Les vignobles du Sud-Ouest tentés par l'arrachage pour se restructurer

Les viticultrices et viticulteurs du sud-ouest doivent s'adapter à la fois au changement climatique et aux nouvelles tendances de consommation. Exploitant comme association professionnelle, investissent dans la restructuration du vignoble afin de répondre aux nouveaux enjeux, avec le soutien de différents partenaires, notamment publics. L'idée d'un vaste plan d'arrachage dans les vignobles du Sud-ouest prend ainsi de l'épaisseur. Enquête.
Les vignobles autour de Toulouse sont les plus concernés par un éventuel plan d'arrachage.
Les vignobles autour de Toulouse sont les plus concernés par un éventuel plan d'arrachage. (Crédits : Rémi Benoit)

À quoi vont ressembler les vignobles du Sud Ouest dans 10 ans ? Ce bassin viticole, qui s'étend des contreforts des Pyrénées au Massif Central, doit faire face à plusieurs défis. « Entre les années 1960 et 2022, la consommation individuelle moyenne de vin des Français a chuté de près de 70% », indique FranceAgriMer dans l'un de ses communiqués daté de décembre 2023. À cela s'ajoutent les incidents climatiques - gel, excès d'eau, sécheresse - qui viennent réduire la production. « On perd des volumes et donc, on a des difficultés à approvisionner des marchés », expose Paul Fabre, directeur de l'Interprofession des Vins du Sud Ouest (IVSO). Le vignoble est également confronté à une pyramide des âges défavorable.

« La moyenne d'âge est d'environ 55 ans. Nous avons beaucoup d'exploitants qui peuvent prendre leur retraite », confirme Christophe Bou, vice-président de l'IVSO.

Pour adapter la production, les syndicats viticoles ont fait une demande nationale d'aide à l'arrachage. C'est « un moyen de rebondir, de remettre le vignoble en position d'affronter les prochaines décennies », souligne Christophe Bou, co-président de l'IVSO. L'aide permettrait, pour ceux qui veulent prendre leur retraite ou arrêter le métier, de se retirer. Quant à ceux qui veulent replanter des cépages plus adaptés au changement climatique ou aux nouveaux goûts, l'arrachage temporaire permettrait de mieux coller aux attentes du marché. Le gouvernement s'est engagé à financer le dispositif à hauteur de 150 millions d'euros au niveau national (la somme viendra nourrir le fonds OCM vitivinicole qui apporte des aides à la restructuration).

Les vignobles rouges davantage concernés par l'arrachage

Cette aide à l'arrachage, en négociation avec Bruxelles sur la partie financement européen, prévoit une aide de 4 000 euros pour les exploitants désireux d'un arrachage définitif. « On considère que c'est social, c'est un accompagnement de la sortie du métier », explique Christophe Bou. Tandis que ceux qui plébiscitent l'arrachage temporaire pourraient obtenir une aide de 2 500 euros avec l'autorisation de replanter dans 4 ans.

Quelle somme serait donc nécessaire à l'échelle des vignobles du Sud Ouest ? A ce stade, il est encore impossible de le dire. Un sondage proposé par FranceAgriMer pour estimer la surface qui pourrait être arrachée n'a pas obtenu le succès escompté. A l'échelle de l'inteprofession, seuls 5,5% des viticultrices et viticulteurs ont répondu à l'appel de FranceAgriMer. « Cependant, ils représentent 36% des surfaces qui pourraient être arrachées selon le sondage », prévient Christophe Bou. Toujours d'après cette estimation, 3 000 hectares (dont 80% d'arrache définitif) seraient concernés sur les 42 000 hectares que compte le bassin (sans compter Bergerac et Duras).

Si ces chiffres doivent être pris avec des pincettes, ils permettent tout de même d'identifier quels vignobles, dans le Sud Ouest, seraient davantage intéressés par le dispositif. « Cela concerne les vignobles importants produisant du rouge, avec une dynamique des âges défavorable », explique Christophe Bou. Et de citer : « Les vignobles de Cahors, Gaillac, Fronton, Buzet ». Avant que FranceAgriMer propose ce sondage, les représentants du vignoble Lotois avaient déjà fait leur compte. Selon eux, 600 hectares de vignes, à l'échelle de l'appellation, pourraient être arrachés si le dispositif se mettait en place.

