Arnaud Montebourg est favorable à l'innovation, mais pas à n'importe quel prix  !

Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, a déclaré que l'innovation ne devait pas "perturber" les entreprises historiques, lors de la conférence LeWeb organisée à Saint-Denis. Dans le viseur du ministre du Redressement productif ? Free, probablement.

Comprenne qui pourra. Alors que l'innovation est dans toutes les bouches au gouvernement, et notamment au ministère du Redressement productif, Arnaud Montebourg a fait une déclaration tonitruante jeudi au salon LeWeb organisée à Saint-Denis. "Nous acceptons l'innovation à partir du moment où elle ne perturbe par les entreprises historiques", a déclaré le ministre du Redressement productif.

Qui est visé par cette déclaration ? Free ? Coïncidence, ces propos sont intervenus trois jours exactement après une jolie passe d'armes sur Twitter entre le ministre du Redressement productif et Xavier Niel, le fondateur du groupe Iliad après que sa filiale Free ait annoncé qu'elle inclura une offre 4G dans ses forfaits téléphoniques à 2 euros. Grâce à cette nouvelle offre, Free fait d'une pierre deux coups. Elle se fait le héraut du pouvoir d'achat des Français, et affaiblit ses concurrents qui comptaient sur la 4G pour reprendre la main. Or, parmi ses concurrents, il y a Orange, ex-France Télécom, et ses 170.000 salariés.

L'arrivée de Free s'est-elle soldée par des destructions massives d'emplois ? Selon l'Observatoire de l'emploi et de l'investissement de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), 5.000 emplois ont été créés dans le secteur des télécoms entre 2009 et 2012.

L'art du paradoxe
Avec cette déclaration, Arnaud Montebourg entretient le paradoxe. D'une part, il plaide pour une nouvelle France industrielle, pour une politique innovante tous azimuts. En effet, le Ministre déclarait récemment à La Tribune : "Innover, c'est la capacité d'une nation de se réinventer et de changer concrètement la vie en société. C'est pour cela qu'il faut une industrie forte, car celle-ci concentre l'innovation, la R&D, l'investissement, le progrès technique, autant d'ingrédients indispensables pour relever notre croissance. L'innovation, c'est aussi un moyen pour un pays d'être libre. Innover, c'est se libérer des choix des autres dont nous serions dépendants, c'est ne pas être soumis aux normes, aux brevets et aux inventions des autres."

D'autre part, il délimite avec précision la chasse gardée des entreprises "historiques", et notamment les entreprises publiques dont l'existence ancienne repose sur la conservation ou la quasi-conservation de situations monopolistiques. Comprenne qui pourra. Quant au concept de destruction créatrice théorisé par l'économiste autrichien Joseph Schumpeter qui désigne le processus de disparition de secteurs d'activité conjointement à la création de nouvelles activités économiques, il est revu et corrigé par le ministère du Redressement productif !

Ce n'est pas la première fois que le ministre prend fait et cause pour une grande entreprise en difficulté. En octobre, Arnaud Montebourg tentait de faire vibrer la corde patriotique des opérateurs télécoms français en leur demandant de passer des commandes à Alcatel en grande difficulté. Des difficultés dues à de nombreuses erreurs stratégiques. Une demande à laquelle Free avait répondu par une fin de non-recevoir, l'opérateur estimant que ce changement de fournisseur allait entraîner une rupture technologique dans son process de production.

Quel sort pour les entreprises en difficultés ?

Pourtant, interrogé dans La Tribune sur la volonté de l'État de maintenir les entreprises en difficultés sous perfusion, le ministre a été très précis : "Nous ne maintenons aucune perfusion. Cette question relève de la mythologie journalistique. Quand il n'y a pas de clients, pas de commandes, pas de repreneurs, il n'y a alors pas de solution et l'entreprise fait définitivement faillite. Les salariés à qui on mentirait se retourneraient contre nous si nous leur faisions croire qu'on peut sauver par des artifices une entreprise. L'État n'a pas, je crois, réouvert les Ateliers nationaux pour faire travailler fictivement les gens."

En protégeant ainsi Orange, qui n'est pas en difficulté, et les entreprises "historiques", en imposant des limites aux entreprises innovantes, Arnaud Montebourg n'a pas peur de la contradiction.

Rivaliser avec le Mittelstand allemand

Un grand groupe "historique" ne naÎt pas grand groupe mais est le fruit d'un processus long au cours duquel l'entreprise est bien souvent passée du stade de TPE à celui de PME puis d'ETI. Par ailleurs, son statut de grand groupe ne l'exonère pas d'erreurs stratégiques, d'erreurs de gestion qui peuvent le fragiliser, voire le conduire à sa perte.

Alors que le gouvernement, comme le précédent avant lui, essaie de favoriser le développement des PME en ETI capables de créer des emplois, d'innover et d'exporter et - in fine - rivaliser avec le Mittelstand allemand, qu'il regrette l'âge avancé des entreprises composant le CAC 40 - la plus jeune entreprise du CAC est STMICROELECTRONICS, créée en 1987 -, les déclarations du ministre font un peu désordre.

Fabien Piliu
© photo Rémi Benoit

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