Incendies : un drone testé par les pompiers de l'Aude pour détecter les feux de forêt

Tout l'été, un drone sillonne le massif de Lézignan-Corbières pour détecter des départs ou des reprises de feux de forêt. Équipé de caméras et d'un système d'intelligence artificielle mis au point par la startup toulousaine Menaps, le drone est capable de scruter 700 hectares en 30 secondes.
66.000 hectares sont partis en fumée en France au cours de l'été 2022.
66.000 hectares sont partis en fumée en France au cours de l'été 2022. (Crédits : Service communication-protocole SDIS 33)

« Un pompier de l'Aude m'a confié que cette année, pour la première fois, il a peur de perdre quelqu'un sur le terrain. Nous n'avons jamais autant connu de feux dans le monde que sur les trois dernières années. C'est incroyable ce qui se passe malheureusement. Les pompiers remarquent également que leurs modèles de propagation des incendies sont bouleversés par le changement climatique. Les feux deviennent beaucoup plus imprévisibles », relève Hamdi Chaker, PDG de Menaps.

Alors que 66.000 hectares sont partis en fumée en France au cours de l'été 2022, cette société toulousaine va tester pour la première fois avec les pompiers de l'Aude l'emploi d'un drone pour détecter des départs ou des reprises de feux de forêt. L'expérimentation a démarré le 24 juillet dernier et devrait s'étendre jusqu'au 10 septembre prochain au-dessus du massif de Lézignan-Corbières, une zone où se déclarent régulièrement des incendies durant la saison estivale.

Lire aussiDans le Gard, Emmanuel Macron prépare l'été après les grands incendies de l'an dernier

Scanner 700 hectares en 30 secondes

Totalement autonome, le drone va décoller tout seul de sa base pour sillonner en permanence le massif, positionné entre 50 et 120 mètres d'altitude. Équipé de trois caméras (une thermique et deux optiques), il peut livrer des images avec une portée maximale de deux kilomètres et est en mesure de scanner 700 hectares de terrain en 30 secondes. Les données seront analysées par les modèles d'intelligence artificielle mis au point par Menaps.

Cette startup a été fondée à Toulouse en 2019 par Hamdi Chaker. Docteur en informatique, il a eu l'idée de créer une application pour les pompiers lors d'une participation à un rapport national portant sur l'utilisation de l'intelligence artificielle pour les pompiers à l'horizon 2030.

« Des drones téléguidés par les pompiers sont déjà utilisés pour filmer des incendies et évaluer la direction et la propagation du feu en temps réel mais jamais pour détecter très tôt les départs ou les reprises de feux. Or, cela prend beaucoup d'énergie aux pompiers de guetter pendant des jours une reprise d'incendie. D'autant que les feux de forêt surviennent dans des zones difficilement accessibles. Les pompiers, qui sont en sous-effectifs, me disaient qu'un drone autonome pourrait avoir un impact positif sur leur métier», se remémore Hamdi Chaker.

Un taux de détection de 95%

Menaps s'est fixé pour objectif de développer un drone capable de détecter en moins de cinq minutes un départ de feu. L'objectif étant que l'incendie soit circoncis à moins d'un hectare et éviter une propagation exponentielle. Le drone dispose d'un itinéraire défini au préalable par les pompiers. En cas d'incendie détecté, il envoie les coordonnées GPS aux équipes de secours par exemple via une alerte mail. Les pompiers peuvent alors se connecter à la plateforme mise au point par Menaps pour prendre la main sur le drone et par exemple le faire descendre pour confirmer la présence d'un feu et écarter tout risque de faux positif. Le drone vole avec une autonomie de 30 minutes avant de retourner se recharger sur sa base et recommencer le même schéma pour livrer une surveillance 7j/7.

Lire aussiFace aux incendies, un projet de Canadair européen émerge à Bordeaux

De premiers tests ont été menés depuis le début d'année avec les pompiers de l'Aude lors de phases d'entraînement aux incendies. De quoi permettre à Menaps d'entraîner ses modèles et d'engranger le maximum de données.

« Nous avons atteint un taux de détection de 95% des feux de forêt. En mars dernier, lors d'un exercice des pompiers à proximité de Carcassonne, nos drones étaient en train de cartographier la zone et nos engins ont lancé une alerte après avoir détecté un incident à plus de deux kilomètres. À l'oeil nu sur l'image, on ne voyait rien mais en zoomant avec la caméra du drone, les pompiers ont pu détecter un feu de camp qui avait été initié par des promeneurs en toute illégalité. Pour nous, c'était la preuve de l'efficacité de notre dispositif », lance le PDG de Menaps.

Bientôt un drone made in France ?

La startup finance sur fonds propres cette expérimentation et s'est équipée d'un drone DJI, le leader chinois du marché. Mais Menaps planche sur la constitution d'un consortium pour adapter son système sur une solution française. « Les drones chinois sont aujourd'hui imbattables sur les prix mais il existe tout de même un risque de fuite de données qui sont en l'occurrence sensibles. Aujourd'hui, nous voudrions créer un consortium avec des sociétés françaises pour pouvoir avoir le drone qui permet de faire cette mission », indique Hamdi Chaker. Menaps est en contact avec des fabricants toulousains de drones et a noué un partenariat avec la startup normande Conscience Robotics qui développe des solutions d'IA et de robotique.

Menaps a aussi candidaté à l'appel à projets lancé par l'État sur les nouvelles solutions aéronautiques pour lutter contre les feux de forêt mais insiste sur « la nécessité de rapidement accélérer sur ce sujet pour éviter qu'une solution étrangère ne s'impose ».

Lire aussiComment Nîmes se prépare à devenir la capitale européenne de la sécurité civile

La startup aimerait recevoir le soutien d'investisseurs pour développer sa solution qui pourrait trouver une utilisation bien au-delà des feux de forêt. « Si l'on peut détecter un feu, on peut aussi repérer des navires, des personnes... Les cas d'usages sont multiples », pointe Hamdi Chaker. Menaps qui compte aujourd'hui 200 collaborateurs dans le monde dont 50 en France entre Paris et Toulouse et le restant étant réparti entre la Tunisie, le Maroc, l'Inde et le Portugal. La startup livre en parallèle des solutions pour la voiture connectée pour Toyota, Renault et Stellantis.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 06/08/2023 à 2:36
Signaler
C est une tres bonne idee d utiliser des drones pour les feux de foret en France et en Europe .La France possede des drones militaires au Sahel ils seraient plus utiles de cooperer avec la Protection Civile pour enrayer les feux que dr traquer les s...

à écrit le 05/08/2023 à 10:09
Signaler
Ce qui serait encore mieux, c'est d'avoir un drone pour détecter les pyromanes. Et les incendiaires que l'on paie pour ça : il a bon dos, le réchauffement planétaire.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.