Exclusif. Travaux publics : la Scam TP placée en redressement judiciaire

Le président de la Scam Travaux Publics, Georges Albert, annonce l'engagement d'une procédure collective en redressement judiciaire devant le tribunal de commerce de Toulouse, par jugement du 8 octobre dernier. Il se dit « raisonnablement optimiste ». Une période d'observation de six mois a été ouverte pour s'assurer de la pérennité de l'entreprise. C'est le sort de 400 salariés qui est en question. Élus et professionnels réagissent.

L'annonce du placement de la Scam Travaux Publics en redressement judiciaire confirme la mauvaise santé du secteur en Midi-Pyrénées : « Cela fait un an et demi que je tire la sonnette d'alarme, commente Bruno Cavagné, président de la Fédération régionale des travaux publics. Les TP sont dans une situation très compliquée avec une baisse du volume d'activité principalement liée à la diminution des investissements des collectivités locales à périmètre constant : les budgets sont orientés à la baisse dans tous les départements de Midi-Pyrénées. »

Une inquiétude partagée par le président du Conseil économique et social régional Jean-Louis Chauzy : « Je ne suis malheureusement pas surpris par cette annonce qui n'est que le début d'une longue série : il y a urgence pour le secteur des TP en Midi-Pyrénées qui a fait beaucoup d'efforts pour former son personnel et a tenu pendant la crise sans licencier. Mais aujourd'hui, il est étranglé par les baisses de commandes du public. Pour s'en sortir, les entreprises vont être obligées de tailler dans leurs effectifs de manière très importante. Je vais demander, dès ce soir, au préfet de Région d'organiser une réunion de travail avec le Conseil régional, les Conseils généraux et les Communautés d'agglomération pour comprendre les raisons qui bloquent les chantiers. »

Pour le vice-président de la Communauté d'agglomération de Toulouse en charge du développement économique, Bernard Keller, c'est vers l'État qu'il faut chercher les coupables : « On mesure les effets néfastes des dispositions sur la réforme de la fiscalité, et en particulier de la suppression de la taxe professionnelle. La mise en oeuvre de cette nouvelle fiscalité, qui supprime les recettes, a un impact sur les projets qui sont, dès lors, reportés à plus tard. Les grands travaux sont, du coup, compromis. »

Une conjoncture défavorable qui a incité le président de la Scam, Georges Albert, à prendre les devants en demandant la mise en redressement judiciaire : « Nous avions des difficultés à négocier des délais de paiement à l'amiable avec les fournisseurs, explique-t-il. Cette procédure va avoir un effet positif sur notre trésorerie en gelant ces traites ainsi que d'autres charges avec un délai d'apurement qui va nous permettre d'assainir les comptes. »

Une trésorerie mise à mal par la dernière loi de modernisation économique (LME) qui impose aux entreprises de payer à 60 jours leurs fournisseurs : « Seul 70 % du prix nous est réglé par le client dans ce délai, précise-t-il. Nous accusons, dès lors, un trou énorme dans notre trésorerie. » Une réalité que dénonce avec encore plus de virulence Bruno Cavagné : « 70 % de notre activité étant de la commande publique, il est facile de comprendre nos difficultés. Certaines collectivités nous doivent des factures depuis janvier ! Nous avons demandé que cette mesure soit différée. En vain. Nous n'y sommes pas opposés à condition que tout le monde paie à 60 jours. Car pour les PME comme la Scam, c'est une situation intenable. » « Cette mesure est une véritable ânerie », n'hésite pas à dire Jean-Louis Chauzy.

L'autre problème récurrent rencontré par les professionnels du secteur concerne la baisse des prix : « Les entrepreneurs ont cru que la crise allait être passagère. C'est ce qui a engendré une guerre des prix sans merci qui dure encore aujourd'hui. Il est impératif de remonter les prix. Sinon d'autres PME risquent d'être en proie à de grosses difficultés. » Et d'appeler de ses vœux à une mobilisation des collectivités locales : « Il faut une volonté politique affichée de lancer des projets. Midi-Pyrénées est mal loti en comparaison avec les régions PACA, Languedoc-Roussillon ou Aquitaine. Il n'y a pas de grands projets structurants, souligne-t-il. Nous avions, en outre, demandé aux collectivités locales une avance de trésorerie : seule la Région a consenti à donner ce coup de main aux PME dans une période très difficile. »

Inquiet pour le secteur, le président de la Fédération régionale des travaux publics espère que le cas de la Scam marquera les esprits : « Si l'entreprise venait à fermer, ce serait dramatique quand on sait qu'il y a 400 emplois à la clé, avertit-il. Peut être que cette perspective fera office de déclic dans la tête de nos élus. » Un scénario catastrophe pas encore à l'ordre du jour selon Georges Albert.

« Je suis raisonnablement optimiste. La période des six mois d'observation sera suffisante pour démontrer la pérennité de la Scam grâce notamment au second semestre 2010 et à un bon carnet de commandes. » Avec 65 millions d'euros en carnet au 1er juillet 2010, le président de la Scam estime pouvoir garantir du plein emploi jusqu'à la fin du premier trimestre 2011. Après ? Rien n'est moins sûr même si un recours à du chômage partiel n'est pas, pour l'instant, envisagé : « Je tiens d'abord à rappeler que nous avons été les seuls à ne pas réduire nos effectifs l'an passé grâce à notre bon carnet de commandes et à la diversification engagée. Virer la moitié du personnel n'est pas la solution pour sortir de cette mauvaise passe. Il faudra cependant faire des ajustements à la marge pour ajuster les effectifs à la situation actuelle. Mais je n'ai pas envie de décevoir les salariés en qui je crois. C'est ensemble que nous nous en sortirons. »

Du côté des salariés, l'heure n'est pas à la déprime : « On sait ce que ça vaut la Scam, déclarait l'une d'entre elles ce matin. Le carnet de commandes étant correct, on est confiant. » Un optimisme partagé par l'un de ses collègues qui rappelait que l'entreprise n'était pas en proie à un ralentissement de l'activité : « Tout le monde a du travail ici. C'est vraiment la trésorerie qui pose problème. Mais nous avons confiance en M.Albert. »

Basée à Garidech, Scam Travaux Publics emploie près de 400 salariés et compte à son actif de grandes réalisations comme celle de l'assainissement du futur Cancéropole de Toulouse. Elle a réalisé 50 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2009.

Jean Couderc

En photo Georges Albert, président de la Scam Travaux Publics (© DR)

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