La Tunisie, plateforme offshore de Midi-Pyrénées

Engagé dans une intense politique de réduction des coûts, Airbus encourage les délocalisations de ses sous-traitants dans les pays à bas coûts. Ces derniers mois, la tendance s'est accélérée vers la Tunisie qui cumule les atouts : régime offshore attrayant, proximité et main d'œuvre qualifiée à bas coût. Les dirigeants de Midi-Pyrénées expliquent leurs stratégies.Airbus s'est lancé dans une mutation progressive de son système productif.

Engagé dans une intense politique de réduction des coûts, Airbus encourage les délocalisations de ses sous-traitants dans les pays à bas coûts. Ces derniers mois, la tendance s'est accélérée vers la Tunisie qui cumule les atouts : régime offshore attrayant, proximité et main d'œuvre qualifiée à bas coût. Les dirigeants de Midi-Pyrénées expliquent leurs stratégies.

Airbus s'est lancé dans une mutation progressive de son système productif. L'externalisation d'activités, grandissante, permet de compresser les coûts et les risques financiers tout en faisant les beaux jours des sociétés régionales gravitant autour de l'avionneur. Mais la compétition est féroce. Pour garder une chance d'être sélectionnées, les sous-traitants de Midi-Pyrénées sont fortement incités à aller chercher les compétences là où elles sont moins coûteuses pour des productions nécessitant peu de valeur ajoutée.
La crise aidant, la Tunisie fait de plus en plus figure d'oasis offshore. LATelec et IGE+XAO viennent tout juste d'être rejoints par Sogeclair et Aerolia. Portée par une croissance annuelle de plus de 5% depuis près de dix ans, la Tunisie cumule les atouts : proximité géographique de Toulouse, main-d'œuvre à bas coût, qualité des effectifs, réglementation offshore avantageuse, stabilité politique... Sans oublier les facilités administratives : « Une demi-journée suffit pour fonder son entreprise », certifie Fethi Ferchiou, vice-consul en charge des affaires économiques à Toulouse.

« Question de survie »
Implanté à Tunis depuis 1997, le groupe toulousain Actia y compte un bureau d'études et deux usines chargées de la production de cartes électroniques. « Nous vivons dans un monde occidental où les consommateurs veulent bénéficier du plus bas prix possible, explique le PDG Christian Desmoulins. Nous localiser dans un pays low cost était une question de survie pour rester compétitifs lors des appels d'offre. » Via sa filiale Clairis Technologies Méditerranée créée en mars dernier à Tunis, le blagnacais Sogeclair fait de même : transférer des charges de travail réalisées en Europe, assurant sa compétitivité, et en profiter pour attaquer le marché local. L'unité passera de 8 à 15 ingénieurs en fin d'année.
Pour que le pays devienne un véritable pôle international de construction aéronautique, manquait encore un projet d'envergure et un donneur d'ordre de poids. Airbus a résolu le problème. Après avoir hésité entre le Maroc et la Tunise, l'avionneur a choisis d'implanter au sud de Tunis le parc aéronautique de sa filiale Aerolia. « Chaque pays a joué la surenchère, rappelle Philippe Cussonnet, PDG de SEA LATelec mais aussi président du Gitas, le Groupement des industries tunisiennes aéronautiques et spatiales. Cela a été bénéfique pour la Tunisie, qui a multiplié les efforts. La phase de développement de l'industrie aéronautique a été lente mais elle s'est accélérée avec l'arrivée d'Aerolia. La supply chain tunisienne est de plus en plus importante : beaucoup se disent que si Airbus arrive, venir en Tunisie est peut-être l'occasion de devenir partenaire. »

Co-développement
Plus rien ne s'oppose au développement de l'aéronautique tunisienne, qui fait partie des 12 priorités définies par le gouvernement dans sa stratégie industrielle. La tenue de la première convention d'affaires Aerospace meetings Tunisia, du 28 au 30 septembre à Tunis, est un premier signe. La présence pour la première fois d'une délégation officielle tunisienne lors du salon aéronautique du Bourget, en juin dernier, en est un second : il faudra compter sur la Tunisie dans les prochaines années. Pourtant, « nous n'avons rien mis en place pour cette destination, explique Agnès Paillard, directrice du pôle de compétitivité Aerospace Valley. Dix pays ont été définis comme prioritaires, mais la Tunisie n'en fait pas partie. Il existe déjà suffisamment de relais pour certaines destinations, il nous est difficile d'apporter de la valeur ajoutée. » Agnès Paillard reconnaît toutefois qu'il est « moins facile de travailler sur certaines destinations auprès de nos sponsors. Elles sont vécues comme de la délocalisation. »
Délocalisation, le mot est lâché. Accusés de détruire des emplois français, les chefs d'entreprise préfèrent parler d'offshoring et contre-attaquent. « On ne délocalise pas pour délocaliser, affirme Philippe Cussonnet. C'est une démarche de co-développement : en créant une base low-cost, nous gagnons en compétitivité et nous maintenons voire développons les emplois en Europe. » Christian Desmoulins confirme : « En cinq ans, Actia a créé 600 emplois en France et dans le monde. Notre implantation en Tunisie a fortement contribué à assurer notre croissance. » Le PDG va plus loin : « Nous avons une histoire commune autour du bassin méditerranéen. Les sociétés doivent jouer le jeu pour développer les emplois de part et d'autre. De nombreux PDG intègrent cette réflexion à caractère philosophique qu'on leur récuse souvent. » Alain di Crescenzo, PDG de l'éditeur de logiciels IGE+XAO, basé à Colomiers et qui possède une agence en Tunisie, l'assure également : « L'ouverture du site tunisien ne s'est pas faite au détriment des emplois français. »

Mémo
Délocalisation : fermeture d'une unité de production et implantation sur un nouveau site bénéficiant de conditions plus avantageuses.
Offshore : externalisation vers une entreprise étrangère de prestations réalisées jusqu'à présent en interne pour se libérer de la production, de la gestion d'une équipe de production, d'optimiser ses coûts.

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