Sous le grand hangar de l'usine, deux salariées tiennent chacune une pièce de tissu. En quelques minutes, la machine vient souder le puzzle du futur canot pneumatique. Souder plutôt que coller, c'est grâce à ce procédé de fabrication unique que la marque Zodiac a pu s'imposer en 120 ans d'existence comme l'un des leaders mondiaux de la fabrication de canots pneumatiques. "La machine à souder permet une fusion des matériaux en PVC et donc une bien meilleure qualité que lorsque l'on utilise simplement un collage comme le fait la concurrence. Les clients allemands surnomment les Zodiac, la 'Mercedes flottante'", sourit Roland Faure, responsable de la production. Au milieu des années 90, à la grande époque de la célèbre marque, le site d'Ayguesvives (à 20 km au sud de Toulouse), fabriquait 160 bateaux par jour. "Aujourd'hui, c'est plutôt 15 par jour", note Roland Faure.

Souder plutôt que coller, le procédé qui a fait le succès de Zodiac (Crédit: Rémi Benoit).

Entre temps, la société a traversé une série de tempêtes. En 2007, le groupe Zodiac se sépare de sa branche marine au profit du fonds d'investissement Carlyle. 500 postes sont supprimés et le site historique de La Rochelle ferme. L'an dernier, la société Z Marine (qui commercialise alors la marque Zodiac) ne compte plus que 120 salariés dont 89 sur le site d'Ayguesvives qui rassemble les deux activités historiques de la société : le nautique (62 salariés) et l'espace (27 personnes). Même si l'entreprise réalise de bons résultats avec 42 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel et un carnet de commandes plein, l'entreprise est placée en cessation de paiement le 2 avril 2015. Z Marine accumule près de 10 millions d'euros de dettes et faute de trésorerie, la production est mise à l'arrêt. Au 1er juillet, Z Marine est sauvée par deux repreneurs qui scindent l'activité : la partie nautique (Zodiac Nautic) est reprise par l'investisseur Energetic Developpement avec l'appui de deux industriels et la partie espace est gérée désormais par le fabricant de ballons dirigeables Airstar.

L'usine produit 15 bateaux par jour contre 160 dans les années 90 (Crédit : Rémi Benoit).

Relocaliser pour gagner en qualité

C'est dans ce contexte qu'est arrivé après l'été le nouveau directeur industriel de Zodiac Nautic Pascal Andriot. Ce manageur de transition a travaillé précédemment pour General Electrics ou le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Pour retrouver la confiance des clients, il s'est fixé comme priorité de réduire les délais de livraison et d'améliorer la qualité des bateaux, quitte à "brider l'activité et le chiffre d'affaires" pour l'année de la relance. Dans cette optique, Pascal Andriot a décidé de relocaliser progressivement la production chinoise vers la France des marques de la société (Zodiac, Bompard, Avon).

Pascal Andriot, manageur de transition est le directeur industriel de Zodiac (Crédit : Rémi Benoit).

"Le coût de la main d'œuvre en Chine est à relativiser. Si vous travaillez dans le low-cost pour le prêt-à-porter, vous pourrez fabriquer à faible coût des vêtements qui tiendront 3-4-5 ans. Mais les clients de nos canots pneumatiques sont exigeants sur la qualité et la tenue sur le long-terme. Le coût de la main d'œuvre est aussi contrebalancé par le manque de flexibilité. Il faut cinq semaines de bateau pour rapatrier les produits depuis la Chine", détaille-t-il.

Une première vague de relocalisation a été amorcée début février sur le site d'Ayguesvives qui fabrique désormais les flotteurs PVC de la marque Zodiac. En septembre, ce sera au tour de la marque Bompard de rapatrier la fabrication entre Ayguesvives et le site tunisien de Zodiac. L'objectif final est d'arriver en 2017 à relocaliser la production d'annexes. Aujourd'hui, Zodiac Nautic compte 319 salariés dont 90 en France. Le site de production d'Ayguesvives accueille le siège social et dispose de 67 salariés ; l'équipe commerciale de 10 personnes est implantée à Sèvres, en région parisienne et les bureaux d'études sont situés à Saint-Jean d'Illac en Gironde (13 salariés).

Steeve, travaille depuis 13 ans chez Zodiac (Crédit : Rémi Benoit).

Avec la relocalisation, les effectifs s'étoffent à nouveau et une partie des salariés licenciés au cours du plan social a pu être réembauchée en intérim. "Nous avons besoin de 5 intérimaires sur la saison haute et 4 à 5 intérimaires sur l'ensemble de l'année. Nous pourrions recruter une dizaine de personnes d'ici à 2017", explique Pascal Andriot. 10 mois après le sauvetage, l'entreprise a en tout cas déjà réussi un premier défi : réduire les retards de livraison. Selon la direction, 93% des bateaux sont livrés à l'heure contre 70% auparavant.

La relocalisation pourrait permettre de réembaucher les salariés licenciés pendant le plan social (Crédit : Rémi Benoit).