L'Oïkosystème, le nouveau projet de Rémi Demersseman-Pradel

Après avoir vendu les crèches La Part de Rêve, Rémi Demersseman-Pradel se lance illico dans un nouveau défi. Baptisé Oïkosystème, ce projet repose sur la construction d'un réseau de lieux rassemblant les entreprises conscientes de leur impact sociétal et environnemental. Lieux de travail partagés, ces "Labos Oïkos" pourraient incuber des entreprises, en accueillir d'autres, mais aussi contenir des espaces de restauration et de culture. Trois lieux vont ouvrir à Toulouse et Nantes d'ici à juin 2016. L'objectif est de créer un maillage de 40 sites dans les principales villes de France.
Rémi Demersseman-Pradel dans les locaux de l'Oïkosystème de Saint-Aubin à Toulouse.

Sur la dalle de béton, des voitures cabossées s'alignent contre le mur du hangar. Monte-charges, bidons, taches d'huile, l'ancien garage Renault du quartier Saint-Aubin baigne encore dans son jus. Dans six mois, il pourrait faire peau neuve. C'est du moins ce que prévoit son nouveau propriétaire : Rémi Demersseman-Pradel.

Le cofondateur et ancien PDG du réseau de crèches La Part de Rêve a en effet récupéré les clefs de ce bâtiment de 2 500 m2 à la mi-janvier. Et c'est une toute autre mécanique que l'entrepreneur socialiste veut mettre en branle dans ce lieu.

Baptisé Oïkosystème, son projet a une double paternité. Sur le plan théorique, il est la mise en pratique des concepts développés par le Centre des jeunes dirigeants (CJD) dans le rapport Objectif Oïkos publié en 2012 dans le cadre de l'élection présidentielle.

Sur le plan pratique, il est l'aboutissement d'une expérience de 10 ans passés aux commandes du réseau de crèches interentreprises La Part de Rêve, une entreprise qu'il a vendu à La Maison Bleue en juillet 2015.

Produire autrement

En 2012, sept ans après avoir cofondé La Part de Rêve, Rémi Demersseman-Pradel a décidé d'y mettre en pratique les idées du CJD et de former les 350 salariés à la gouvernance partagée.

"Mon engagement sociétal m'a fait découvrir et expérimenter ce management où l'expérimentation, la créativité et l'intelligence collective sont au cœur du fonctionnement, explique-t-il. La Part de Rêve était une chouette expérience, mais j'étais un peu frustré car j'avais envie de toucher plus de gens."

En 2014, il décide, avec ses coactionnaires, de vendre le réseau de 38 crèches à son concurrent La Maison Bleue. Le montant de la transaction est confidentiel mais, de son propre aveu, l'entrepreneur aurait pu en profiter pour se mettre au vert "aux Seychelles". La perspective, cependant, ne l'emballe pas. Avec d'anciens collaborateurs de La Part de Rêve, il monte ce nouveau projet au nom intriguant : l'Oïkosystème.

En grec ancien, "oïkos" désigne la demeure, le lieu de vie. D'après le CJD, "il ne s'agit pas uniquement des murs, mais de l'ensemble du domaine : les humains, le bétail et les terres. Par glissement, cela correspond à notre biosphère, à un territoire donné incluant ses habitants humains et non humains, ses ressources et son patrimoine."

Adapté à la sauce toulousaine, l'Oïkosystème se veut un écosystème économique prenant en compte la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises.

"L'Oïkosystème rassemble tout ce qui contribue à produire, travailler et informer autrement, explique Rémi Demersseman-Pradel. Il s'agit de mettre en place un cercle vertueux basé sur l'économie de partage et d'usage dédié à la mutation de l'entreprise du 21e siècle, de rassembler les gens qui sont dans la même démarche, de démultiplier notre force et de montrer que les entreprises de l'Oïkos sont plus rentables que les autres."

Avec la foi du converti et le pragmatisme de l'homme d'affaires, le fondateur de l'Oïkosystème ne compte pas réserver ce nouvel espace aux seules entreprises partageant ses valeurs. "Celles qui s'installeront chez nous ne seront pas toutes dans notre dynamique, mais nous les convaincrons en leur proposant des outils, des idées et des organisations différentes", sourit-il.

