Levée de fonds d'EasyMile : "Financer la maturité technologique de nos solutions"

INTERVIEW. Le concepteur toulousain de logiciels pour la mobilité autonome vient de finaliser une levée de fonds de 55 millions d'euros, soit la plus importante depuis la naissance d'EasyMile en 2014. Une opération qui a pour but de financer "la maturité technologique" des diverses solutions de l'entreprise aux 250 salariés (dont 180 à Toulouse), dans l'optique d'un début de commercialisation en fin d'année 2021. Entretien avec Benoit Perrin, le directeur général de la société.
Depuis le mois de mars, la navette autonome d'EasyMile est testée pour la troisième fois à Toulouse.
Depuis le mois de mars, la navette autonome d'EasyMile est testée pour la troisième fois à Toulouse. (Crédits : Rémi Benoit)

La Tribune - Depuis quelques semaines voire quelques mois, beaucoup d'acteurs se désengagent du véhicule autonome ou revendent leur filiale dédiée, à l'image de Lyft dernièrement. Dans ce contexte, vous venez de boucler une levée de fonds de 55 millions d'euros. Comment interprétez-vous cela ?

Benoit Perrin - Ce que nous voyons quand même c'est qu'il y a des stratégies très différentes sur la voiture autonome aujourd'hui. Si vous avez une stratégie de robot taxi, qui sont des véhicules qui fonctionnent sur des parcours très nombreux et dans des situations très différentes, avec des vitesses élevées, les investissements et le timing pour y arriver sont extrêmement élevés. Donc il y a une consolidation qui se crée autour de ce sujet. Ce ne sont pas forcément des acteurs qui disparaissent, mais ils se consolident. Et ils sont rachetés à des montants non négligeables, cela prouve bien qu'il y a quand même une valeur.

À Easymile, notre stratégie est complètement différente et elle est la suivante. Si le défi technique est compliqué, nous allons viser des cas d'usage simples, qui sont beaucoup accessibles techniquement. Nous avons ainsi la possibilité de nous déployer commercialement beaucoup plus tôt. C'est une stratégie de progressivité qui consiste à ne pas vouloir toucher la lune tout de suite mais y aller avec différentes étapes qui permettent de renforcer la structure financière de l'entreprise et d'autre part valider la technologie au faire et à mesure.

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Depuis la naissance d'EasyMile, en 2014, c'est la plus importante levée de fonds de l'entreprise après celle de 2017 de 14 millions d'euros réalisée avec Alstom. Concrètement, comment ces fonds vont être utilisés ? Que vont-ils permettre à votre entreprise ?

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Il y a d'abord et avant tout la continuation et la finalisation du développement technologique. Nous avons d'ailleurs des recrutements en cours sur des postes techniques à Toulouse (une dizaine, ndlr). Cette opération a pour but de financer la maturité technologique de notre solution et de soutenir les investissements commerciaux qui ont débuté il y a deux ans déjà.

Qu'est-ce-qu'il manque à EasyMile pour arriver à atteindre cette maturité technologique ? L'enjeu est important puisqu'il s'agit de donner confiance aux citoyens et aux pouvoirs publics à l'égard de cette technologie de la mobilité autonome.

Aujourd'hui, une fois que la technologie se met en place, les retours sont plutôt bons, ce qui signifie une vraie attente. Le défi technologique reste d'assurer un bon niveau de service, avec donc une bonne disponibilité, une bonne vitesse et des niveaux de sécurité élevés. La sécurité est non négociable pour nous. C'est vraiment ce sur quoi nous avons vraiment basé notre développement technologique et qui fait notre différenciation. La sécurité est un aspect non négociable du déploiement. Dès que vous allez en mode commercial, il faut vraiment atteindre des niveaux de sécurité qui sont du niveau de l'aérien ou du ferroviaire. C'est absolument indispensable. Mais c'est compliqué de déployer ce niveau très élevé de sécurité.

Aujourd'hui, nous commencons à livrer les premiers services commerciaux pour un vrai cas d'usage, avec le bon niveau de sécurité sur des cas d'usage qui sont encore relativement simples, comme des sites fermés avec peu de voitures. Puis, peu à peu nous allons étendre.

Actuellement, vous êtes à 180 véhicules commercialisés et en fonctionnement. Est-ce-que cette levée de fonds est aussi une manière d'accélérer et de gonfler rapidement ce chiffre avec de nouveaux partenariats?

