Les buralistes face à une nécessaire cure de jouvence pour retrouver une clientèle

REPORTAGE. Face au monopole contesté sur la vente du tabac par les réseaux parallèles, les buralistes français n'ont d'autre choix que de s'adapter. Un plan de 200 millions d'euros, sur cinq ans, doit leur permettre de se diversifier, se moderniser et séduire une nouvelle clientèle. Certains voient déjà les effets bénéfiques des premiers aménagements cofinancés. Un effort financier supplémentaire va même être octroyé sur les bureaux de tabac ruraux. Les détails.
En France, les bureaux de tabac font l'objet d'un plan pour diversifier leurs activités et donc leurs revenus.
En France, les bureaux de tabac font l'objet d'un plan pour diversifier leurs activités et donc leurs revenus. (Crédits : Rémi Benoit)

En plein coeur du boulevard Carnot, un axe très fréquenté à Toulouse, un commerce attire l'oeil par sa modernité apparente. Il s'agit du bureau de tabac « Le Carnot » repris en 2015 par son propriétaire actuel. « La boutique était dans son jus depuis au moins 20 ans. Il y avait besoin de la moderniser et surtout de la réaménager pour gagner en espaces de vente », témoigne Olivier Pujo, le patron qui auparavant était salarié dans un bureau de tabac de la Ville rose.

La devanture a ainsi été totalement revue. À l'intérieur, les murs ont été refaits pour devenir plus clairs et la brique toulousaine des murs historiques du bâtiment est devenue apparente. « Nous avons tout refait. L'éclairage, le plafond, les murs, le sol et même les meubles. Au total, il y en a eu pour 38.000 euros de travaux », ajoute le commerçant. Résultat, le bureau de tabac Le Carnot voit sa clientèle augmenter. Le patron, qui emploie trois salariés, accueille un millier de clients par jour et son chiffre d'affaires a augmenté de près de 15% depuis la réalisation des travaux et la vente de tabac bénéficie aussi de cet engouement.

Le besoin de se moderniser est aussi partagé par le bureau de tabac « À l'Étoile », installé sur la réputée place Dupuy de la quatrième ville de France. Seulement, ce commerce, qui accueille entre 800 et 900 clients par jour est bridé dans son élan par la surface commerciale exiguë proposée dans ce bâtiment ancien. « Nous allons donc reculer le comptoir d'environ un mètre pour gagner au moins trois mètres carrés de surface de vente », explique Frédéric Pailhé, propriétaire des lieux et représentant de la confédération des buralistes en Haute-Garonne.

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Philippe Coy (à gauche), Alain Di Crescenzo (au centre) et Jean Luc Moudenc (à droite) sont allés à la rencontre des buralistes de Toulouse, samedi 2 septembre (crédits : Rémi Benoit).

Si le chiffrage des travaux n'est pas encore arrêté, le patron compte lui aussi rafraîchir sa devanture pour relancer ses ventes et notamment celles de tabac, qui ne représentent plus aujourd'hui que 55% de son chiffre d'affaires, contre 75 % auparavant.

Jusqu'à 33.000 euros de subventions

Ces deux commerces à Toulouse partagent tous les deux un point commun, au-delà de cette modernisation actée : ils sont accompagnés par le Plan de Transformation des buralistes mené par la Confédération des buralistes, seule entité représentative de la profession, et la CCI France, présidée par le Toulousain Alain Di Crescenzo.

« Face à la problématique des réseaux de vente de tabac parallèles qui ne cessent de se développer et qui rognent progressivement l'activité des buralistes, il est nécessaire d'adapter notre réseau et de lui procurer une nouvelle dynamique », justifie Philippe Coy, buraliste dans l'agglomération paloise et présidente de la confédération.

Une première convention a donc été signée pour la période 2018-2022 pour accompagner les 23.000 buralistes de France (80.000 emplois selon la CCI) à travers ce Plan de Transformation et ses 100 millions d'euros de financements publics. À l'occasion d'une visite à Toulouse, Alain Di Crescenzo et Philippe Coy ont renouvelé ce partenariat sur la période 2023-2027, avec les mêmes moyens financiers alloués par l'État.

« Chaque buraliste peut bénéficier de 33.000 euros de travaux pris en charge, soit 33% de la facture totale comme seuil plafond. Avec la nouvelle convention, nous faisons un focus sur le commerce de proximité. Toujours en restant dans la limite des 33.000 euros, la prise en charge pour les commerces situés dans des communes de moins de 5.000 habitants pourra aller jusqu'à 50%. Le buraliste est libre dans le choix des aménagements, nous demandons simplement que ce projet amène des éléments nouveaux visibles sur la devanture à l'extérieur et l'apport de deux activités commerciales nouvelles à l'intérieur », détaille le président de la Confédération des buralistes.

