Coworking : cartographie du phénomène à Toulouse

La région Midi-Pyrénées a vu naître en l'espace de 4 ans une quarantaine d'espaces de coworking. Ces bureaux partagés, très prisés des travailleurs indépendants, multiplient les services pour créer du lien entre les utilisateurs. Où sont ces lieux ? Qu'est-ce qui les différencie les uns des autres et qui peut y aller ? Tour d'horizon de la "galaxie" du coworking à Toulouse, et même au-delà de la métropole.
L'espace Etincelle coworking a ouvert ses portes début 2015

À peine un an qu'Étincelle Coworking a vu le jour à Toulouse et son créateur annonce déjà l'implantation de deux nouveaux lieux de travail partagé dans la Ville rose. Niché à quelques pas de la place Wilson, l'appartement de 200 m2 accueille trois salles de réunion et une quarantaine de travailleurs indépendants aux profils très variés :

"La majorité travaille dans le numérique au sens large (développeurs, graphistes), mais nous accueillons aussi des traducteurs et même une muséographe...", détaille Sébastien Hordeaux, le fondateur du lieu.

Dès septembre, Étincelle Coworking ouvrira un nouveau lieu à Montauban et un cabinet partagé dédié aux professionnels du bien-être (sophrologue, diététicien...) à Toulouse. Le créateur du lieu planche par ailleurs sur l'ouverture d'un quatrième espace de coworking, à nouveau dans la Ville rose, mais cette fois sur le quai de la Daurade. Cet exemple illustre l'ampleur qu'a pris le mouvement de travail partagé dans la région.

Born in San Francisco

Nés en 2005 à San Francisco, les espaces de coworking se sont développés à partir de 2008 à Paris, et la France compte aujourd'hui plus de 200 lieux de travail partagé. Ces bureaux d'un nouveau genre représentent une alternative entre le travail à domicile et le travail en entreprise. Les travailleurs peuvent disposer d'un bureau pour une heure, une journée ou louer un poste de manière permanente pour une centaine d'euros par mois. Au-delà de l'usage du wifi, de la photocopieuse et du café à volonté, les espaces de coworking multiplient les événements pour faciliter la rencontre et la naissance de réseaux professionnels entre les travailleurs indépendants et les salariés en télétravail.

Une multiplication de lieux

"En Midi-Pyrénées, nous avons recensé près d'une quarantaine d'espaces de coworking, explique Annie Fachetti, membre de la commission télétravail au sein de La Cantine, qui a établi une cartographie du télétravail dans la région.

Ces tiers-lieux ont des modèles économiques très différents : initiatives privées, partenariats public/privé ou totalement publics. Aujourd'hui, les portages publics représentent les 2/3 de l'offre tandis qu'un tiers des espaces de coworking relèvent de portages privés. Les cibles sont elles aussi très diverses : indépendants, startups ou métiers spécialisés."

Figure de proue du mouvement, La Cantine de Toulouse a été lancée en 2011 dans le quartier Saint-Aubin. Tourné vers les indépendants du secteur numérique, ce lieu fait partie du réseau national des Cantines. L'espace est financé par l'association La Mêlée et Toulouse Métropole. Il accueille une vingtaine de postes de travail et 150 événements chaque année sur des thèmes aussi divers que le cloud, les réseaux sociaux, les green tech... À l'automne, La Cantine déménagera au Quai des Savoirs, le nouveau lieu dédié à La French Tech toulousaine.

la cantine toulouse

             La Cantine de Toulouse va déménager à l'automne au Quai des Savoirs.

Autre quartier, autre ambiance. Il y a plus de trois ans, des anciens de la Cantine ont lancé place de la Daurade l'espace Tau, un lieu autogéré par les 16 permanents qui s'occupent de tout, de la gestion à l'entretien des locaux, et où les nouveaux doivent être acceptés après un vote du bureau de l'association.

De l'autre côté de la Garonne, la Serre a pris ses marques en 2013 dans le quartier de Saint-Cyprien.

"La particularité du lieu est de s'adresser à des acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS). Parmi les permanents figurent La Ruche Qui Dit Oui (vente directe de produits locaux), le magazine Friture Mag ou Enercoop", détaille Agnès Gaigneux, une des responsables du lieu.

La Serre se distingue également des autres espaces toulousains par son mode de gouvernance : "Nous sommes une société coopérative et tous les coworkers sont également sociétaires de la Serre", glisse Agnès Gaigneux. Actuellement, le tiers-lieu met à disposition 26 postes de travail (dont 12 pour les coworkers de passage ponctuellement). Outre les nombreuses conférences, l'espace organise des ventes et accueille un showroom de produits artisanaux. Désormais, La Serre planche sur un projet colossal : l'aménagement d'une halle de 3 000 m2 en partenariat avec le Fablab de Toulouse.

