Crise aéronautique : Gillis Aerospace cherche à se diversifier dans le sport automobile

Après s'être pris "un mur" avec la crise sanitaire, le spécialiste des fixations et vis aéronautiques Gillis Aerospace rebondit. La PME implantée dans le Tarn-et-Garonne lance un plan d'investissement de plus d'un million d'euros pour acquérir de nouveaux moyens industriels. En attendant la remontée des cadences, elle compte se diversifier notamment dans le sport automobile.
Gillis Aerospace est en discussion avec des acteurs du sport automobile.
Gillis Aerospace est en discussion avec des acteurs du sport automobile. (Crédits : Reuters)

À l'annonce du premier confinement à la mi-mars 2020, Serge Dumas a eu le sentiment "de se prendre un mur". Quinze jours plus tôt, sa société, Gillis Aerospace, venait de céder 40% de son capital au groupe allemand Böllhoff, spécialiste des éléments d'assemblage spéciaux pour l'industrie. L'entreprise implantée à Dieupentale (Tarn-et-Garonne) affichait avant-crise des taux de croissance de 15% par an et produisait plus d'un million de fixations par an pour de grands noms de l'industrie aéronautique et spatiale (Ariane Group, Liebherr, Latécoère, Safran, etc). Du jour au lendemain, il a fallu gérer le coup d'arrêt porté à l'industrie. La PME de 42 salariés a vu son chiffre d'affaires chuter de 4,5 à 4,3 millions d'euros entre 2019 et 2020, un impact non-négligeable mais atténué par le fait que l'aviation commerciale ne représentait que 30% de son activité.

Un an et demi plus tard, la société remonte la pente. "Depuis le mois de juillet, nous avons repris une activité normale, cinq jours par semaine. Certes, l'équipe de nuit n'a pas repris mais les chiffres montrent qu'il n'y a plus de baisse d'activité", explique Serge Dumas. Le dirigeant est également optimiste après les remontées de cadence annoncées par Airbus en mai dernier. L'avionneur européen envisage dans les prochaines années un niveau de production jamais atteint dans l'histoire de l'aéronautique.

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Pour autant, les sous-traitants vont devoir encore attendre encore quelques mois avant d'en ressentir les effets. Gillis Aerospace escompte un CA 2021 encore très impacté par la crise qui devrait s'établir à 3,8 millions d'euros. "Les commandes issues de cette reprise ne sont pas encore émises. Il faudra que les donneurs d'ordre puis les grands équipementiers relancent la machine avant que des PME comme la nôtre puissent bénéficier d'une augmentation d'activité", commente le dirigeant.

Halte à la surconsommation de matières premières

Pour Serge Dumas, cette reprise devra éviter deux écueils : la pénurie de matières premières et les difficultés de certains maillons indispensables de la supply chain.

"Il ne faut pas se précipiter sinon nous risquons de créer des bulles dans les achats, notamment de matières premières et de générer nous-mêmes un phénomène de surconsommation. Ce ne serait pas bon pour notre trésorerie et puis cela engendrerait une demande artificiellement haute", alerte le président de Gillis Aerospace. Et ce d'autant plus que la filière aéronautique est déjà touchée par une pénurie et une augmentation des prix par exemple sur le titane, comme le faisait remarquer fin juillet le groupe Ségneré.

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L'autre enjeu de la relance est de s'assurer "que les fournisseurs spécialisés (peinture, soudure) auront passé la crise dans un bon état et seront capables de accélérer", met en avant Serge Dumas. "Nous risquons d'avoir des goulots d'étranglement sur lesquels il faudra être vigilant. Mais je suis certain que la filière saura les faire sauter", ajoute-t-il.

Automobile et nucléaire

En attendant la reprise franche de la filière aéronautique, Gillis Aerospace a déjà imaginé des pistes de diversification. À commencer par le sport automobile.

"Nous avons des signes encourageants de pourparlers avec des acteurs du sport automobile. L'objectif n'est pas de faire la guerre aux mastodontes du secteur mais plutôt de miser sur notre agilité. Le monde idéal de l'automobile, c'est un besoin exprimé le lundi avec des pièces à livrer le vendredi. Pour y parvenir, il faut organiser tout le processus amont pour avoir les pièces semi-finies en stock. Nous sommes en train d'identifier une demi douzaine de pré-séries à réaliser pour valider le début de notre activité dans le sport automobile et être prêts pour la saison prochaine", détaille Serge Dumas.

La deuxième piste de diversification envisagée est le nucléaire où la rigueur acquise dans l'aéronautique est très appréciée.

Cobots et atelier de forge

Pour rebondir, Gillis Aerospace a également mis au point avec l'association Space et la Région Occitanie un plan d'investissement d'1,2 millions d'euros sur trois ans pour lequel elle a bénéficié de 600.000 euros dans le cadre de France Relance. La PME compte poursuivre ses investissements dans l'industrie du futur. La société s'était déjà équipée de trois cobots (robots collaboratifs). Il faut maintenant optimiser leur utilisation.

"Nous travaillons sur des petites séries de 100 à 5.000 pièces et à chaque nouvelle série, il faut reconfigurer le cobot. L'objectif est que les robots deviennent plug and play. Autrement dit, quand les opérateurs auront fini de les régler, dans la minute qui suit, le cobot est opérationnel. Cette organisation demande des interfaces standards mais cela va augmenter l'utilisation des cobots dans des proportions extraordinairement attractives", espère le chef d'entreprise.

Deuxième chantier : la création pour le printemps 2022 d'un atelier de 550 m2 pour accroître les capacités de forge de l'entreprise. "Nous étions confrontés à un plafond de verre vis-à-vis de nos clients parce que nous n'avions pas cette capacité industrielle", fait savoir Serge Dumas. Gillis Aerospace va enfin mettre à profit ce plan d'investissement pour remplacer certaines substances toxiques conformément aux directives européennes du programme Reach.

Comme avant la crise, Serge Dumas envisage toujours en 2025 de vendre l'intégralité de sa société à Böllhoff pour partir à la retraite. Le groupe allemand, dont le chiffre d'affaires culmine à 615 millions d'euros, possédait déjà une usine de fixations pour l'automobile et Airbus Helicopters de 400 salariés à Chambéry. Malgré la crise, son appétit pour l'aéronautique ne s'est pas amenuisé. La part de ce secteur est été multipliée par quatre en un an.

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