Sur les près de 300 buralistes recensés dans le département de la Haute-Garonne, environ un quart ont fait l'objet d'un audit pour mettre sur pied leur projet (préalable à l'obtention de la subvention). C'est le département le plus dynamique sur le Plan de Transformation, souligne Philippe Coy, ce qui justifie par la même occasion sa venue à Toulouse, samedi 2 décembre. En Occitanie, 360 audits ont été réalisés depuis 2019 chez des buralistes, alors que la région en compte 1.045, ce qui en fait la seconde du classement d'après les chiffres fournis par la confédération.

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Les buralistes peuvent recevoir une subvention d'un tiers de la facture totale des travaux dans le cadre de ce plan de transformation (Crédits : Rémi Benoit).

« Si nous ne consolidons pas l'activité des buralistes, c'est la vie qui part. Ils sont un commerce essentiel pour beaucoup de communes et de quartiers. 23.000 établissements, ça pèse dans l'économie de la France... Nous avons formé 300 collaborateurs sur ce sujet à la CCI pour accompagner ces commerçants ouverts sept jours sur sept et souvent plus de 10 heures par jour et cela a conduit à 3.360 audits sur la période 2018-2022. Par ailleurs, ce Plan de Transformation est une bonne politique publique comme en témoigne son effet levier. Sur la première convention, ces 100 millions d'euros ont généré 300 millions d'euros d'investissements dans les territoires partout en France », analyse Alain Di Crescenzo, le président de la CCI France.

Lire aussiAlain Di Crescenzo nouveau président de la CCI France

Un plan bénéfique au niveau économique

Face à un monopole de la vente du tabac de plus en plus chamboulé et contesté par les réseaux parallèles, ce « booster » financier, comme aime l'appeler Philippe Coy, est avant tout un moyen pour les buralistes de diversifier leurs activités et donc relancer leur chiffre d'affaires. « J'ai profité des travaux pour développer un peu la partie presse, mais surtout j'ai commencé la vente de cigarettes électroniques », témoigne Olivier Pujo. « Je vais me lancer dans la vente de bibelots et de bijoux, en plus d'avoir commencé à vendre du CBD », illustre aussi Frédéric Pailhé avec son petit bureau de tabac toulousain, lui qui est aussi référencé acteur de paiement de proximité par les services publics comme 14.000 autres bureaux de tabac. Ses clients peuvent ainsi payer diverses factures comme les amendes, les impôts, les fournisseurs en énergie, les bailleurs sociaux, etc. « Je touche 1,50 euros par acte », ajoute-t-il.

« Les bureaux de tabac accueillent 10 millions de personnes par jour. Ce réseau a donc beaucoup d'opportunités pour se réinventer et aller à la conquête de nouveaux clients. Par exemple, nous avons des accords cadres avec des grands groupes. Nous venons de signer avec Sodebo pour développer l'offre de snacking chez les buralistes. Depuis 18 mois, nous travaillons aussi avec le groupe Casino pour développer des petits corners d'environ deux mètres de long pour proposer à la clientèle une offre alimentaire de dépannage. Nous en ouvrons 14 par mois en France. Nous voulons devenir le drugstore du quotidien des Français », contextualise Philippe Coy.

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En France, 80.000 personnes travaillent dans les bureaux de tabac selon la confédération des buralistes (Crédits : Rémi Benoit).

Selon son organisation, un buraliste sur deux accompagné dans le cadre de ce Plan de Transformation a créé au moins un emploi suite aux travaux et la hausse de chiffre d'affaires se situe entre 10 et 30% sur chaque projet. Malgré ces chiffres flatteurs, la CCI ne cache pas que le principal challenge est de faire accepter à ces patrons de TPE, souvent seuls dans leur quotidien de commerçant, d'aller d'autres produits et d'autres pratiques. « Ils doivent prendre conscience de leur place dans la cité et cette prise de conscience se fait progressivement », conclut une élue de la CCI de Toulouse. En France, 44% des buralistes se situent dans des communes de moins de 3.500 habitants selon la CCI France.

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Commentaires 2
à écrit le 05/09/2023 à 9:02
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25% de la vente de tabac se fait au marché noir tellement celui-ci est cher, c'est grotesque, sans parler de la facture des travaux de toutes sortes qui la aussi a explosé avec un travail effectué de toujours moindre qualité. Non ce qui relancerait l...

à écrit le 04/09/2023 à 23:28
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Quels sont les réseaux parallèles de distribution de tabac / cigarettes Internet ? Les chinois? Vite une enquête sur tout la France

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