La solution de Rand Hindi pour ne pas devenir esclave des objets connectés

Submergé par les notifications, l'utilisateur d'objets connectés risque de devenir esclave de ses machines. La solution, Rand Hindi pense l'avoir trouvée. Pour le cofondateur de Snips, une startup spécialisée dans l'intelligence artificielle pour les objets connectés, le salut passe par la mise au point d'une IA capable d'anticiper les besoins et de simplifier les usages des utilisateurs. Mardi 15 décembre, lors de l'événement Emtech France, à Toulouse, il expliquait son rêve à La Tribune Toulouse. Entretien.
Rand Hindi, lors de sa présentation à Emtech France.

Quel est votre constat sur la technologie actuelle des objets connectés ?

En travaillant sur l'intelligence artificielle et les objets connectés, j'ai réalisé que dès que nous recevons une notification, nous arrêtons ce que nous sommes en train de faire pour donner de l'attention à ces objets. Pour réduire ces notifications, il faut apprendre à régler ces objets et faire tout un tas de manipulations qui sont finalement extrêmement compliquées et différentes d'un outil à l'autre.

Nous sommes constamment en train d'interagir avec la technologie pour pouvoir lui faire faire quelque chose. C'est-à-dire que le temps que nous passons à faire faire quelque chose à notre téléphone est supérieur au temps passé à faire quelque chose concrètement.

Cette interaction entre les hommes et les objets connectés va empirer exponentiellement au fur et à mesure qu'il y aura plus d'objets connectés. Dans 10 ans, avec 100 milliards d'objets connectés, avec la manière dont nous les utilisons aujourd'hui, cela ne marchera pas. Nous deviendrons des esclaves de la technologie. Nos objets nous dicteront comment nous comporter. Nous serons relégués au rang de presse bouton.

N'est-ce pas exagéré ?

Prenons par exemple une réservation sur Airbnb. À l'arrivée à l'aéroport, on ouvre sa boite mail. On cherche le message d'Airbnb. On sélectionne l'adresse - ce qui n'est pas facile sur un téléphone. On la copie ensuite dans une appli de transport en espérant qu'elle fonctionne à l'endroit où l'on se trouve. Résultat, on est constamment en train de faire des va-et-vient entre les applis.

Si on a déjà ce problème avec une appli et un objet, imaginons ce qui se passera avec les 100 prochains qui arriveront. C'est comme si en arrivant dans une pièce, chaque lampe demandait la permission d'être allumée une à une.

Quelle solution proposez-vous ?

Toutes ces étapes pourraient se réduire en une seule, si le téléphone anticipait le besoin. Il faut créer une intelligence artificielle capable de s'occuper de ces étapes et d'anticiper nos besoins.

Est-ce faisable aujourd'hui ?

Trois choses rendent la solution difficile : il y a un problème d'accès à la donnée, d'intelligence dans l'analyse de cette donnée et de synchronisation des objets.
Créer cette intelligence artificielle est compliqué. Pour capter le contexte de l'utilisateur, il faut avoir accès à un grand nombre de données ambiantes, sur lui, sur ce qu'il compte faire, sur les gens avec qui il est. Tout cela doit être pris en compte pour permettre à l'IA de décider.

De plus, les objets (ordinateur et téléphone) doivent communiquer entre eux pour savoir sur quel objet envoyer la notification. Pas la peine en effet d'en envoyer une à tous. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Par dessus tout cela s'ajoute le problème de la gestion de la vie privée. Car nous sommes en train de parler d'une IA qui s'occuperait de toute la vie des utilisateurs. On ne peut pas dire simplement à un utilisateur "ne vous inquiétez pas, faites nous confiance, tout va bien se passer".

Pourquoi cette question de confidentialité est-elle importante dans la mise en place d'une IA telle que vous la décrivez ?

Je suis choqué par les mouvements de surveillance massive, même si l'on peut les justifier par les risques de terrorisme. Dans l'histoire, avant la seconde guerre mondiale, le gouvernement récoltait des informations sur la population lors du recensement : statistique d'ethnicité, de religion etc.. Quand le régime de Vichy s'est installé, la première chose qui a été faite, c'est de récupérer ces données pour cibler les juifs et les roms. Un abus de récolte de vie privé a facilité indirectement le meurtre de centaines de milliers de personnes.

Le problème n'est donc pas ce que l'on fait aujourd'hui, mais ce qui sera peut-être fait plus tard avec ces informations. Centraliser les données dans un serveur, c'est poser un risque existentiel sur la vie de l'utilisateur. Si une personne malveillante y accède, si elle veut nuire, elle a à sa disposition tous les e-mails et les données de localisation. Elle peut mettre le vie de l'utilisateur en l'air. Cela est inacceptable.

Comment faire pour que cela n'arrive pas ?

La seule façon, c'est faire en sorte que la donnée ne soit pas accessible. Elle ne doit pas exister sous une forme non chiffrée sur des serveurs.

La première chose, c'est de faire les calculs sur le téléphone et ainsi de ne pas les centraliser sur un serveur. On garantit la confidentialité par de la localité. Ensuite, quand il faut faire transiter de la data, elle doit être chiffrée. Dernièrement, le chiffrement homomorphe permet de faire des calculs mathématique sur de la donnée chiffrée. On n'a donc jamais besoin d'envoyer la vraie donnée au serveur. Le téléphone est le seul à détenir la clef et il envoie des infos dans le serveur qui, lui, ne sait pas ce qu'il manipule.

En combinant intelligence artificielle embarquée et méthode de chiffrement, on peut recréer tous les services qui existent et garantir un maximum de vie privée. Elle ne le sera jamais à 100 %, car les opérateurs traquent les téléphones, mais nous, en tant que société, nous ne voulons surtout pas empirer la situation. Au contraire, nous voulons montrer que la seule raison pour laquelle une entreprise te demanderait tes informations en clair, c'est pour les revendre ou en abuser.

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