La bataille stratégique des hypers toulousains

La grande distribution fait sa rentrée sur fond de révolution. Pouvoir d'achat en berne, nouveaux modes de consommation, désaffection des grandes surfaces : face à ces nouveaux enjeux, les hypermarchés toulousains planchent sur les tendances de demain.La nature a horreur du vide, la grande distribution aussi. La Haute-Garonne compte pas moins de 22 hypermarchés, dont 8 de plus de 10 000 m2, selon le panorama établi en septembre 2008 par l'Observatoire départemental d'équipement commercial.

La grande distribution fait sa rentrée sur fond de révolution. Pouvoir d'achat en berne, nouveaux modes de consommation, désaffection des grandes surfaces : face à ces nouveaux enjeux, les hypermarchés toulousains planchent sur les tendances de demain.

La nature a horreur du vide, la grande distribution aussi. La Haute-Garonne compte pas moins de 22 hypermarchés, dont 8 de plus de 10 000 m2, selon le panorama établi en septembre 2008 par l'Observatoire départemental d'équipement commercial. Leclerc et Carrefour en premier lieu, puis Auchan, Casino, Intermarché, Champion, Hyper U et Super U ainsi qu'Atac se partagent le marché. Parmi eux, quelques poids lourds : six hypers figurent dans le Top 100 français en termes de chiffres d'affaires. Tous sont situés à Toulouse ou dans sa proche banlieue, des emplacements offrant des zones de chalandises extrêmement vastes. Et tous rivalisent actuellement d'idées, cherchant à conserver des clients dont les attentes évoluent rapidement. A l'heure de la bataille stratégique qui s'annonce, deux figures de stature nationale émergent du paysage. Créateur du Manège à bijoux et des agences de voyages Leclerc, à l'origine du concept d'Espace Culturel Leclerc, responsable de l'entité Leclerc Mobile, propriétaire des Leclerc de Blagnac et de Saint-Orens, Rémy Nauleau fait partie de ceux que l'on appelle les « barons Leclerc ». Blagnac détenait la place de 1er hyper Leclerc en terme de chiffres d'affaires en 2007, avant de glisser à la 3e place en 2008, pénalisé par les travaux d'extension de la galerie commerciale. Bien plus jeune, Gabriel Naouri (lire p. 55) est l'héritier du groupe Casino. Il fait pour l'heure ses armes à Fenouillet et développe une stratégie offensive pour regagner des parts de marchés.

La fin du gigantisme

La mission de Gabriel Naouri n'est pas simple. Crise oblige, la grande distribution ne va pas fort. Le Conseil national des centres commerciaux a annoncé une fréquentation globale en baisse lors du premier semestre 2009, avec des creux mensuels pouvant atteindre -4 à -8,7%. L'organisme prévoit « des résultats sensiblement négatifs ». La crise, seule fautive ? Sans doute pas. Ces dernières années, les attentes des consommateurs ont évolué. « L'heure n'est plus aux grandes surfaces. Le gigantisme, c'est obsolète », affirme Emmanuelle Thirion, responsable de la galerie commerciale associée à Leclerc Blagnac. Pour certains, les conséquences sont déjà là. Pas assez rentable au m2, cible d'une « politique d'optimisation », Carrefour Portet en est un bon exemple. Longtemps plus grand Carrefour d'Europe, il réduira d'ici 2010 sa superficie, passant de 24 400 à 18 000 m2. « L'offre du magasin est compactée mais aucune suppression de rayons n'est prévue et les effectifs resteront stables, assure l'agence de communication locale de Carrefour. Les mètres carrés libérés seront loués ou feront l'objet d'ouverture de boutiques spécialisées. »