« En retirant les vignes les moins bien placées, les moins productives ou encore les plus gélives, le vignoble gagnerait en performance, argumente Nicolas Fournié, président du syndicat de défense des vins AOC Cahors. Depuis 2017, nous accumulons les aléas climatiques. Il faut passer ce cap difficile. Si nous arrivons à réduire un peu la surface, cela peut nous permettre de faire des économies et de nous concentrer sur les parcelles qui rapportent le plus. »

Cependant, l'aide à l'arrachage n'est qu'un outil parmi d'autres dans cette mutation en cours. D'autres investissements sont nécessaires comme le rappelle Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer interrogé ici par Vitisphère : « Dans la situation actuelle, on a voulu trouver un moyen pour accompagner ceux qui sont le plus en difficulté [...] Tout en préparant l'avenir. J'ai beaucoup d'appels pour me dire qu'il faut penser à investir et que tous les moyens ne passent pas dans l'arrachage. »

« On cherche à redonner un élan »

Un point de vue partagé par l'IVSO qui déjà a initié plusieurs programmes de recherche pour orienter les viticulteurs. « Nous avons identifié plusieurs chantiers. D'abord, un volet climatique et environnemental. Et un autre sur les nouveaux produits, les produits frais et les nouveaux modes de conditionnement. Il y a aussi tout le volet commercialisation », indique Paul Fabre. Le projet So Adapt, débuté il y a deux ans, doit notamment évaluer l'impact du changement climatique sur les différents terroirs. Le projet, porté par l'Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) et l'IVSO, est financé par l'Agence de l'eau Adour-Garonne et la Région Occitanie pour un budget total de 200 000 euros. « Un autre programme, sur le volet décarbonation, est évalué à 80 000 euros (fonds du Crédit Agricole et de l'Etat), détaille encore Paul Fabre. Et sur ce qui concerne les infrastructures vertes, qui peuvent favoriser la biodiversité et créer des conditions favorables à l'adaptation du vignoble, il s'agit d'un projet global d'1,6 million d'euros. Financé par l'Europe, il bénéficie également à l'Espagne et au Portugal ».

Des propositions peuvent émerger de ces différents programmes : de nouveaux cépages plus adaptés, ou encore de nouvelles techniques de travail. « La plupart des Régions rencontrent des difficultés. On cherche à redonner un élan et à ne pas subir de façon permanente une baisse de l'outil de production, afin de conserver une surface qui permette de peser sur les grands marchés. Il y a aussi un enjeu économique de territoire. C'est une culture qui met de l'activité sur les territoires. On cherche à la maintenir », insiste encore Paul Fabre.

Les conclusions de ces études sont cruciales, pour Clément Rigal, vigneron coopérateur sur l'appellation Fonton. Depuis qu'il a repris l'exploitation familiale en 2015, il a tout de suite pris la décision de restructurer. Mais cela a un coût :  « Il faut compter environ 40 000 euros l'hectare », insiste Clément Rigal qui gère un vignoble de 95 hectares. Le viticulteur a diversifié son encépagement rouge et arraché pour planter du blanc. S'il est possible de bénéficier d'aides (fonds OCM), celles-ci ne peuvent dépasser les 15 000 euros. « En moyenne, je reçois plutôt 10 000 euros par hectare », assure Clément Rigal. « Quand on voit les montants investis, on a pas le droit de se tromper de cépage. » Et de conclure : « Il y a pas mal de travail au niveau de la profession. Il faut que ça continue. »

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Commentaire 1
à écrit le 06/07/2024 à 20:38
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bonjour, faites comme les Amerîcains, quittez le sud pour le nord, en Sarthe nord en Mayenne il y a de magnifiques coteaux sans oublier l'orne. ils furent producteurs de vin il y a 200 ans. j'ai une fois un château l'hermitage un village sarthois...

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