COP21 : l'économiste toulousaine Geneviève Azam ne croit pas à un accord sur le climat

Dans 6 mois, Paris accueillera la 21e conférence internationale sur le climat. Objectif de cette COP21 : trouver un accord sur le climat et limiter à 2°C le réchauffement planétaire. Maître de conférences en économie à l'université Toulouse 2, membre du conseil scientifique d'Attac Geneviève Azam est très impliquée dans la préparation de l'événement. Elle ne cache pas son inquiétude à l'approche de l'échéance.
Geneviève Azam est présente à l'université Toulouse 2 depuis 1992

Chercheuse en économie à l'université Toulouse 2, vous êtes en parallèle membre du conseil scientifique d'Attac. Depuis 2008, vous participez aux négociations et aux conférences sur le climat en tant que conciliatrice. Quel sera votre rôle dans la COP21 qui se tient à Paris en décembre prochain ?
Je vais suivre de l'intérieur les négociations. En amont de la conférence de Paris, je vais aller à Bonn début juin où sont prévues des négociations intermédiaires pendant deux semaines, puis à Genève au mois de septembre pour avancer sur le texte qui sera présenté en décembre. Lors de la COP21, je serai aussi à l'extérieur, puisque Attac participe à la coalition COP21, qui regroupe 120 associations et syndicats. Cette coalition va tenter de faire pression sur les pays participants à la conférence.

Les pays du monde entier se sont fixés pour objectif de trouver un accord contraignant afin de limiter à 2°C le réchauffement planétaire par rapport à l'ère préindustrielle. En 2009, la conférence de Copenhague s'était soldée par un échec avec un accord non contraignant et non signé par tous les pays. Comment appréhendez-vous cette nouvelle conférence ?
En 2009 à Copenhague, l'objectif était de renouveler le protocole de Kyoto (signé en 1997, ce protocole visait à réduire, entre 2008 et 2012, d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 les émissions de gaz à effet de serre, NDLR). Cela avait été l'échec.

Aujourd'hui, je ne trahis rien en disant que peu d'ONG estiment qu'il peut y avoir un accord en décembre à la conférence de Paris. Ce qui est en train de se profiler est très grave. Vraisemblablement, nous n'aurons pas un texte à la hauteur des enjeux. D'ailleurs, le gouvernement français fait davantage profil bas depuis quelques semaines. Il est possible qu'il y ait une déclaration à l'issue de la conférence qui stipule un accord contraignant mais s'il n'y a pas de textes d'application qui en font un accord international ratifié, cela n'a aucune valeur.

Quels sont les principaux points de désaccord entre les pays pour aboutir à un accord sur le climat ?
Les pays ne sont pas d'accord sur la façon de comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre, sur l'année de base pour le calcul, sur les gaz à effet de serre à sélectionner... Actuellement, seuls 35 pays sur 196 ont déclaré qu'ils comptaient limiter le réchauffement climatique à 2°C (pour atteindre cet objectif, le Giec préconise une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 50 % d'ici à 2050 par rapport à 1990, NDLR).

Pour l'instant, les États-Unis et le Canada se sont engagés à diminuer de 25 % leurs gaz à effet de serre d'ici à 2025. Mais ils ont pris 2005 comme année de base car c'est leur année d'émission la plus forte. Or, si l'on convertit par rapport à la base de 1990, cela ne fait plus que 18 % de baisse. De son côté, la Chine a dit qu'elle ne commencerait à diminuer ses émissions qu'en 2030. Il n'y a que l'Union européenne qui est dans les clous en s'engageant à diminuer de 40 % ses émissions entre 1990 et 2030.

Les pays du Sud n'arrivent pas à faire leurs prévisions car ils manquent de moyens, d'experts et de financements. Par conséquent, une centaine de pays n'a pas commencé à faire ses calculs. Ensuite, il existe de gros conflits sur la vérification des informations données par les pays. La Chine, par exemple, voit d'un assez mauvais œil qu'on vienne chez elle vérifier ses déclarations.

Un des axes au sein des négociations est de généraliser un marché mondial du carbone avec un système de droits à polluer. Quelle est votre position à ce sujet ?
Nous avons l'expérience du marché du carbone européen qui n'est pas du tout incitatif. Il faut donner un prix à la tonne de carbone, je suis d'accord avec cela. Il a été décidé de fixer un prix de marché. Or, il est très faible actuellement et donc pas du tout incitatif pour les entreprises. Elles préfèrent payer des crédits carbone plutôt que de faire les investissements nécessaires pour le climat. L'idée aujourd'hui, et c'est notamment la thèse défendue par l'économiste toulousain Jean Tirole, est de réaliser un marché mondial pour avoir un prix unique du carbone.

La loi de transition énergétique vient d'être adoptée par l'Assemblée nationale. La ministre de l'Écologie Ségolène Royal veut faire de la France "un pays exemplaire" en la matière. Est-ce vraiment le cas ?
Par rapport à l'Allemagne et aux pays nordiques, la France accuse du retard. La loi de transition énergétique, ce sont des mesurettes. Quand on parle énergie, il faut conserver deux objectifs en tête : l'efficacité et la sobriété énergétique dans le bâtiment et les transports. Très souvent, ceux qui défendent la croissance verte ne se posent pas ces questions. La voiture électrique est un bon exemple de la croissance verte prônée par Ségolène Royal, la ministre de l'Écologie. Les voitures électriques peuvent être de très bons compléments mais penser que tout pourrait être électrique en gardant le même parc automobile, ce n'est pas possible. Cela demanderait 7 ou 8 réacteurs nucléaires supplémentaires. Nous devons diminuer notre consommation d'énergie, nous ne sommes pas dans la croissance verte.

Biographie

- 1992 : intègre l'université Toulouse 2 en tant que chercheuse en économie

- 1998 : rejoint à sa création Attac, l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne

- 2008 : devient conciliatrice dans les conférences pour le climat

- 2010 : publication de l'ouvrage "Le temps du monde fini, vers l'après capitalisme", Ed. : les Liens qui libèrent.

- 2015 : publication de "Osons rester humain. Les impasses de la toute puissance", aux éditions "les Liens qui libèrent".

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