Politique de proximité

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Que faire pour maintenir son niveau d'activité ? « Dans les années 70 et 80, on savait que ces grands centres commerciaux formeraient des pôles d'attraction et attireraient les clients, analyse Alain Lavandier, président de la Fédération régionale des entreprises du commerce et de la distribution. La tendance aujourd'hui s'est inversée, le client a besoin de proximité. Il n'est plus prêt à faire des kilomètres et cherche à limiter le temps qu'il passe à faire des courses. Les grandes enseignes mettent donc en place une politique de proximité. » Carrefour l'a bien compris : le remplacement des supermarchés Champion en Carrefour Market, réaménagés, est un succès avec une hausse des ventes de 5,4 % au 2e trimestre 2009. Une stratégie est commune à toutes les enseignes : depuis plusieurs mois, elles font des efforts sur les étiquettes. Les prix des produits de grande consommation ont augmenté en France de 0,4% dans la grande distribution entre juillet 2008 et juillet 2009, contre + 5,3% un an plus tôt, selon l'Insee. Conséquence directe, le hard discount a perdu 1,2 point de part de marché depuis fin mars 2009 selon l'institut TNS Worldpanel. A titre d'exemple, l'activité de Leader Price a dégringolé de 6,5 % puis de 8,5% au 1er et au 2e trimestre 2009. Des consommateurs se tournent également vers la vente directe, un circuit de distribution qui a le vent en poupe, permettant aux agriculteurs d'être mieux rémunérés et aux consommateurs de réduire leur facture alimentaire. Autre possibilité, le premier magasin de déstockage alimentaire toulousain a ouvert ses portes en juillet boulevard Thibaud, au sud-ouest de Toulouse.

L'inflation des galeries

D'autres enseignes misent sur la livraison à domicile. Leclerc met en place son système d'Express Drive. Les hypers risquent-ils de voir leurs magasins désertés ? « Si les consommateurs ne les arpentent plus, l'achat d'impulsion disparaît, remarque Emmanuelle Thirion. La grande distribution n'est-elle pas en train de scier la branche sur laquelle elle est assise ? » Développer les galeries commerciales fait également partie des solutions envisagées. « Les hypers étaient auparavant la principale source d'attractivité, poursuit la responsable de la galerie commerciale blagnacaise. Mais la tendance s'inverse avec une nouvelle clientèle qui vient pour les boutiques et en profite pour faire un saut à l'hyper. » En témoignent les extensions de galeries marchandes récentes ou en projet : Leclerc Roques (120 boutiques), Blagnac (de 65 à 110 magasins en attendant l'ouverture d'Alinéa, le concurrent d'Ikéa) et Saint-Orens (galerie doublée de 60 à 110 enseignes), Auchan Gramont (+ 7 300 m2 pour la galerie) ou encore Géant Casino Fenouillet (100 boutiques et 35 magasins de moyenne surface)...

Certaines sociétés ont anticipé cette tendance : depuis 2004, Klépierre, filiale de la BNP, a investi 250,7 millions d'euros pour acquérir les deux galeries attenantes aux Leclerc de Blagnac et Saint-Orens ainsi que les murs des deux hypers. Le jeu en vaut la chandelle : selon Klépierre, les centres commerciaux de Blagnac et de Saint-Orens sont situés sur des zones de chalandise respectivement estimée en 2009 à 395 500 et 501 213 habitants. En attendant bien mieux, quand on connaît la démographie galopante de Toulouse : 20 000 nouveaux habitants chaque année. La Ville rose n'en deviendra que davantage un emplacement stratégique.

  • Plus d'infos
  • 10 423 : le nombre d'emplois liés à la grande distribution en Haute-Garonne. Source : CCI 2009
  • 206 grandes surfaces et grands magasins sont recensés dans le département. Source : CCI 2009
  • + 0,4% : l'augmentation des prix des produits de grande consommation entre juillet 2008 et juillet 2009. Source : Insee
  • + 4,4 % : l'évolution du chiffre d'affaires de la grande distribution en Haute-Garonne. Source : CCI 2009
  • - 1,9 % : l'évolution des effectifs en Haute-Garonne en 2008. Source : Insee 2009

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En photo : les centres commerciaux de l'agglo toulousaine sont engagés dans une intense concurrence.
Photo © Rémi Benoit

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