Ferme urbaine aux Pradettes de Toulouse : un projet irréalisable ?

Plusieurs associations de Toulouse veulent créer une ferme urbaine sur un terrain municipal du quartier populaire des Pradettes. Cependant, le maire de la Ville rose, Jean-Luc Moudenc, doute de la rentabilité du projet et préférerait construire des logements. De son côté, le collectif d’associations demande du temps pour présenter un dossier viable et propose d'implanter des habitats en périphérie de la ferme.
Le projet de construction de ferme urbaine aux Pradettes est en concurrence avec la création de nouveaux logements.
Le projet de construction de ferme urbaine aux Pradettes est en concurrence avec la création de nouveaux logements. (Crédits : Rémi Benoit)

"Un projet, c'est quelque chose de construit, avec un maître d'ouvrage qui réalise un budget qui finance et, ensuite, un modèle d'exploitation pour fonctionner. Or, rien de tout cela n'existe pour ce qui, selon moi, n'est qu'une idée", tels sont les mots du maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc à propos de la création d'une ferme urbaine dans le quartier des Pradettes.

Le 9 novembre dernier, le collectif des Pradettes, Alternatiba et 26 autres associations toulousaines ont envoyé une lettre ouverte à l'édile. Dans celle-ci, elles militent pour la création d'une ferme urbaine sur un terrain appartenant à la ville. Un courrier dans lequel ils invitent Jean-Luc Moudenc, "à mobiliser les compétences de la collectivité pour que le projet puisse aboutir et contribuer à la transition écologique dont l'actualité nous rappelle chaque jour l'urgence".

Pour rejeter ce projet, le maire de Toulouse s'appuie sur des arguments économiques. En effet, la municipalité a déjà des projets pour la zone convoitée. Elle a pour intention d'y construire des logements et des équipements collectifs dans le cadre du Programme d'aménagement d'ensemble (PAE) Bordeblanche. Une ambition plus réaliste pour Jean-Luc Moudenc.

"Nous devons agir sérieusement et non à la légère, explique l'édile. La création d'une ferme urbaine sur 20.000 mètres carrés entraînerait la perte de 3,8 millions d'euros de recettes dans le bilan du PAE Bordeblanche, soit un déficit global de l'opération de 13,1 millions d'euros. Sans ces recettes, la mairie de Toulouse n'est plus en capacité de financer la construction des équipements publics à venir, ni la réalisation des voiries et infrastructures restant à aménager".

Les associations luttant en faveur de la ferme urbaine ne sont cependant pas opposées à la construction des équipements promis par la mairie et proposent une alternative complémentaire.

"La densification aux Pradettes continue, beaucoup de terrains privés engendrent des constructions de logements, déclare Malik Beldjoudi, président du Collectif des Pradettes. Nous ne nous opposons pas à ces projets. Les logements peuvent se construire en périphérie de cette ferme agro-urbaine. Le fait de la conserver dans une zone ultra-dense a pour nous énormément de sens pour le bien-vivre des riverains. Il y a trois hectares disponibles, nous n'en demandons que deux. La mairie est libre de faire ce qu'elle désire sur le troisième. Le quartier a subi une densification violente avec 800 logements construits sur six ans. Il est important de proposer autre chose et de maintenir une attractivité à travers ce type de projet".

Les associations demandent du temps

Mais Jean-Luc Moudenc insiste. Il interroge les associations sur un projet de ferme urbaine qui demeure encore peu viable.

"Avez-vous trouvé ces 3,8 millions d'euros ? Préférez-vous renoncer aux équipements publics et aménagements prévus ? Ce sujet est traité avec la plus grande attention par les élus et les services concernés. Dans de telles conditions, il est exclu que la mairie ou la Métropole finance un tel projet. Le Collectif des Pradettes le sait parfaitement, depuis des mois. Veut-il l'entendre ?"

De leur côté, les associations demandent du temps afin d'affiner le projet.

Pour nous, il s'agit d'un projet entrepreneurial qui a vocation à créer quelques emplois d'insertion sociale, poursuit Malik Beldjoudi. Il permettrait également de produire du lien social en maintenant une cohésion et un vivre ensemble de qualité dans un quartier où la mixité est importante et revendiquée. Enfin, il s'agirait à travers cette ferme d'éduquer les plus jeunes à une relation avec la terre qui n'existe pas jusqu'à présent. La mairie nous a répondu qu'il n'y aurait pas de passage en force et que nous avions 24 mois pour construire un dossier viable économiquement. Il s'agit du délai le plus court sur ce type de projet agro-urbain. Sur les 30 expériences similaires françaises que nous avons analysées, les délais vont jusqu'à sept ans. Compte tenu du bien que cela pourrait apporter au quartier, nous souhaitons un temps supplémentaire pour construire une rentabilité. Nous souhaitons également mesurer cette dernière sur des critères sociaux, de santé et d'environnement dans un quartier très urbanisé".

Enfin, le président du Collectif des Pradettes précise qu'il ne souhaite pas impliquer totalement la ville de Toulouse dans le financement de cette ferme.

"Nous n'exigeons pas de la mairie 100% des subventions. C'est un projet de territoire, nous avons donc besoin de temps pour impliquer le département et la région. La co-construction que l'on propose doit se faire avec les institutions".

Malgré ce pessimisme sur la création d'une fermes urbaine aux Pradettes, il n'en reste pas moins que ce type de projet figure parmi les objectifs de Jean-Luc Moudenc. Aux dernières élections municipales, il est notamment inscrit dans son programme d'en créer quatre à Toulouse dans le but de réduire la pollution atmosphérique. Ne perd-t-il donc pas une occasion d'en acter une en dés le début de son nouveau mandat ?

Lire aussi : Municipales : Moudenc et ses alliés présentent leur projet métropolitain

De plus, Toulouse Métropole est, depuis  mardi 8 décembre, lauréate de l'appel à projets "Quartiers fertiles" porté par le gouvernement. Ce dernier a pour but de déployer l'agriculture urbaine dans les quartiers populaires des villes et prévoit notamment le développement de nouvelles fermes urbaines en plus de renforcer la coopération avec celles déjà existantes. Pour y parvenir, Toulouse bénéficiera de 564.000€ sur deux ans de la part de l'ANRU (Agence nationale de la rénovation urbaine).

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