Le grand retour de Roberto Alagna à Toulouse

Après plus de 20 ans d’absence au Théâtre du Capitole, Roberto Alagna a enchanté le public toulousain. Retour sur un parcours et une voix d’exception. Interview croisée de Chistophe Ghristi, directeur artistique de l'Opéra national du Capitole et Yvan Cassar.
Chistophe Ghristi, directeur artistique de l'Opéra national du Capitole
Chistophe Ghristi, directeur artistique de l'Opéra national du Capitole (Crédits : Mirco Magliocca)

Quel regard portez-vous sur la carrière de Roberto Alagna, et sa place dans le cercle très fermé des grands ténors ?

Christophe Ghristi : Roberto Alagna est un magnifique artiste à la carrière exemplaire, doté d'un sens inné et inouï de la déclamation. C'est aussi une personnalité solaire qui a su emporter l'adhésion du public depuis ses premières années, et le public du Capitole peut s'enorgueillir de l'avoir vu débuter dans de nombreux rôles. Il a également eu l'intelligence de conjuguer l'exigence d'un parcours artistique lyrique de haut niveau et la popularité auprès d'un public qui dépasse très largement celui des « lyricophiles ». C'est quelque chose d'important.

Yvan Cassar : Je ne peux qu'abonder dans le sens de Christophe. Il est LE grand ténor de sa génération. Roberto est un passionné, passionné de la voix, du chant, de la musique. Il a cette qualité incroyable d'être ouvert à toutes les musiques, et d'avoir une grande culture, ce qui lui donne l'intelligence de savoir « marier » les styles, d'être un artiste exigeant et de mener une carrière exemplaire. Il est très attaché à la musicalité de la langue, et il cherche toujours une nouvelle manière de transmettre les répertoires.

L'un comme l'autre, vous avez suivi l'évolution de Roberto Alagna, l'accompagnant même dans sa trajectoire musicale à l'opéra ou dans des projets plus personnels. Si vous ne deviez retenir qu'un rôle, qu'une collaboration marquante, lequel serait-il ?

CG : Très instinctivement, je pense au rôle de Werther dans l'opéra de Massenet. Je vous parlais du sens de la déclamation de Roberto, ce dernier m'a laissé, particulièrement dans ce rôle, des souvenirs impérissables. Sa sincérité, son engagement total et sa sublime maîtrise de l'art du chant français en ont fait un des plus beaux Werther que j'aie pu voir.

YC : Peut-être l'album Sicilien... même si nos autres collaborations sont inoubliables. Pour Sicilien, nous avons puisé dans la musique de ses « racines ». Les chansons sont magnifiques, les mélodies sont incroyables. Il a donné ses lettres de noblesse à un répertoire traditionnel très peu connu et l'a amené au niveau des plus grandes mélodies napolitaines.  Il le chante et l'interprète comme il respire, avec un immense bonheur.

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cette voix de ténor est capable de galvaniser les foules ?

CG : La voix de ténor est une voix par essence héroïque puisqu'elle n'est pas une voix « naturelle » (à la différence de la tessiture de baryton qui est celle de la voix parlée). Dans le cas de Roberto Alagna, cela se conjugue à un immense sens du lyrisme et à la générosité et la passion de son chant. Il emporte alors l'auditeur avec lui vers tous les états d'âme de ses personnages, dans l'héroïsme et dans la tragédie, le temps devient comme suspendu.

YC : Roberto galvanise les foules par sa voix, qu'a parfaitement décrit Christophe avec ce timbre solaire inégalé dans la tradition des plus grands ténors comme Caruso ou Pavarotti, mais aussi par son intelligence du jeu, son sens du partage, son enthousiasme et son amour du public.

De par sa double culture et son parcours atypique, il passe avec aisance du tango de Gardel à Puccini, de la chanson napolitaine à Bizet... toujours avec la même curiosité.

Toulouse a une place essentielle dans vos parcours musicaux, comment définiriez-vous la relation de la ville rose à la musique et sa singularité ?

CG : Je pense qu'il y a à Toulouse un public formidable ! En poste à l'Opéra du Capitole depuis 2017, j'ai eu le grand bonheur de voir le public nous suivre dans tout ce que nous avons pu lui proposer, des grands ouvrages comme Traviata ou Flûte enchantée aux ouvrages moins connus comme Wozzeck ou Jenufa. Ainsi, alors que le covid a porté un coup difficile à la fréquentation des salles d'opéra en France, nous avons réalisé un superbe début de campagne d'abonnement pour la saison 23-24 !

Parallèlement à la fréquentation, ce qui m'émeut chaque soir est l'enthousiasme et la passion du public pour les œuvres et les voix... qu'il les entende pour la première fois ou qu'il retrouve un ouvrage ou un artiste déjà connu, quand le public toulousain aime, il le fait savoir ! Chaque soir, les saluts sont un magnifique prolongement du spectacle qui s'achève.

YC : Toulouse est ma ville de cœur. Ma grande histoire y commence en 1999 avec Claude Nougaro, l'Orchestre du Capitole à la Halle aux Grains, et Michel Plasson.

Ce fut le début d'une grande amitié avec ces deux artistes exceptionnels, mais aussi avec la ville et son public chaleureux. Je ne compte plus mes périodes toulousaines avec Claude entre la Halle aux Grains et sa maison du Quai de Tounis.

Ces dernières années, j'y suis revenu célébrer Nougaro, mais pas seulement, lors de soirées estivales sur les bords de la Garonne. Le public et les musiciens toulousains m'accueillent chaque fois avec une chaleur et un enthousiasme dont je les remercie.

Quels sont vos prochains projets, avez-vous un rêve artistique que vous pourriez nous confier ?

CG : La prochaine saison de l'Opéra ! Composée de 7 opéras, 5 ballets et de nombreux concerts et récitals, elle sera l'occasion de magnifiques voyages pour le public. Les Pêcheurs de Perles, La Sylphide, Boris Godounov pour ne citer que les spectacles de l'automne... chaque production est un monde en soi, auquel je porte la plus grande attention, en commençant souvent des années avant la première répétition et restant vigilant jusqu'à la dernière représentation !

YC :  Beaucoup de projets bien sûr et mon premier album personnel au piano l'année prochaine. Je suis très heureux de cette belle aventure avec le Festival de Toulouse et je rêve déjà de la prochaine édition !!

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