tribunal devra en prendre acte, afin d'assurer aux salariés concernés la gestion des sommes versées en leur faveur par les organismes d'assurance".

Ainsi, ces fonds auraient dû passer sous le contrôle du liquidateur et mandataire judiciaire, le cabinet toulousain Benoit et Associés, afin que ce dernier protège les droits des salariés licenciés et bénéficiaires de ces contrats. Pourtant, selon un proche du dossier qui travaille au sein de l'assureur, les fonds prévus au titre du contrat SwissLife (1,05 M€) ont été virés à Karavel, et les ex-salariés n'ont jamais bénéficié de cette somme.

Le Tribunal de commerce se défend

De ce fait, les ex-salariés assurent avoir alerté le juge-commissaire du TCT en charge du dossier Fram, Antoine Blatché, et le président de l'institution, Christian Bastide. Mais aucun des deux n'auraient répondu à leurs courriers selon les ex-salariés.

"Lorsque nous avons cédé Fram, je n'ai pas eu une plainte des salariés. Je n'ai pas reçu un courrier ici d'un salarié pour me dire qu'il a été injustement licencié. Si j'avais reçu un tel courrier, j'aurais convoqué le chef d'entreprise et l'administrateur pour savoir dans quelles conditions cela s'est passé. Mais je n'ai jamais eu un mot plus élevé que l'autre sur la gestion du dossier Fram et ça pour moi c'est significatif", assure pourtant Christian Bastide.

Mécontents face au silence du tribunal, certains des salariés ont ensuite tenté d'interpeler par courrier la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, à propos de cette situation. Celle-ci n'aurait pas donné suite, à son tour.

Exemplaire de la lettre envoyée à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet.

Changement de politique d'entreprise

Ne s'estimant pas assez entendus, les ex-salariés ont donc saisi les Prud'hommes de Toulouse pour lancer une procédure contre le liquidateur, pour rappel le Cabinet Benoit et Associés. Contactée par La Tribune, Me Béatrice Amizet en charge du dossier pour ce cabinet refuse de s'exprimer sur des affaires en cours d'examen.

Néanmoins, "il convient de souligner que Me Amizet n'est pas mise en cause personnellement dans le cadre de ces procédures mais uniquement en sa qualité de liquidateur judiciaire en charge d'une mission légale de représentation de la société en liquidation, notamment devant les juridictions saisies", ajoute le conseil de Me Amizet, l'avocat Christophe Eychenne.

Ce n'est pas la première fois que Fram connaît des remous sociaux... En novembre 2016, soit un an après la reprise par Karavel, les salariés du "nouveau Fram" étaient descendus dans la rue pour contester face à la nouvelle politique d'entreprise mise en place par Karavel, à savoir baisse des salaires, suppression d'avantages comme les tickets-restaurants, et réduction des effectifs.

Lire aussi : Un an après le rachat de Fram, pourquoi les salariés toulousains sont dans la rue

"Les repreneurs ont connu des difficultés à leur arrivée car ils ont notamment sous-estimé la forte culture d'entreprise qui régnait chez Fram avant. La famille Colson (les anciens propriétaires, ndlr) entretenait une politique d'entreprise familiale voire paternaliste à l'égard de leurs salariés. Mais avec Karavel, ils sont passés dans une politique d'entreprise de la nouvelle économique, basée sur le résultat et l'efficacité", analyse Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage (EdV), l'ex-Snav.

Pour lui, Fram a fait le plus dur pour se redresser. Une situation approuvée par Alain de Mendonça, le dirigeant de Fram. Dans une interview à La Tribune en mars 2018, celui-ci annonçait un retour à l'équilibre pour Fram en 2019. Contacté, le numéro 1 du voyagiste toulousain n'a pas donné suite à nos sollicitations.

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Commentaires 5
à écrit le 13/02/2019 à 23:47
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Excellent article qui vient illustrer la ténacité et la clairvoyance des IRP (Institutions Représentatives du Personnel) du Groupe FRAM en FRANCE, dans la procédure de liquidation judiciaire de ce Groupe. Sans les IRP, vous avez compris qu'une vin...

à écrit le 12/02/2019 à 17:26
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Bonsoir, merci pour l' article, je ne vais pas le commenter. Simplement une information sur la situation en Espagne. A ce jour, nous sommes toujours dans l' attente des liquidations des sociétés espagnols. Notre liquidatrice nous tiens informée r...

à écrit le 11/02/2019 à 14:13
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Bonjour, bravo pour votre article. Sachez que je fais partie de 120 employés de Fram, filiale Tunisie qui avons été mis à la porte du jour au lendemain sans aucune indemnite sous prétexte que les filiales étrangères n'étaient pas prises en compte lor...

à écrit le 07/02/2019 à 20:02
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Cassoulet toulousain

à écrit le 07/02/2019 à 16:25
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Je suis l'une des signataires du courrier publié plus haut, adressé à Nicole Belloubet. J'ignore comment vous vous l'êtes procuré, mais... chapeau ! Je suis courroucée de lire l'affirmation du président du TCT Christian Bastide, qui prétend n'avoi...

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