Navette autonome : Entre piétons et voitures à Toulouse, EasyMile s'expérimente à l'Oncopole

REPORTAGE. Après la commune de Pibrac et l'hyper-centre de Toulouse, EasyMile expérimente sa navette autonome sur le site de l'Oncopole. Au-delà de faire la liaison entre le parking et l'établissement de santé, le véhicule intelligent est confronté pour la première fois aux autres usagers de la route. Comment se passe cette nouvelle cohabitation ? La Tribune s'est rendue sur place.
Depuis début mars, la navette autonome d'EasyMile est une nouvelle fois testée à Toulouse.
Depuis début mars, la navette autonome d'EasyMile est une nouvelle fois testée à Toulouse. (Crédits : Rémi Benoit)

Au début d'une longue ligne droite, à l'entrée d'un rond-point, entre une voie bus et une voie dédiée aux voitures, un panneau indique l'interdiction de circuler sur cette parcelle de bitume longue de 700 mètres, sauf pour les "véhicules autorisés" à en croire le panneau aux cercles rouge et blanc. En l'occurence, les véhicules autorisés sont tout sauf habituels dans ce cas de figure. C'est sur cette petite route que l'entreprise toulousaine EasyMile teste sa navette électrique et autonome depuis le début du mois de mars à destination du grand public, après deux expérimentations menées par le passé dans le centre-ville de Pibrac puis celui de Toulouse.

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"Étant donné que nous avons nos équipes de recherche et de développement ici, à Toulouse, l'idée était d'avoir un terrain de jeu dans notre ville. À Francazal (lieu d'implantation du siège social d'EasyMile, ndlr), nous avons tout ce qu'il faut en moyens de tests et de simulations, mais rien ne remplace le vrai transport de passagers", justifie Benoit Perrin, le COO d'EasyMile.

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EasyMile

C'est sur cette longue portion, à proximité de l'Oncopole, qu'est testée la navette autonome d'EasyMile depuis plus d'un mois (Crédits : Rémi Benoit).

Situé dans la partie sud de Toulouse, cet axe permet de faire la liaison entre l'Oncopole de Toulouse, établissement de santé à la renommée nationale spécialisé sur le cancer, et son parking situé à plusieurs centaines de mètres de là. Surtout, la zone fait l'objet d'une activité plus importante qu'habituellement en raison des travaux pour accueillir le futur téléphérique urbain de Toulouse programmé pour s'arrêter en face de l'établissement de santé, là où était implantée AZF auparavant.

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"Pour les systèmes de notre navette autonome, il y a une formidable capacité d'interactions ici, avec le rond-point, les automobilistes, les cyclistes, les piétons, les feux rouges et les travaux en cours", liste le dirigeant.

Des centaines de voyageurs chaque semaine

Il ne faut effectivement que quelques minutes sur place pour se rendre compte de toutes les situations délicates à négocier pour le véhicule autonome toulousain. Des voitures empruntent la voie réservée à ce dernier, ne voyant pas l'interdiction de circuler. Cette même voie est parfois entrecoupée de sorties de véhicules, notamment au niveau de l'hôtel situé à proximité de l'Oncopole de Toulouse. Des engins de travaux sont à proximité de la chaussée et les capteurs de la navette pourraient les détecter, avec la conséquence de la faire ralentir par précaution. Sans parler des nombreux piétons qui empruntent ce passage bitumé, soit pour se rendre à leur travail dans un site qui emploie des milliers de personnes, pour une consultation ou bien pour rendre visite à un proche hospitalisé sur place.

"C'est l'opportunité pour nous de valider les pas de géant que nous avons fait sur la partie logicielle. Nous sommes vraiment sur la fin de la validation de notre système. Il faut être conscient que faire rouler un véhicule autonome tout seul, c'est facile et ce n'est que 10% du travail. La grosse partie du boulot reste avant tout sa fiabilité", assure Benoit Perrin.

EasyMile Benoit Perrin

Benoit Perrin, en tant que COO d'EasyMile, veille au bon déroulé de cette troisième expérimentation à Toulouse (Crédits : Rémi Benoit).

À peine le temps d'analyser la situation dans laquelle va devoir s'engager le véhicule autonome d'EasyMile que celui-ci arrive à sa station de départ, spécialement aménagée, à proximité immédiate du parking. Il est 15h30, sous un temps ensoleillé, la navette commence son service de l'après-midi. "Elle circule de 7h30 à 10h30 le matin, et de 15H30 à 18h30, du lundi au vendredi", précise Simeao Guedes, l'opérateur à bord qui veille au bon fonctionnement de la machine et qui fait de la pédagogie auprès des utilisateurs ou des passants intrigués par cet engin sans volant et au design affiné. Preuve de son succès, ou de la curiosité qu'elle suscite, ils sont en moyenne 350 passants à l'emprunter chaque semaine. "J'ai déjà mon petit groupe d'habitués, ce sont aussi bien des salariés que des patients", se réjouit l'opérateur employé par Transdev, partenaire d'EasyMile dans son développement.

Un feu intelligent

Une fois à l'intérieur, tout a l'aspect d'un bus moderne. La navette, qui propose une capacité de 12 personnes dont six assises, dispose également d'une rampe PMR électrique intégrée. Une fois installés, ses passagers peuvent recharger leurs téléphones portables à l'aide des nombreux ports USB dont est équipée la navette EasyMile. Cette dernière dispose même d'un écran numérique en hauteur qui indique le parcours et sa progression sur celui-ci en direct.