L'objectif de cette levée de fonds est en effet d'accélérer. Notre roadmap est d'avoir des premiers usages commerciaux, notamment avec les tracteurs logistiques d'ici la fin de l'année voire début d'année prochaine, puis la navette sur les sites privés en 2022. Notre intention est d'avoir un service qui puisse être vraiment offert à ceux qui sont intéressés.

Par ailleurs, nous avons une demi-douzaine de partenariats sur d'autres types de véhicules. Nous avons parlé du bus pour lequel nous avons un partenariat avec Iveco depuis plusieurs années. Nous avons le tramway aussi. Nous regardons aussi d'autres véhicules dans la logistique comme les camions, en plus du Trac Easy (tracteur de marchandises, ndlr).

EasyMile Benoit Perrin

Benoit Perrin est le directeur général de la jeune pousse toulousaine EasyMile qui se développe au travers de la mobilité autonome (Crédits : Rémi Benoit).

Où en êtes-vous d'ailleurs sur le déploiement de cette seconde solution qui consiste à tracter des chariots de marchandises ?

Nous avons une dizaine de déploiements dans le monde, avec un ou deux tracteurs pour chacun. Ils sont à moitié sur des aéroports et à moitié sur des sites industriels. Par exemple, nous travaillons avec Stellantis à Sochaux ou avec Japan Airlines à Tokyo.

Aujourd'hui, quelles sont les perspectives de développement sur vos deux applications les plus avancées, à savoir le transport de marchandises et le transport de passagers. La première semble progresser plus vite. N'y-a-t-il donc pas intérêt pour EasyMile à prioriser la voie logistique ?

Les deux sont intéressantes. Nous avons une base technologique commune qui est vraiment capable de s'adapter à tous les usages, moyennant un certain nombre de paramètrages. C'est notre stratégie. C'est vraiment l'intérêt pour ensuite travailler avec des fabricants de véhicules parce que nous sommes uniquement sur le monde du logiciel et non pas sur le monde industriel. Chacun des fabricants de véhicules a son expertise. Donc nous sommes très complémentaires et il n'y a pas de limitation de la technologie. Une fois que vous avez une technologie qui fonctionne, faire marcher un Trac'Easy sur un aéroport n'est pas très différent de transporter ensuite avec une navette EasyMile des gens sur le même aéroport. Après, transporter des objets est beaucoup moins contraignant. C'est pour cette raison que nous sommes d'abord sur une commercialisation sur le marché du tracteur de marchandises. Mais la navette autonome viendra pas longtemps après. La demande est présente des deux côtés.

Dans cette opération financière à hauteur de 55 millions d'euros, vos actionnaires historiques sont au rendez-vous comme Continental et Alstom. Néanmoins, trois nouveaux font leur entrée dans le jeu à savoir Searchlight Capital Partners (nouveau propriétaire de Latécoère après une OPA, ndlr), McWin et NextStage AM. Au-déjà de l'aspect financier, attendez-vous de leur part un accompagnement juridique ou commercial ?

Il est tout de même important de rappeler que nous avons des partenariats technologiques forts avec Alstom et Continental. Pour ce qui est des nouveaux investisseurs, ce sont plutôt des profils financiers. Mais c'est intéressant au niveau de l'expansion au niveau mondial d'avoir ce réseau. Ce sont des personnes qui ont un réseau, avec des partenaires. Ils peuvent nous mettre en relation grâce à leur réseau international et ce sont des gens qui ont une vraie expérience sur les scale-up. Donc nous attendons un soutien par de la mise en relation avec des partenaires, mais aussi un véritable accompagnement sur le développement de l'entreprise en tant que telle.

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Commentaires 2
à écrit le 25/05/2021 à 13:40
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Cela va faire près de 6 x ans qu'Easy Mile expérimente, fait des parcours de tests... C'est quand le public bénéficiera de cette technologie..? Est-ce que les administrations , pouvoirs municipaux ou nationaux sont trop frileux ? Ou attendons-nous d'...

à écrit le 25/05/2021 à 13:40
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Cela va faire près de 6 x ans qu'Easy Mile expérimente, fait des parcours de tests... C'est quand le public bénéficiera de cette technologie..? Est-ce que les administrations , pouvoirs municipaux ou nationaux sont trop frileux ? Ou attendons-nous d'...

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