Incertitudes sur la LGV. Analyse de l'économiste toulousain Marc Ivaldi

Les Assises du ferroviaire continuent de provoquer des ondes de choc dans le secteur. Après les réactions des élus régionaux qui craignent la mise en cause de la LGV Paris-Toulouse, les salariés de la SNCF menacent d'une grève début 2012. À Toulouse, Marc Ivaldi, économiste à la Toulouse School of Economics (TSE), spécialiste des transports, a participé aux Assises. Interview.
Marc Ivaldi, économiste à TSE

Que faut-il retenir des Assises du ferroviaire ?
Les travaux des 4 commissions qui se sont déroulés de septembre à décembre ont permis d'échanger sur l'avenir du ferroviaire car de très nombreux dossiers sont urgents : la gouvernance, les investissements, le prix des billets, les statuts des personnels, le rôle des régions. L'un des points qui risque de faire le plus débat est celui de la gouvernance qui soulève des enjeux majeurs. La commission chargée de ce point a proposé deux options : soit les personnels chargés de la maintenance rejoindraient RFF, soit un holding serait créé et réunifierait RFF et SNCF. De mon point de vue, le holding est à peu près surement le meilleur modèle à long terme. C'est celui que les Allemands choisissent. Ce qui est sûr, c'est que le statu quo de 1997 (date de séparation de la SNCF et de RFF) n'est plus possible.

Les Assises préconisent une accélération de l'ouverture à la concurrence ?

Ce qui est ressorti de la commission présidée par Gilles Savary, député européen PS et spécialiste des questions de transport, c'est qu'il faut accélérer la concurrence dans le transport régional. Les régions, autorité organisatrice du transport ferroviaire signeraient des contrats de régie ou de délégation de service public avec la SNCF, Veolia, Renfe ou Deutsche Bahn. L'idée, ce serait d'aller très vite. C'est aussi en discussion pour les TET (trains d'équilibre du territoire). Un haut fonctionnaire, Olivier Dutheillet de Lamothe, va faire des propositions pour un cadre social harmonisé qui accompagnerait cette ouverture à la concurrence.

Vous avez participé à la commission « l'économie du ferroviaire » présidée par Nicolas Baverez. Quelles mesures ont été proposées ?
Nous avons d'abord constaté que la situation économique de l'ensemble du système ferroviaire français est très critique. Chaque année le ferroviaire a besoin de s'endetter d'1,5 milliard d'euros. Pour l'instant la France s'est débrouillée pour que cela n'entre pas dans la dette de Maastricht mais les agence de notation ont bien compris qu'il s'agit de dette publique. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui explique la menace sur le triple A. Nous préconisons qu'au-delà des 4 grands projets de LGV en cours (Tours-Bordeaux, ligne Bretagne - Pays-de-Loire, 2e phase de la ligne Est-Europe et le contournement de Nîmes et Montpellier), on soumette les prochains projets à une évaluation transparente et indépendante car nous n'avons pas assez d'infos pour juger de la pertinence de lignes supplémentaires.

La ligne Paris-Toulouse est donc menacée ?
Cela ne veut pas dire que c'est remis en cause mais il faut plus de transparence, plus d'objectivité, et plus d'études détaillées sur les retombées économiques. Personne aujourd'hui ne dispose de contre expertise. Or aujourd'hui, étant donné l'état des finances publiques, on ne peut plus se permettre de jouer à ce jeu-là. Il serait question que ce soit René Ricol, le commissaire général à l'investissement qui en soit chargé. NKM l'a laissé entendre.

Vous pensez que les élus de Midi-Pyrénées peuvent accepter cette analyse ?

La Commission est très claire sur ce point : si l'État veut faire un investissement, il doit en prendre la responsabilité. Qu'il ne rejette pas la responsabilité sur les autres, en particulier les régions. Implicitement, c'est mon commentaire personnel, la Commission trouve anormal que Midi-Pyrénées soit obligée de financer la ligne Paris-Bordeaux pour avoir Bordeaux-Toulouse.

Propos recueillis par Emmanuelle Durand-Rodriguez

En photo : Marc Ivaldi (© Rémi Benoit)

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