Genoskin vend des échantillons de peau humaine vivante sur Internet

La société toulousaine Genoskin lance la commercialisation en ligne d'échantillons de peau humaine encore vivante, issus des opérations de chirurgie esthétique. Ces kits sont utilisés à des fins de recherche pour l'industrie cosmétique et pharmaceutique comme alternative à l'expérimentation animale. En forte croissance, la startup va recruter une dizaine de personnes à Toulouse et dans son unité de production à Boston.
Genoskin a mis au point une technologie pour transporter des échantillons de peau vivante.
Genoskin a mis au point une technologie pour transporter des échantillons de peau vivante. (Crédits : Genoskin)

Donner une seconde vie à la peau humaine pour faire avancer la recherche, c'est l'ambition affichée par Genoskin. Cette société toulousaine a été fondée en 2011 par Pascal Descargues, auparavant chercheur dans le domaine des maladies génétiques de la peau.

Ayant beaucoup travaillé sur des animaux pour ses expérimentations, il a imaginé un gel spécial dans lequel la peau humaine peut être maintenue en vie pendant sept jours et ainsi subir des tests d'efficience de médicaments ou de toxicologie pour les cosmétiques. Genoskin récupère des restes de peau issus d'opérations de chirurgie plastique auprès d'une vingtaine d'hôpitaux et de cliniques en France. Elle les transforme en kits prêts à l'emploi depuis ses locaux au sein du Centre Pierre Potier, à l'Oncopole de Toulouse. La jeune société dispose également depuis mai 2018 d'une unité de production aux Etats-Unis, dans la banlieue de Boston.

Après avoir séduit déjà de grands noms de l'industrie cosmétique (L'Oréal, Estée Lauder, Yves Rocher, le géant japonais Shisheido) et pharmaceutique (Colgate, Unilever), Genoskin veut passer à la vitesse supérieure.

Une industrialisation de la fabrique des échantillons de peau

Elle commercialise depuis le 1er septembre sur Internet des échantillons de peau humaine vivante. Les kits ont été standardisés pour proposer un prix compétitif. Alors que la société vendait auparavant chaque échantillon pour plusieurs milliers d'euros, les deux modèles, de 8 et 11 mm de diamètre, affichent un tarif de 99 euros pièce.

"Avant les kits étaient customisés sur-mesure après des échanges avec notre équipe technique et commerciale. Nous voulons désormais proposer à nos clients de commander directement en ligne. En optimisant les processus industriels, nous avons pu diminuer les coûts de production et livrer un échantillon standardisé. Pour viser une production de masse, nous avons investi dans la robotisation. L'automatisation des ordres de commande nous fait gagner un temps considérable.

Nous avons aussi automatisé la fabrication des kits avec la découpe à l'emporte-pièce des petits ronds de peau. Désormais, il nous faut seulement deux à trois heures pour partir de l'échantillon de peau au kit prêt à être expédié par le transporteur", détaille Pascal Descargues.

L'objectif de Genoskin est de passer de près de 4 000 kits par an à une production dix fois plus importante d'ici deux ans. "Notre offre suscite beaucoup d'intérêt chez nos clients mais nous ciblons aussi de nouveaux utilisateurs comme les chercheurs académiques, des petites sociétés qui ont besoin de tester leurs hypothèses sur des échantillons de peau humaine", indique le dirigeant.

L'expérimentation animale de plus en plus décriée

Depuis 2013, l'Union européenne interdit la vente de produits cosmétiques testés sur les animaux. L'Inde a suivi en 2014 et plusieurs États aux USA comme la Californie ont engagé des mesures similaires.

"De plus en plus de personnes demandent l'arrêt de l'expérimentation animale pour des raisons éthiques. Cela participe à mettre en avant des sociétés comme Genoskin. Mais notre essor est surtout lié à des raisons scientifiques. L'expérimentation animale a été massivement utilisée après la Seconde guerre mondiale à la suite des excès des Nazis sur des cobayes humains. Mais la peau d'un chien n'a rien à voir avec les tissus humains. Le métabolisme et l'immunité sont différents. Tester chez l'animal, c'est risquer de passer à côté d'effets indésirables présents chez l'homme, ou inversement, de trouver des conséquences sur l'animal qui n'existeraient pas chez l'homme", relève le fondateur de la société.

Avant d'ajouter :

"Avec notre technologie, les industriels cosmétiques peuvent même se passer des essais cliniques car ils testent plus de choses ex-vivo que sur des volontaires. Il n'est pas possible de couper la peau ou de regarder les marqueurs biologiques sur des participants d'une étude clinique".

La société mise en particulier sur les Etats-Unis, qui représentent déjà 60% de son chiffre d'affaires, pour changer d'échelle. "Aux USA, 90% des développements de médicaments échouent à passer le stade de l'étude clinique alors qu'ils ont été testés auparavant chez l'animal. La pression est énorme sur les industriels", fait remarquer Pascal Descargues.

Le fondateur de Genoskin estime que sa technologie est "unique au monde" étant donné que les autres alternatives à l'expérimentation animale n'offrent pas des résultats aussi probants.

"La première technologie concurrente sont les tissus bioimprimés, à l'image de ce que produit la société bordelaise Poetis. Des millions sont investis pour essayer de reproduire ce que fait la nature sans jamais y arriver. Ce sont des cellules humaines qui sont assemblées en 3D mais cela ne fait pas un vrai tissu humain. La deuxième concurrence vient des biobanques privées ou publiques qui ont accès à des échantillons de peau humaine mais souvent la peau est congelée ce qui tue les cellules. L'usage est extrêmement limité", estime le dirigeant de Genoskin.

Après avoir enregistré une croissance de 520% en 2019 avec un chiffre d'affaires à deux millions d'euros, Genoskin veut "changer d'échelle". La société qui compte actuellement 30 personnes (dont 7 aux Etats-Unis) prévoit de recruter une dizaine de personnes dans les six mois à venir : un directeur financier, un CTO et un directeur scientifique à Toulouse et des renforts marketing et des techniciens de production à Boston.

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Commentaire 1
à écrit le 03/09/2020 à 9:56
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Où la formation de nos futurs dirigeants politiques ! :-) Au moins ils se tairont.

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