Un modèle inspiré de Darwin Éco-Système

Outre les thèses du CJD, l'Oïkosystème s'inspire de l'exemple de Darwin Éco-Système à Bordeaux. Cet espace de 20 000 m2 regroupe 190 entreprises, une pépinière, des commerces, des activités culturelles et associatives dans l'ancienne caserne Niel. Le tout avec une approche environnementale forte et en expérimentant une gouvernance partagée.

À une échelle plus réduite, Rémi Demersseman-Pradel compte convertir son ancien garage en un espace de travail partagé de 3 500 m2. Postes de travail, bureaux et salles de réunion seront louées à des entreprises et des startups. À cela devraient s'ajouter un espace de démonstration, un lieu d'événement, un atelier de type fablab et une activité de restauration. La rédaction du Journal Toulousain et l'Institut Supérieur de Journalisme de Toulouse, dont Rémi Demersseman-Pradel est actionnaire, poseront notamment leurs cartons dans l'Oïkos de Saint-Aubin.

Bien que l'Oïkosystème ne se positionne pas sur le marché des pépinières à startups, à la façon d'un Ekito par exemple, de jeunes entreprises pourraient y être incubées. Créé pour l'occasion, le fonds d'investissement Oïkos Finances pour entrer au capital de sociétés prometteuses. Seul investisseur pour le moment, Rémi Demersseman-Pradel prévoit d'y faire entrer d'autres personnes à l'avenir.

"Les très riches ne savent plus où placer leur argent, constate Rémi Demersseman-Pradel. Nous allons leur montrer qu'investir dans les entreprises de l'Oïkosystème est utile et bénéfique."

C'est par cet intermédiaire que l'entrepreneur est devenu actionnaire de Bankapart en janvier. Cette fintech, créée par Frédéric Honnorat, offre la possibilité à des entreprises de mettre leurs fonds en commun et de partager leurs trésoreries. "L'idée est que Bankapart soit présente dans chaque Oïkos pour permettre aux sociétés de se développer", imagine Rémi Demersseman-Pradel.

Un réseau de 40 "Labos Oïkos"

À la différence de Darwin Éco-Système dont le modèle est intimement lié à l'environnement bordelais, l'Oïkosystème ne se limitera pas à un seul lieu, ni même à Toulouse.

"Le modèle économique doit changer et nous souhaitons coconstruire ce nouveau modèle vertueux pour tous les acteurs de l'Oïkosystème partout en France", annonce Rémi Demersseman-Pradel.

Outre le "Labo Oïkos" de Saint-Aubin, un espace similaire mais plus réduit a déjà ouvert rue de la Pomme à Toulouse : au total, près de 200 postes de travail. Parallèlement, 1 600 m2 et 160 postes de travail seront ouverts dans le centre-ville de Nantes d'ici à la fin du premier semestre 2016.

À terme, c'est un réseau de 40 "Labos Oïkos" que Rémi Demersseman-Pradel compte déployer dans les principales métropoles françaises, mais aussi dans des villes secondaires comme Rouen et Cannes. Une installation à Paris est prévue en 2017. "Nous pourrions avoir à disposition 4 000 postes de travail et une influence conséquente sur l'Oïkos français", s'enthousiasme Rémi Demersseman-Pradel.

"C'est une bonne chose qu'il y ait des petits lieux qui se lancent. Il en faut, remarque Philippe Barre, l'un des cofondateurs de Darwin Éco-Système. Il y a de la place pour tout le monde et pour toutes les teintes de projets."

Pour assurer le lien entre ses lieux, une fondation a été créée. "Elle permettra de mener le travail de coordination que nous avons appris à faire avec La Part de Rêve", indique Rémi Demersseman-Pradel. Cette institution permettra aussi d'attirer des mécènes. Une levée de fonds de 5 millions d'euros est d'ores et déjà prévue en juillet pour ouvrir cinq nouveaux lieux en France.

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