À Toulouse, la célèbre librairie Chapitre Privat menacée à son tour

L'enseigne historique Chapitre Privat, 14 rue des Arts à Toulouse, est menacée de fermeture d'ici cet été. En cause : la concurrence du numérique, le montant du loyer, et une stratégie de l'actionnaire américain, le fonds de pension Najafi, "basée sur l'e-commerce" selon la CGT. L'année dernière c'est Castéla, place du Capitole, qui a mis la clé sous la porte. Une manifestation pourrait avoir lieu à Toulouse pour sauver la librairie Chapitre Privat.
L'enseigne historique Chapitre Privat, 14 rue des Arts à Toulouse, est menacée de fermeture d'ici cet été


"Ce n'est pas un commerce qui ferme, c'est un lieu culturel" s'indigne Philippe Terrancle, directeur des éditions Privat. Même si la maison d'édition toulousaine n'a plus de lien autre qu'historique avec la librairie Chapitre Privat, il s'étrangle à l'idée que "le monde de l'édition soit mis en péril" et ne compte pas rester spectateur de la fermeture de la libraire, qui fait figure d'institution à Toulouse. "Les grands écrivains, le président lui-même, les maires successifs de Toulouse sont venus dans cette librairie. Il faut mobiliser ces gens-là, interpeller la ministre de la Culture. Il s'agit de défendre un centre-ville pluriel, prouver que les citoyens ont d'autres préoccupations que l'habillement, le téléphone, et la parfumerie". Si la librairie ferme, selon Philippe Terrancle, c'est pour une question de loyer, mais aussi de stratégie menée par l'actionnaire, le fonds de pension américain Najafi. "Si ces gens-là aimaient la culture, ça se saurait" pointe-il. Des propos soutenus par Christian Thorel, patron de la librairie indépendante Ombres Blanches "je suis totalement solidaire, même si je ne participe jamais aux manifestations. La situation est dure. Les salariés sont soumis à un système d'hyper-rentabilité."

Une stratégie basée sur l'e-commerce
La CGT des librairies Chapitre appelle les 220 salariés des 12 magasins Chapitre menacés de fermeture à faire grève vendredi 12 avril 2013. C'est en effet vendredi à 9h30 qu'aura lieu un comité d'entreprise durant lequel Yorg Hagen, PDG des librairies Chapitre, donnera des précisions sur le sort de ses boutiques. Neuf d'entre elles pourraient tout simplement fermer. Pour celle de Toulouse, comme pour Belfort et Colmar, le droit au bail est à vendre et "le repreneur ne sera pas libraire", affirme la CGT, s'appuyant sur le communiqué adressé par Yorg Hagen à ses salariés mardi 9 avril, où l'on peut lire : "Trois librairies pourraient également cesser leur activité, leur bail ayant fait l'objet de marques d'intérêt de repreneurs qui ne souhaiteraient pas conserver l'activité actuelle."
Par ailleurs, le fonds de pension américain Najafi a racheté le groupe Actissia (dont Chapitre fait partie) il y a deux ans. "Leur stratégie est clairement basée sur l'e-commerce. Leur projet est clair : tuer la concurrence en fermant les magasins", dénonce Clémence Devincre, déléguée syndicale CGT du pôle Librairies Chapitre.

Concurrence d'internet

Déjà interrogé il y a quelques jours au sujet du plan de sauvegarde des librairies indépendantes, Christian Thorel pointait du doigt la concurrence de la vente de livres en ligne (lire notre article ) : "un des problèmes majeurs de notre profession est l'affaiblissement du réseau des librairies par la vente sur internet. Comment lutter à armes égales contre les sites de vente de livres en ligne, en particulier Amazon ? Le syndicat des librairies indépendantes milite depuis plusieurs années pour interdire la gratuité des frais de port sur internet", explique-t-il "Je ne me priverai pas de taper sur un fonds de pension américain, mais il ne faut pas oublier que tous les citoyens sont concernés. Il ne sert à rien de déplorer la fermeture d'une librairie si on commande en toute innocence des livres sur internet" pointe par ailleurs le libraire. Mais l'opinion de Christian Thorel (dont certains estiment que sa librairie pourrait elle aussi être menacée à terme), n'est pas unanimement partagée. Philippe Terrancle estime de son coté qu' "il y a de la place pour tout le monde" et qu' "il ne faut pas opposer vente en ligne et vente en magasin."

Transformer le métier de libraire ?

Et pourtant, que reste-t-il au libraire si les livres sont tous disponibles sur internet, à des prix imbattables ? La librairie Chapitre du 14 rue des Arts a tenté de se diversifier avec un rayon papeterie depuis septembre dernier, en remplacement du rayon des livres scolaires, probablement moins rentable. Un rayon bonbons a également fait son apparition dans le magasin. Pourtant le directeur de la librairie Rachid Akhoun s'est efforcé de maintenir un certain niveau "littéraire" malgré les pressions du groupe. Pour Philippe Terrancle, le modèle économique appliqué dans la librairie ne marche pas: "Tout ce qui est marketé ne fonctionne pas. Il ne faut pas se laisser imposer une vitrine répondant à des thèmes décidés à Paris. Il faut du local. On n'est pas Virgin !".
La librairie mise également sur le service avec les coups de cœur des libraires, un espace billetterie, et la commande d'article sur le site internet.

Sophie Arutunian
©photo Rémi Benoit

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