Patrons toulousains, et si vous installiez votre PME... en Espagne ?

Profiter d'un immobilier peu cher, d'un coût du travail moins élevé et d'une image "made in France" : les avantages à s’installer en Espagne sont nombreux pour les PME françaises. Responsable du pôle "nouvelles technologies" de Business France à Barcelone, Romain Belvèze veut inciter les entreprises toulousaines à franchir les Pyrénées pour profiter de ce marché en sortie de crise.

Au cours des dix dernières années, les exportations françaises en Espagne ont chuté de 40 à 29 milliards d'euros. La faute à une crise économique qui dure depuis 2008 dans la péninsule ibérique. Depuis lors, l'économie espagnole est à la peine. "Les vannes du financement se sont fermées, analyse Romain Belvèze, le responsable du pôle nouvelles technologies, innovation et services de Business France (ex-UbiFrance) à Barcelone. Les banques n'ont pas financé l'économie." Résultat : 25 % de chômage et une dette publique de 1 000 milliards d'euros, à près de 100 % du PIB, fin 2014.

Pas de quoi, à première vue, faire rêver les entrepreneurs français. Marché de 45 millions d'habitants caché derrière la chaîne des Pyrénées, l'Espagne compte tout de même "4 000 entreprises dont 10 % ou plus du capital est détenu par des investisseurs français", selon le ministère français des Affaires étrangères, ce qui place la France au 3e rang des investisseurs derrière le Royaume-Uni et les États-Unis.

Pour augmenter ce chiffre, Romain Belvèze était à Ekito (accélérateur de startups basé à Toulouse) mardi 2 juin pour vanter devant une dizaine d'entrepreneurs, l'intérêt d'un marché dont la France est restée le 2e fournisseur après l'Allemagne. "En cumulant les exportations en Espagne et au Portugal, on atteint les 32 milliards d'euros d'exportations, un montant équivalent aux exportations vers les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine)", précise-t-il.

"Le pays est en sortie de crise, affirme Romain Belvèze. Les perspectives de croissance sont de 3 % en 2016 et les investissements reprennent : 3 milliards d'euros sont prévus dans le cadre du programme européen Horizon 2020."

Dans ce contexte, l'Espagne est un marché à ne pas négliger pour une entreprise française qui songe à l'export. "On dit souvent que l'Espagne est la priorité numéro 2 après l'Allemagne ou le Royaume-Uni, alors que c'est un marché plus simple à pénétrer, remarque Romain Belvèze. Les tendances y sont les mêmes qu'en France."

Les bons conseils

Du fait de sa proximité, le marché espagnol donne en effet aux sociétés françaises l'opportunité de se roder avant d'attaquer des marchés plus complexes.

"Pour aborder le marché, il faut connaître les donneurs d'ordres, conseille Romain Belvèze. Par exemple, les secteurs de l'éducation et de la santé sont une compétence régionale. Pour la Ville intelligente et les startups, il faut se tourner vers les municipalités comme Barcelone, qui investissent beaucoup."

Crise économique oblige, l'offre la mieux-disante est souvent retenue par les collectivités pour des raisons budgétaires évidentes. De ce fait, les délais de paiements sont en général plus longs qu'en France, notamment en Andalousie, qui a été sévèrement touchée par la crise. "Il faut avoir les reins solides car on sera payé, mais avec du retard", prévient Romain Belvèze, qui ajoute : "L'aspect chauvin est important, ajoute le consultant de Business France. À jeu égal, le choix ira toujours vers une entreprise espagnole ou catalane. Il faut, en priorité, se différencier."

Trouver des partenaires locaux est important, surtout en Catalogne et au Pays basque, où maîtriser la langue est une nécessité. "Pour éviter les mauvaises surprises, mieux vaut bien s'entourer pour monter une entreprise là-bas, insiste Romain Belvèze. En Catalogne, les 60 000 Français qui y vivent peuvent être des clients et des relais potentiels. Il ne faut pas les oublier."

Des incitations financières nombreuses

Si le Crédit impôt recherche n'est pas au niveau de la France, "ce qui limite le niveau de la R&D", il ne faut pas négliger les nombreuses incitations financières prévues pour les entreprises.

"Il est possible d'avoir des aides pour acheter des locaux, embaucher des jeunes en CDI. Ce sont des rouages qu'il faut absolument utiliser, rappelle Romain Belvèze. À Barcelone, certains quartiers de friches industrielles sont transformés en pépinières. Le m2 y coûte entre 10 et 15 euros car il est très subventionné. On peut aussi s'y faire prêter des locaux gratuitement pendant six mois."

Autre avantage : le coût du travail est bien moins élevé qu'en France. Le salaire minimum est à 756 euros "mais il s'établit en pratique à 1 100 euros pour 40 heures par semaine".

Attention aux clichés

Dans le commerce international, il faut prendre en compte les différences culturelles. Entre la France et l'Espagne, les clichés sont nombreux. Du point de vue espagnol, on considère ainsi les hommes d'affaires français comme des partenaires rigoureux, organisés, ponctuels. "La qualité des produits, des services et du service après-vente français est reconnue, se satisfait Romain Belvèze. Nous avons un crédit. Pour l'Espagne, la France est une référence."

Attention tout de même à ne pas en abuser et à avoir "l'air supérieur et hautain ou à pratiquer des prix trop élevés car français". Dernier conseil avant de partir à la conquête de l'Espagne : éviter l'ironie. "Cet humour très français n'est pas bien compris. Il renforce notre côté hautain et peut fermer des portes." À bon entendeur.

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