De plus petits espaces toulousains ont également essaimé à l'image de La Clé de 10 (numérique), Popup (métiers de la communication et du web), La Coquille (cabinet partagé pour les professionnels du bien-être) ou encore Ethymôn (pour les porteurs de projet dans l'économie sociale et solidaire).

Les startups s'y mettent aussi. Ainsi, début juillet, cinq entrepreneurs toulousains ont inauguré At Home, un appartement de 250 m2 en plein centre-ville et dédié aux jeunes pousses en pleine croissance, à l'image de Yestudent ou des Ateliers Tersi. Cette colocation permet aux jeunes entrepreneurs d'obtenir des locaux à moindre coût, après une première expérience en incubateur.

"Les tiers-lieux connaissent un développement exponentiel mais tous ne survivront pas. À Toulouse, plusieurs espaces ont déjà fermé leurs portes quelques mois après leur création (à l'image de l'Espace de coworking toulousain qui avait été inauguré en novembre dernier à Basso Cambo, NDLR), remarque Annie Fachetti. Il est difficile d'établir un modèle économique viable car il n'existe pas de recette qui marche à tous les coups. L'emplacement est un facteur mais ce qui fait le succès d'un espace de coworking, c'est surtout sa capacité à créer une communauté autour du lieu."

Coworking des villes, coworking des champs

Au-delà de la métropole toulousaine, les lieux partagés se déploient également à grand vitesse dans les départements ruraux de la région Midi-Pyrénées à l'image du Crescendo à Tarbes (Hautes-Pyrénées), le Soho Solo à Auch (Gers) ou encore la Capitainerie à Montauban (Tarn-et-Garonne).

À la différence de Toulouse, ces tiers-lieux ne sont pas toujours implantés au cœur des villes, ils sont surtout accueillis à proximité d'hôtels ou de pépinières d'entreprises.

"L'intérêt, c'est que des liens se nouent entre les sociétés implantées de manière fixe et les entrepreneurs de passage dans la ville", avance Lilian Fourcadier, de la CCI du Tarn.

La chambre économique tarnaise a lancé "Cowork'in Tarn", un réseau qui regroupe 7 tiers-lieux des quatre coins du département et qui propose un pass avec un tarif unique pour les membres du réseau, quel que soit le lieu. "ll n'y a pas de concurrence entre les espaces de coworking. L'idée, au contraire, est de renforcer un maillage économique du territoire", poursuit Lilian Fourcadier.

C'est sur ce créneau que s'est lancé également le réseau privé Relais d'entreprises. Son fondateur Dominique Valentin a lancé un premier espace de coworking à Rieux-Volvestre, une commune "dortoir" à 40 km au sud de Toulouse. Son ambition : "rapprocher le travail de l'habitat et rééquilibrer les territoires". Pour lui, le coworking s'adresse à des publics et des usages très différents entre la ville et la campagne :

"En milieu urbain, les tiers-lieux vont accueillir surtout des indépendants du numérique qui cherchent à rejoindre une communauté. En milieu rural ou périurbain, cette offre intéresse plutôt les salariés de la métropole toulousaine qui souhaitent travailler à distance pour éviter les bouchons de la rocade et gagner en qualité de vie."

Le réseau de Dominique Valentin compte déjà 5 tiers-lieux en France (dont un à Montauban) et une quinzaine d'ouvertures sont prévues d'ici à la fin de l'année dans des communes proches d'une métropole.

À La Cantine Toulouse, une mission a été lancée début 2015 pour établir une cartographie du coworking au niveau régional. En 2013, La Cantine avait mis en place un pass commun avec La Serre pour permettre l'accès aux deux lieux. Désormais, le projet est de créer un pass à l'échelle de Midi-Pyrénées, voire de la future grande région.

"Nous voulons proposer une offre globale qui permettrait de réserver un poste de travail dans n'importe quel tiers-lieu de la région, avance Annie Fachetti. L'autre objectif est de donner une offre plus lisible de l'ensemble des lieux existants pour développer le télétravail chez les salariés des grandes entreprises. Par ailleurs, si Airbus veut lancer une expérimentation sur le travail à distance, il doit pouvoir facilement trouver des espaces de coworking dans chaque département. À l'heure de la fusion des régions, les collectivités locales sont également très intéressées par la mise en place d'un tel système."

Le gouvernement a annoncé de son côté, en mars dernier, un plan national pour encourager le déploiement du télétravail en zone rurale avec le projet d'un cadre juridique et d'un code de bonnes pratiques.

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