Les banques toulousaines en souffrance

Entre l’arrivée de nouveaux acteurs dans le marché bancaire, la baisse du Produit net bancaire (PNB) et la digitalisation des services, le secteur des banques est en pleine mutation. Un phénomène national qui engendre des conséquences à l’échelle locale. Plusieurs enseignes ont annoncé ces derniers mois des fermetures d’agences dans Toulouse et sa région. Par ailleurs, les diverses directions tentent de rénover le fonctionnement de leur réseau.
Le nombre d'agences bancaires se réduit dans l'agglomération toulousaine.

Une véritable hémorragie touche de plein fouet les agences bancaires sur Toulouse et sa région. Ces derniers mois plusieurs enseignes bancaires ont annoncé la réduction du nombre de leurs agences dans l'agglomération toulousaine.

Ainsi, la Caisse d'Épargne Midi-Pyrénées a annoncé un plan d'actions comprenant une réduction de 7 % des effectifs (soit 120 salariés, nldr) et la fermeture de 35 agences sur les 208 que compte l'ancien périmètre régional, tout cela d'ici 2020. Le Crédit Agricole Toulouse a aussi annoncé en milieu d'année 2017 la réduction de son réseau d'agences de 110 à 93 d'ici deux ans, via des regroupements.

Les autres réseaux bancaires comme la Banque Courtois et la Banque Populaire n'ont pas communiqué officiellement sur une réorganisation pour l'agglomération toulousaine, mais effectuent ponctuellement des regroupements d'agences lorsque celles-ci sont proches d'un point de vue géographique. Enfin, la Société Générale veut supprimer 2135 postes au sein de son groupe d'ici 2020 en utilisant notamment les nouvelles ruptures conventionnelles collectives, processus issu de la réforme récente du Code du Travail. Ce choix pourrait entraîner la fermeture d'agences en Occitanie.

Une réduction des coûts inévitable

Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment un secteur qui attirait autrefois plus de candidats que de postes disponibles dans les agences bancaires ne séduit-il plus aujourd'hui ? Cette réorganisation du secteur bancaire trouve son origine dans plusieurs maux et notamment dans la baisse d'activité des agences.

"Le Produit net bancaire (PNB) qui représente l'activité d'une agence bancaire est en forte diminution dans plusieurs enseignes. Ce chiffre, généré surtout par divers placements financiers et crédits, est impacté directement par les taux bas actuellement pratiqués", explique Jacques Pechon, délégué syndical CFE-CGC au sein de la Caisse d'Épargne.

Cette chute des revenus bancaires pour les agences oblige les différents groupes à revoir leur mode de fonctionnement afin de réduire les coûts et trouver de nouvelles sources de revenus (la téléphonie, l'assurance, fournisseur d'électricité, etc., ndlr). Cette diversification des activités force les conseillers à se concentrer davantage sur le volet commercial plutôt que sur le côté bancaire.

À cela, il faut y ajouter une importante baisse de la fréquentation de la clientèle dans les agences physiques. Malgré l'absence de données chiffrées, toutes les banques sont unanimes à ce propos : les clients se rendent beaucoup moins dans leur établissement financier voire plus du tout.

"Aujourd'hui, tout se fait sur Internet, par téléphone ou par mail. Pour une question de réduction des coûts, les guichets ont été progressivement remplacés par des murs d'argent (machines automatisées pour effectuer diverses opérations). Le secteur bancaire a habitué le client à se débrouiller seul", estime Frédéric Guyonnet, président national du Syndicat national de la banque (SNB), premier syndicat dans le secteur bancaire.

Des conseillers trop généralistes

Surfant sur cette vague de la digitalisation et de l'émancipation du particulier pour ses opérations bancaires du quotidien, plusieurs acteurs ont émergé ces dernières années. Ainsi des banques en ligne, aussi appelées néo-banques, comme Orange Bank, Compte Nickel, C-Zam, ou Boursorama, ont grignoté des parts de marché aux acteurs traditionnels en promettant notamment des frais bancaires très faibles.

En adéquation avec cette tendance de la débrouillardise et du tout-numérique, le métier de conseiller clientèle est impacté au quotidien par cette profonde mutation enclenchée depuis quelques années. Désormais, un client en quête de réponses va chercher son information sur le web, plutôt que de se rendre en agence pour voir un conseiller.

"Grâce à la mine d'informations présente sur le web, les clients ne se rendent plus en agence pour obtenir des renseignements auprès des conseillers. Ces derniers sont trop généralistes et n'apportent rien de plus à la clientèle. Les consommateurs n'ont besoin d'eux que pour des étapes de leur vie bien précises comme un prêt ou une succession", regrette Frédéric Guyonnet.

"Parfois, les clients sont mêmes mieux informés que les conseillers", ajoute Jacques Pechon. Pour lui, cette situation repose sur le fait que le personnel n'est pas suffisamment formé. Par manque de temps ou de moyens ? "Le gros problème, c'est le turn-over dans les effectifs, la pression commerciale est tellement importante que la profession décourage les jeunes qui veulent intégrer le secteur", d'après Xavier Baudry, délégué CFE-CGC à la Banque Courtois et vice-président Occitanie du SNB.

Le pari de la spécialisation

Afin de se démarquer de la concurrence des banques en ligne et de retrouver un intérêt aux yeux de leurs clients, les conseillers se spécialisent, au risque de se concentrer sur un ficher client moins important.

"Ce virage a été emprunté il y a environ deux ans. La survie du métier de conseiller clientèle passe par la spécialisation des conseillers. Ainsi, de nombreux groupes bancaires ont lancé des processus de formation pour leur personnel, afin qu'il se concentre soit sur la clientèle professionnelle ou bien sur les grands comptes par exemple", explique Frédéric Guyonnet, à la tête du SNB en France.

"Tout le monde fait le même pari de la spécialisation. Mais qui se sortira par le haut de cette situation ? Nous avons du mal à savoir ce que sera la banque dans cinq à dix ans", nuance Xavier Baudry.

Pour ne pas arranger les choses, les banques vont devoir faire face à une nouvelle forme de concurrence. Une directive européenne récemment entrée en vigueur et actuellement en cours d'application en France, va permettre aux Français de retirer de l'argent en liquide chez leurs commerçants. Appelée "cashback", cette innovation déjà utilisée en Allemagne et en Espagne pourrait faire du tord aux 57 000 distributeurs automatiques de billets installés sur le territoire national.

"C'est la nouvelle concurrence pour les DAB et cette nouveauté pourrait causer une réduction importante de ce parc", conclut Jacques Pechon.

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