EasyMile

La climatisation est également présente dans la navette (Crédits : Rémi Benoit).

L'état des lieux établit, la navette démarre, avec déjà un premier obstacle, à savoir le feu rouge. Point sur lequel rien n'a été laissé au hasard. "Nous exploitons dans cette expérimentation un feu intelligent développé par Alstom (ce dernier est un actionnaire important d'EasyMile depuis plusieurs années, ndlr). Ce feu est équipé d'un boitier particulier, qui permet de transmettre une information fiabilisée à un autre boitier installé dans la navette", développe Benoit Perrin. Quand le feu capte la présence de la navette à proximité, les autres passent au rouge et le véhicule autonome démarre quand le voyant "bus" passe au vert. Après avoir fait le tour du rond-point, il entre dans cette fameuse longue ligne droite qui mène quasiment à l'entrée de l'Oncopole. À l'approche d'un piéton, ou d'un groupe d'individus, aussi bien dans son sens de marche que dans le sens contraire, le véhicule ralentit sans action humaine.

EasyMile

L'expérimentation d'EasyMile est aussi l'occasion pour son partenaire Alstom de tester un feu connecté développé pour la mobilité autonome (Crédits : Rémi Benoit).

"L'une des dernières grandes nouveautés de notre navette repose sur le capteur 3D situé à l'avant du véhicule. C'est un capteur qui superpose pas moins de 48 couches laser qui permet d'analyser l'environnement de la navette autonome sur 180 degrés, et ce sur une distance de 150 mètres", explique Benoit Perrin qui ne manque pas de souligner la présence d'autres capteurs sur d'autres parties de la navette.

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Dans sa nouvelle version, la navette toulousaine est équipée d'un capteur 3D à l'avant (Crédits : Rémi Benoit).

Quelques dizaines de mètres plus loin, au milieu de notre trajet, un rouleau compacteur est malheureusement trop proche de la chaussée et provoque le ralentissement puis l'arrêt de la navette EasyMile, par sécurité. Tout rentre dans l'ordre après que l'engin, dédié au chantier préparant un nouvel arrêt d'une ligne de bus, ait été déplacé. Sur le retour, et après une manoeuvre en marche arrière au niveau de l'entrée de l'établissement de santé, aucun incident n'est à déplorer.

Une expérimentation en plusieurs étapes, avant une adoption définitive ?

De retour au parking, nous ferons notre deuxième tour de navette autonome cette fois-ci en compagnie d'un autre passager. Un peu hésitant, ce monsieur à l'apparence âgée se laisse tout de même prendre au jeu de cette expérimentation gratuite après un peu de pédagogie de la part de l'opérateur Simeao Guedes.

"Dans cette configuration, je n'ai pas une grande crainte à essayer ce type de véhicule. Cela sera peut-être différent quand il sera testé sur la route ou l'autoroute", commente-t-il tout en préférant garder l'anonymat.

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EasyMile

Ce service de navette autonome sera-t-il pérennisé à Toulouse ? (Crédits : Rémi Benoit).

Dans le cadre de cette expérimentation, la vitesse de la navette est quoi qu'il en soit limitée à 30 km/h, ce qui rassure certains usagers. "Nous voulons dans un premier temps, développer et offrir un service fiable sans dépasser cette vitesse. Nous verrons dans trois à quatre ans si nous allons plus haut", rétorque le COO d'EasyMile quand nous l'interrogeons sur la possibilité de circuler à 50 km/h. Par ailleurs, nous remarquons sur le trajet retour la présence à l'intérieur de la navette d'une enceinte et d'une caméra. "C'est pour l'échéance à terme quand l'opérateur ne sera plus à bord du véhicule", explique Simeao Guedes, le chauffeur de bus qui a suivi une formation pour devenir opérateur de navettes autonomes.

Si pour le moment, un opérateur est à bord pour faire le trajet entre l'entrée et le parking, cela ne sera plus le cas à partir de l'été prochain. Néanmoins, l'opérateur pourra à distance interagir avec les passagers et prendre les commandes à distance en cas de nécessité. Puis, dès le début de l'année 2022, la navette effectuera le même trajet sur l'aller, au contraire du retour où elle empruntera l'avenue Joliot-Curie pour se mêler au trafic, avec un opérateur à bord. L'été 2022 devrait enfin marquer la consécration pour les adeptes de cette technologie du véhicule autonome à Toulouse, période à laquelle il est prévu que la navette EasyMile circule sur la route sans opérateur à bord. Avant une adoption définitive, en remplacement des navettes thermiques qui assurent actuellement ce service du dernier kilomètre ? "Les discussions sur ce sujet sont entamées avec Toulouse Métropole, mais celle-ci ne s'est engagée sur rien", confie Benoit Perrin. La collectivité doit mener son audit durant les deux ans d'expérimentation pour juger de l'intérêt du service et de la technologie, avant de prendre une décision.

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Commentaire 1
à écrit le 14/04/2021 à 12:29
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Jusqu’à quel point les humains peuvent faire confiance aux machines ? Par ailleurs ce concept , rend inutile l’embauche d’un chauffeur , la généralisation de ce concept met en danger cette profession.

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