Avocats et magistrats défilent à Toulouse contre "la déshumanisation de la justice"

Un cortège d'avocats et de magistrats a défilé mercredi 12 décembre dans les rues de Toulouse pour dénoncer le projet de loi justice qui vient d'être adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. Ils pointent notamment le développement de plaintes en ligne et craignent l'émergence de "déserts judiciaires" à l'issue de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance.
Avocats et magistrats ont défilé dans les rues de Toulouse ce mercredi 12 décembre.
Avocats et magistrats ont défilé dans les rues de Toulouse ce mercredi 12 décembre. (Crédits : Florine Galéron)

Sur la pancarte brandie par une avocate mercredi 12 décembre, devant le Palais de justice de Toulouse, figure une image de Tintin et du capitaine Haddock coincés en plein désert, le célèbre reporter s'interrogeant : "Où est le tribunal ?". Par ce photomontage, les robes noires voulaient alerter sur le risque de créer "des déserts judiciaires" en France.

Le projet de loi justice adopté en première lecture par l'Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi prévoit notamment la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance.

"Un habitant de Muret pouvait se rendre dans le tribunal d'instance de la ville mais désormais, tout sera transféré à Toulouse. Au total, en France, ce sont 300 tribunaux d'instance qui vont être supprimés. Cela créé un éloignement de la justice", déplore Jean-Marc Lacoste, président de l'Union des jeunes avocats de Toulouse.

Les plaintes en ligne vont-elles "dissuader les victimes"?

L'autre point d'achoppement qui fait craindre à cet avocat "une déshumanisation de la justice" est le déploiement de plaintes en ligne. "Notre ambition est bien de donner une parole plus facile aux victimes, de leur permettre de porter plainte de manière plus aisée", avait expliqué il y a quelques jours la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, à l'Assemblée nationale.

Mais Jean-Marc Lacoste craint au contraire que cette mesure "dissuade les victimes de se tourner vers la justice", notamment ceux qui ne maîtrisent pas ou qui n'ont pas accès à des outils numériques. "Ceux qui auront les moyens pourront se payer un avocat pour gérer ces procédures", estime-t-il.

De son côté, Odile Barral, déléguée régionale du Syndicat de la magistrature à Toulouse, alerte sur le passage par des plateformes numériques pour gérer les injonctions de payer. "Cela concerne les factures impayées, des crédits... Mais on ne va pas régler en ligne des problèmes de paiement de pensions alimentaires", juge-t-elle.

Lire aussi : À Toulouse, la ministre de la Justice interpellée sur le "manque de moyens"

Les algorithmes vont-ils rendre la justice ?

À plus long terme, les professions du droit pourraient voir leur quotidien bouleversé face à l'émergence de l'intelligence artificielle. Dans la ville de Cleveland aux États-Unis, face au nombre importants de dossiers à traiter, les magistrats sont aidés par des machines qui recensent l'ensemble des infractions commises par un prévenu et fournissent au juge une recommandation de peine.

"Nous sommes totalement opposés à l'instauration de barèmes automatiques en fonction des litiges. L'essence de notre métier repose sur une individualisation de chaque situation", relève la juge Odile Barral.

L'avocat Jean-Marc Lacoste abonde :

"Comment un justiciable peut accepter une décision de justice, que ce soit une relaxe ou une condamnation, si elle vient d'un ordinateur ?"

Même si ces technologies restent à ce jour encore peu matures, avocats et magistrats regrettent que la justice numérique soit prônée dans l'optique de faire des économies : "Le gouvernement aurait pu considérer que la justice est le 3ème pouvoir régalien et qu'on doit y investir massivement", suggère le président de l'Union des jeunes avocats.

200 avocats et quelques magistrats ont participé mercredi midi au défilé organisé entre le Palais de justice et la préfecture de Toulouse. D'autres rassemblements étaient organisés également à Tarbes et Albi. Le projet de loi justice n'est pas encore définitivement adopté et donc d'autres journées "justice morte" pourraient se tenir durant les mois à venir.

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Commentaires 7
à écrit le 13/12/2018 à 10:55
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Un petit effort du cortex pour que ces braves gens s'adaptent à leur époque.

à écrit le 13/12/2018 à 9:31
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La justice est volontairement maintenue dans la misère afin que les juges se cantonnent à punir le simple citoyen ne pouvant pas s'attaquer aux magouilles politico-financière et à celles de la mafia. Démocratie vous êtes sûr amis journalistes ? V...

à écrit le 13/12/2018 à 5:54
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qu'un algo bien construit rendra mieux la justice que des humains . C'est comme Anacrim, le logiciel de la police qui est capable d'étudier les données d'une enquete de police de façon bien plus approfondie que les policiers ( par sa capacité à ne ri...

à écrit le 13/12/2018 à 1:58
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La justice est trop clémente envers les criminels et libère de dangereux individus tous les jours; l'exemple de ce qui s'est passé sur le marché de noel de Strasbourg est éloquent et il y en a tous les jours dans les rubriques faits divers. Que le tr...

à écrit le 12/12/2018 à 21:35
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Macron prétend avoir entendu les " gilets jaunes" mais avec sa pseudo réforme judiciaire, il empêche les "petits" d'accéder à la justice. Plus de Tribunaux d'instance, cela signifiera un recours obligatoire à un avocat pour pouvoir aller devant le TG...

à écrit le 12/12/2018 à 20:51
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Bonjour, Je suis totalement d'accord avec Mme Barral... Les algorithmes ne règlent pas tout. Comment peut on considérer qu'un ordinateur, une machine crée par l'homme puisse remplacer la Justice et les avocats ?! On confond une fois de plus : se d...

à écrit le 12/12/2018 à 17:49
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ils feraient mieux de défiler contre l'INCURIE de la justice ou des affaires prennent des années voire des décennies avant d'etre (.....plus ou moins mal ! ) réglées !

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