12 ans après la catastrophe AZF, Total veut faire annuler sa condamnation

L'affaire AZF n'est pas close. Mardi 10 septembre, Total a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant la Cour de cassation afin de faire annuler la condamnation de Serge Biechlin, le directeur de l'usine AZF. "Il a été condamné sans preuves" estime le directeur délégué de Total. L'association des sinistrés du 21 septembre rétorque de son côté que "Total tente de gagner du temps". La procédure permet de saisir le Conseil Constitutionnel, la Cour de Cassation dira le 24 septembre si la QPC est retenue.
Un Toulousain se recueille à l'occasion des 10 ans de la catastrophe AZF

Dans 10 jours, les associations de victimes commémoreront les douze ans de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse. Et douze ans après, malgré la condamnation de Total, l'affaire se poursuit en justice. Pour rappel, le 24 septembre 2012, la Cour d'appel de Toulouse a condamné Serge Biechlin, le directeur de l'usine AZF, à trois ans de prison dont un ferme, et 450 000 euros d'amende pour homicides involontaires par négligence, imprudence, maladresse ou manquement aux règles de sécurité. La société Grande Paroisse (groupe Total) à quant à elle été condamnée à 225 000 euros d'amende.

Hier (mardi 10 septembre), Total a déposé devant la cour de Cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Autrement dit, le groupe souhaite saisir directement le Conseil constitutionnel au motif que le texte de loi qui a permis la condamnation de Serge Biechlin est trop flou. Il s'agit de la loi Fauchon qui a introduit en 2010 le principe de "faute caractérisée", et qui peut s'appliquer aux personnes physiques qui n'ont pas causé directement un dommage.

"Un homme condamné sans preuves" selon Total

"Avec cette procédure, Total veut juste gagner du temps, mais ils savent que la QPC sera rejetée", avance Jean-François Grelier, président de l'association des sinistrés du 21 septembre, "pas inquiet" de l'issue de la procédure. "De toute façon, cela ne remettra pas en cause la culpabilité de Total", selon lui.

Pour Patrick Timbart, directeur délégué d'AZF, l'enjeu est bien plus important. "Un homme a été condamné sans preuves et sur la base d'une expertise judiciaire insuffisante. C'est inacceptable pour nous." Un argument qui ne tient pas la route pour Jean-François Grelier. "Le 'pas de preuves' n'a aucune consistance juridique, l'enquête scientifique a été remarquable et convaincante. La justice a tranché."

Le conseiller régional Gérard Onesta partage cet avis. Selon l'élu EELV, "un groupe ultra-puissant et milliardaire occupe son bataillon d'avocats pour se soustraire à la justice, ce qui ne m'étonne guère, mais cela me dégoûte. Une décision de justice à été rendue, c'est quand même fort de café de dire qu'elle n'a aucune valeur !" La Cour d'appel avait jugé que l'accident était dû à la rencontre de deux produits chimiques incompatibles. "Comment peut-on avancer l'argument qu'il n'y a 'pas de preuves' ? Certes, nous n'avons pas la photo du moment où les deux produits se sont rencontrés et provoqué l'explosion. Mais, visiblement, personne chez Total ne s'était préoccupé de la cohabitation de ces deux produits", s'insurge Gérard Onesta.

Un pourvoi en cassation en même temps
La Cour de cassation décidera le 24 septembre prochain si elle retient ou pas la QPC. Mais, parallèlement, Total a engagé un pourvoi en cassation dont l'arrêt sera probablement rendu au printemps prochain. La procédure porte sur la "partialité" de la cour d'appel de Toulouse lors du 2e procès AZF (lors de ce procès en appel, les conseils de Total avaient demandé la récusation de deux assesseurs du président, qu'ils jugeaient être en faveur des victimes). Sur ce point Jean-François Grelier est prêt à parler de "scandale judiciaire" si la condamnation de Total est remise en question à cause d'une erreur "due au système judiciaire." Le président de l'association de victimes dénonce également la stratégie de Total, "qui a attendu le dernier moment pour faire valoir cet argument, encore une fois, pour gagner du temps".

2,5 milliards d'euros d'indemnisations depuis 2001

"Nous ne sommes pas contre les victimes, bien au contraire, tient à préciser Patrick Timbart. Nous faisons la distinction entre notre position sur les causes du drame, et notre détermination a être proche et à comprendre les victimes." Le directeur délégué de Total rappelle que "2,5 milliards d'euros d'indemnisation ont été versés, et certaines victimes sont toujours indemnisées, 12 ans après, pour les troubles psychologiques que la catastrophe a engendrés chez elles." Par ailleurs Patrick Timbart rappelle que "Total a cédé le terrain d'AZF pour y construire l'Oncopole, et a doté la fondation de plusieurs dizaines de millions d'euros".

À noter que presque 12 ans après la catastrophe, certaines associations de victimes sont gagnées par la lassitude : Guy Fourest, président du Comité de défense des victimes d'AZF, a fait part de son intention de dissoudre l'association le soir du 21 septembre 2013.

Sophie Arutunian
© photo Rémi Benoit

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