Freescale fermera en 2011 son unité de production toulousaine. 1030 emplois seront supprimés

Le groupe américain Freescale, spécialisé dans les puces électroniques, a annoncé le 22 avril la fermeture en 2011 de son unité de production toulousaine. Les 800 salariés qui travaillent pour la filière automobile sont concernés. Le département consacré à la téléphonie mobile n'ayant toujours pas trouvé de repreneur, 230 personnes de plus devraient également devoir partir. Le site compte 1.700 emplois, seuls 600 devraient être maintenus.

La direction annonce un vaste plan de reclassement.

Ce matin, seule la présence d'une quinzaine de journalistes, postés à l'entrée, trahissait l'inquiétude régnant au sein de Freescale Toulouse. Pas de banderoles, pas de manifestation : les salariés sont venus travailler comme chaque matin, malgré l'annonce faite hier par le siège américain d'Austin, au Texas. Le groupe a décidé de fermer deux usines de production : une au Japon et la seconde à Toulouse, au parc d'activité de Basso Cambo. Le site de production toulousain fabrique des puces électroniques et travaille à 95% pour l'automobile. Un secteur particulièrement touché par la crise. Dans un communiqué, la direction explique que « pour rester compétitifs, les fabricants de semi-conducteurs, y compris Freescale », évoluent vers des pièces de taille supérieure, « qui apportent des capacités plus élevées et une meilleure compétitivité. La détérioration des conditions économiques a accéléré significativement cette stratégie au niveau global. » En clair : les technologies utilisées à Toulouse ne sont plus rentables.

« Ce projet de fermeture s'explique par deux raisons, précise Michel Abitteboul, le directeur de la communication du site. Economique tout d'abord : nous dépendons à 95% du marché de l'automobile, en pleine crise. Les cadencs ont ralenti et notre unité est sous-utilisée. Par ailleurs, nous utilisons à Toulouse une technologie de fabrication ancienne. Nous sommes un des derniers sites au monde à l'employer. Cette situation ne pouvait pas durer éternellement. »

800 emplois directs seront supprimés mais la direction ne lancera pas de plan de licenciement : elle annonce vouloir reclasser tous les salariés. Une autre mauvaise nouvelle est également arrivée hier : l'activité téléphonie mobile du site toulousain, en vente depuis plusieurs mois, n'a toujours pas trouvé de repreneur. 230 postes sont menacés de disparition. Le site compte 1.700 salariés. D'ici 2011, 1.030 emplois au total pourraient être supprimés. La direction a annoncé le maintien sur site de 600 salariés se consacrant à la recherche et au développement et « travaillant sur les puces du futur, notamment dans l'automobile ».

Les salariés ont diversement accueilli ces nouvelles. Certains, comme Jean-Pierre, s'y attendaient : « Depuis 2003, le gouvernement français est alerté de la situation de Freescale mais rien n'a été fait. Il ne nous manquait que la date de fermeture ! Mais c'est quand même un coup de massue. » « On s'y attendait un peu, confirme Thierry, 27 ans passés à l'usine. C'est dur, on essaie de digérer la nouvelle. » D'autres comme Serge Ramos, délégué syndical FO, se disent surpris : « On ne s'attendait pas à un plan de cette envergure. D'autant plus qu'il n'est pas justifié, ni économiquement, ni stratégiquement. Nos clients font confiance à notre savoir-faire et veulent que nous fabriquions à Toulouse ! Nous pensons que le site a les moyens de repartir. Freescale fait du profit. Elle ne meurt pas, cette usine ! » Serge Ramos convient toutefois que les signaux de ces derniers mois n'étaient pas bons. « Deux plans de sauvegarde de l'emploi ont abouti au départ volontaire de 300 salariés. Nous avons été touchés par du chômage partiel l'an dernier et cette année. Nous avions aussi accepté le gel des salaires en 2009. »

