C'est le genre de drame qui pourrait être un tournant dans les prochaines heures, pour la suite du mouvement des agriculteurs. Tôt ce matin du mardi 23 janvier, une agricultrice mobilisée sur un barrage dans l'Ariège a perdu la vie, fauchée par une voiture qui a tenté de forcer le blocage mis en place par les agriculteurs. Selon l'AFP, les trois occupants du véhicule en question ont été interpellés, tandis que le mari et la fille de la victime ont été grièvement blessés.
En réponse à ce drame, les syndicats Jeunes Agriculteurs et FNSEA ont annoncé la levée du barrage sur la RN20 où s'est produit l'accident, tandis que le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau doit se rendre sur place ce jour.
Très rapidement, les réactions des représentants de la profession et de la classe politique sont arrivées, dont celle de Carole Delga, la présidente socialiste de la région Occitanie, épicentre de la colère des agriculteurs. La veille, l'élue régionale a passé la fin d'après-midi et le début de soirée sur le barrage installé sur l'A64, au niveau de Carbonne (Haute-Garonne). Au-delà d'afficher son soutien, ce déplacement a été pour elle l'occasion de faire des premières annonces pour tenter de répondre à la colère agricole qui ne cesse de monter en puissance.
Déblocage d'aides supplémentaires
La présidente de la région Occitanie, aussi présidente des Régions de France, a notamment annoncé le déblocage de fonds pour soutenir les exploitations touchées par la maladie hémorragique épizootique (MHE), dont son territoire est la région de France la plus touchée ces derniers mois. Pour beaucoup d'agriculteurs présents sur les barrages ces derniers jours, il semble que cela a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Néanmoins, le ministère de l'Agriculture a annoncé avant le week-end la prise en charge à 80% des diagnostics de confirmation de la maladie dans l'élevage, les frais vétérinaires et les mortalités seront pris en charge par l'État pour tous les foyers constatés jusqu'au 31 décembre 2023. Les agriculteurs concernés pourront déposer leur dossier d'indemnisation à partir du 1er février pour cette période, tandis qu'un autre dispositif prendra le relais pour les foyers constatés en 2024.
« Le gouvernement doit tenir ses engagements, en apportant tout d'abord une réponse forte en cas de crises exceptionnelles, sur l'indemnisation de la grippe aviaire et de la maladie hémorragique épizootique (MHE) notamment. Sur cette question, la Région apportera un soutien spécifique aux agriculteurs touchés en complément aux interventions de l'Etat », partage l'élue régionale dans un communiqué.
Selon les chiffres du budget primitif de 2023, le conseil régional d'Occitanie a consacré 190 millions d'euros à l'agriculture et la souveraineté alimentaire, sur un budget global de 3,62 milliards d'euros. Devant les agriculteurs, à Carbonne, Carole Delga a souligné avoir « multiplié par trois » ce budget depuis son élection en 2016.
Quant aux mesures du gouvernement, le Premier ministre, Gabriel Attal, a reçu lundi soir la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs pour engager le dialogue et dessiner les contours des mesures de soutien. Des annonces sont attendues dès cette semaine alors que la colère des agriculteurs née en Occitanie commence à se propager en Nouvelle-Aquitaine, notamment du côté de Pau et de Bayonne, et d'autres régions de la moitié nord de la France.
La question de l'eau aussi au coeur de la mobilisation
En plus des annonces, les manifestants rencontrés notamment hier par La Tribune sur le barrage de Carbonne attendent ni plus ni moins que la visite sur place du chef du gouvernement. La députée du Tarn-et-Garonne et première vice-présidente de l'Assemblée nationale, Valérie Rabault, a envoyé une lettre en ce sens au nouveau Premier ministre.
« Le Tarn-et-Garonne figure dans le tiers des départements de France qui affichent le revenu annuel agricole le plus faible. Les récentes données montrent une nouvelle dégradation, plus accentuée que dans d'autres départements », ajoute-t-elle.
Eux qui veulent s'assurer un « revenu décent » ont deux autres revendications clés : l'annulation de la suppression progressive de la niche fiscale concernant le gazole non routier (GNR) avec lequel tourne leur tracteur, et la sécurisation de l'approvisionnement en eau.
« Sans eau, nous ne pourrons pas garantir les rendements nécessaires pour nourrir la population. L'eau, c'est la vie et nous en avons besoin », expliquait l'un des manifestants hier.
Là aussi, les épisodes de sécheresse et d'inondation à répétition ces dernières années en Occitanie ont préparé la colère qui émerge depuis huit jours. Après un premier plan eau en 2018, le conseil régional en a voté une nouvelle version à l'été 2023 avec un budget de 162 millions d'euros d'ici 2030. Un sujet sur lequel Carole Delga entend avoir une attention particulière quand il s'agit de l'agriculture.
« J'ai proposé en décembre dernier au président de la République Emmanuel Macron, de nommer un préfet de l'eau parce que la région Occitanie, qui subit le plus fortement le changement climatique et la sécheresse, doit être un territoire d'expérimentation en la matière. La région prend l'initiative d'une réunion sur l'eau associant la préfecture de région, l'Agence de l'eau, les collectivités et la profession agricole. Tout le monde va se mettre autour de la table et nous allons faire en sorte de trouver des solutions pour faire avancer l'agriculture en Occitanie », a notamment annoncé la présidente de région à la sortie de la réunion avec les agriculteurs.
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