Législatives : « Était-ce vraiment le meilleur timing ? », observe une Toulousaine installée aux États-Unis

OCCITAN D'AILLEURS. De ce côté-ci de l’Atlantique aussi, la décision brutale d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée au soir du 9 juin a surpris. Les milieux d’affaires américains s’inquiètent de l’avenir du rayonnement de la France si l’extrême droite accède au pouvoir le 7 juillet. Émigrée depuis des années aux États-Unis, la Française Ingrid Gonzalez, née dans les Pyrénées et directrice commerciale chez Google Cloud, témoigne de l’écho dans la presse américaine de ces péripéties de la vie politique française.
(Crédits : Capture d'écran)

« La France titube au bord du gouffre » : voilà comment le Washington Post qualifie la crise ouverte dans l'Hexagone depuis le 9 juin. Également conseillère du commerce extérieur de la France (CCE), Ingrid Gonzalez vit aujourd'hui à Miami, en Floride. Selon elle, la presse américaine s'inquiète des effets d'une éventuelle cohabitation au soir du 7 juillet. « Les journaux jugent le moment inopportun alors que l'Europe a la guerre à ses portes et que le dérèglement du climat ne cesse de s'accroître » , témoigne-t-elle. Les journaux américains en profitent, dit-elle encore, pour dresser un portrait peu élogieux  de l'Hexagone : « Il y a souvent des commentaires sur l'effondrement des services publics en matière de santé, d'éducation ou de logement ». Certains médias relaient cette crainte d'une possible arrivée des extrêmes à la tête du gouvernement français et donc l'éventualité de ne pas s'ouvrir à un monde international assure la Française, elle-même fille de parents immigrés, un père italien et une mère espagnole, et fière de ses origines.

Un énorme pari

En prise directe avec les milieux de la tech (lire encadré plus bas), Ingrid Gonzalez reconnaît qu'aux États-Unis, l'homme de la rue s'intéresse peu à l'actualité politique française. À un peu plus de quatre mois de la présidentielle américaine, démocrates et républicains sont rarement d'accord, mais pour les deux camps, le président Macron vient de subir une « cuisante défaite » et a « fait un énorme pari », relève par exemple le New York Times. Dans les réseaux internationaux qu'elle fréquente, la Française constate « une peur sur certains programmes qui disent « si vous avez une double nationalité, vous ne pourrez plus avoir de poste à responsabilités ». Et beaucoup de Français ici, comme moi, sont binationaux. C'est quelque chose qui pourrait dissuader les dirigeants français de revenir investir en France ».

Pour le New York Post, classé à droite, « les électeurs ordinaires se concentrent sur des questions que les partis de l'establishment européen ont refusé d'aborder ». Voilà qui rappelle la croisade anti-Biden menée par le Post, comme si les deux campagnes françaises et américaines se faisaient écho. De son côté, la chaîne TV populiste Fox News encense Jordan Bardella, qui « bouleverse la politique française ». « Il est jeune, beau comme une gravure de mode » et, grâce à lui, « le RN s'est éloigné de ses racines d'extrême droite pour devenir un parti plus fréquentable grâce à Marine Le Pen ».

Une marmite prête à exploser

Mais ce qui a surtout surpris les journaux américains, c'est le calendrier choisi par Emmanuel Macron. « Ils se demandent si c'était vraiment le meilleur timing, souligne Ingrid Gonzalez. Avec les JO, pour le rayonnement de la France, nous avons l'opportunité extraordinaire d'organiser un événement prestigieux et fabuleux qui propose de rapprocher les cultures, alors que ces élections pourraient apporter du chaos. » Le magazine de gauche The Nation n'y va pas par quatre chemins : « même avant l'annonce de la dissolution, les Jeux de Paris 2024 étaient une marmite prête à exploser », écrit-il. « Si le pari de Macron échoue et si l'extrême droite accède au pouvoir, elle pourrait utiliser les Jeux de Paris 2024 pour légitimer sa politique ». Ancienne nageuse à haut niveau, Ingrid Gonzalez sera en tout cas, elle, bien présente aux JO de Paris, dans les gradins pour les demi-finales et finales des épreuves de natation pour soutenir les nageurs français.

Une carrière tout entière inspirée par l'international

IBM, Dell, Microsoft et aujourd'hui Google Cloud... Ingrid Gonzalez a travaillé pour les quatre principaux géants américains de la tech. De l'Australie à Miami en passant par New York, grâce au mentoring, la Française partage aujourd'hui son réseau et son expérience.

Née à Campan, dans les Hautes-Pyrénées, Ingrid Gonzalez s'est rapidement sentie à l'étroit dans son petit village perché à 900 mètres d'altitude dans la montagne. C'est grâce à la natation qu'elle s'évade dès l'âge de 10 ans. Sacrée championne de France UFOLEP 5 années de suite, elle obtient ensuite un BTS en commerce international au lycée Ozenne de Toulouse. Celle qui, toute petite, voulait être juge pour enfants, est prise ensuite à l'école de commerce du Havre, aujourd'hui rebaptisée EM Normandie. Après 4 ans d'études, et une année de césure pour IBM en Australie, elle décroche en 2004 un Master HEC entrepreneur. Tout s'accélère ensuite pour elle. Sa maîtrise des langues étrangères (anglais, espagnol, italien et japonais) lui ouvre les portes de grandes entreprises informatiques européennes, Dell puis Microsoft qui lui confiera un poste de manager à New York.

Installée aujourd'hui à Miami, elle dirige pour toute l'Amérique du Nord le programme d'intelligence artificielle (IA) collaborative de Google Cloud, le moteur de recherche « Gemini ». « Nous accompagnons les grands dirigeants à intégrer l'IA à tous les paliers de leur organisation pour prendre des décisions plus rapides et apporter de l'agilité », explique-t-elle. Passionnée par les sujets de diversité et d'inclusion, en plus de ses responsabilités chez le géant américain de la tech, à 44 ans, Ingrid Gonzalez est également à la tête de la fondation « Positive Planet », une ONG qui mentore les femmes issues de la diversité et de milieux défavorisés et les aide à sortir de la pauvreté grâce à l'entrepreneuriat.

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Commentaires 3
à écrit le 29/06/2024 à 9:07
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Dommage que vous ne vous soyez pas posé la question "Pour voter Macron est-ce vraiment le bon timing ?" Vous étiez tous très content qu'un larbin de la finance passe allégrement et maintenant vous le jetez. La cupidité est mauvaise conseillère, assum...

à écrit le 28/06/2024 à 17:01
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Oui. Pour une campagne précipitée, et trop courte pou être suffisamment « consistante ». Pas vraiment les conditions idéales pour préparer et proposer aux citoyens une « offre » satisfaisante et tracer un chemin vers la meilleure alternance politiq...

le 29/06/2024 à 11:34
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Je ne vois pas le problème, au contraire même la fin d'une hypocrisie et si Macron aura fait comme tous les présidents à savoir se coucher devant les marchés financiers il aura exposé moins d'hypocrisie que ses prédécesseurs dans ce domaine.

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