Du côté des syndicats, la cause semble entendue : Freescale supprimera ces 1.000 postes. Reste à éviter la casse. « Nous sommes déterminés à sauver le plus d'emplois possible », reprend Serge Ramos. Avec quelles méthodes ? « Il y a une forte maturité des salariés. Nous avons le temps, commençons à négocier. Mais à l'avenir, nous n'excluons aucun moyen. A Toulouse, le dialogue social avec la direction a toujours été excellent. Les dirigeants veulent reclasser tout le monde, mais en auront-ils les moyens ? En attendant, nous comptons sur l'engagement des élus pour renverser la tendance. »

Alerté depuis 48 heures, Pierre Cohen, le député-maire PS de Toulouse a tenu une conférence de presse en début d'après-midi. « On ne peut pas ainsi rayer de la carte une entreprise. Nous allons très vite rencontrer les salariés de Freescale et notre soutien à leur égard sera sans faille. L'entreprise est symbolique de l'histoire de l'industrie toulousaine et nous nous interrogeons sur la stratégie du groupe. A quoi correspond-elle ? Une réduction de voilure de l'entreprise ? La volonté d'accroître la rentabilité ? Le souhait de rapatrier l'ensemble de l'outil de production aux Etats-Unis ? Les conséquences de la crise ou un effet d'aubaine ? Quoi qu'il en soit, nous n'excluons pas l'éventualité d'aller défendre le site toulousain directement aux Etats-Unis. »

S'exprimant aux côtés de Thierry Cotelle (adjoint à l'Economie et vice-président de la commission économie et emploi du Grand Toulouse), Pierre Cohen a expliqué qu'il avait visité le site de Freescale il y a 3 mois. « Certes, il y avait des craintes de réduction des effectifs mais il n'a jamais été question de fermeture. Il y a dans cette annonce quelque chose de l'ordre de l'immoralité et de l'inacceptable. Nous ne pouvons pas nous contenter du maintien de l'activité R&D à Toulouse. Il n'y a pas de raison qu'on ne trouve pas les investissements nécessaires à la rénovation et au maintien de l'outil de production d'ici 3 ans. D'autant qu'il y a à Toulouse des voies possibles de diversification, aéronautique, spatial, nanotechnologies, etc. »

Dans un communiqué commun, Pierre Cohen, Martin Malvy, président de Région, et Pierre Izard, président du conseil général de la Haute-Garonne, ont affirmé cet après-midi avoir « demandé à rencontrer dans un premier temps la direction Europe de l'entreprise et, dès que possible, à être reçus au siège américain, à Austin. Freescale est, pour le tissu économique régional, une entreprise clé en matière d'innovation technologique. C'est pour cela que nos collectivités territoriales l'ont accompagné depuis plusieurs années dans ses investissements en matière d'innovation et de conquête de nouveaux marchés. Cela crée des responsabilités pour l'entreprise, via à vis de Toulouse, de la Haute-Garonne et de Midi-Pyrénées. » Par le passé, les collectivités ont investi dans les laboratoires fondés conjointement par Freescale et le Laas-CNRS. Le Conseil régional a notamment apporté 2,4 millions d'euros entre 2001 et 2006.

« Des négociations sur l'accord de méthode débuteront demain après-midi, afin de définir les modalités de ces 1.000 suppressions de poste, explique Didier Zerbib, délégué syndical CGT. L'entrevue réunira la direction et les syndicats. » Ces négociations devraient durer plusieurs semaines. « Les salariés ont la volonté de ne pas être licenciés comme des malpropres », avertit Xavier Petrachi, délégué central CGT.

En savoir plus :

- Ancienne filiale de Motorola, Freescale Semiconductor est le leader mondial de la conception et la fabrication de semi-conducteurs embarqués pour les marchés de l'automobile, de l'électronique grand public, de l'industrie des réseaux et communications sans-fils. Après plusieurs mois difficiles, la société est revenue « dans le vert » au premier trimestre, et a enregistré 1,76 milliard de dollars de bénéfice net, à la suite de gains exceptionnels enregistrés à l'occasion de la restructuration de sa dette financière. www.freescale.com/france

En photo : le groupe Freescale Semiconductor est une ancienne filiale de Motorola.

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