Une ONG toulousaine défend les travailleurs chez les sous-traitants

Basée à Toulouse, l’ONG Ressources humaines sans frontière (RHSF) veille au respect du droit du travail chez les sous-traitants au niveau mondial. Toulouse Métropole, Tisséo et plusieurs entreprises ont récemment adhéré à cette association qui, depuis 10 ans, s’attaque à un sujet sensible : le travail forcé.
Martine Combemale, fondatrice de l'ONG toulousaine, avec des membres de l'association

En 2006, la Toulousaine Martine Combemale a fondé l'ONG Ressources humaines sans frontière. Cette ONG, qui compte trois salariés en France et un en Chine, défend l'intérêt des travailleurs dans la chaîne de sous-traitance des grands groupes avec un objectif : déceler le travail forcé. Une mission peu évidente car il faut obtenir la confiance des entreprises afin qu'elles laissent les experts observer ce qu'il se passe au sein des usines. Ainsi, l'association missionne des experts pour passer un maximum de temps à l'intérieur même des entreprises.

 Un projet pilote en Chine

RHSF a d'abord mis en place, en 2012, un projet avec l'entreprise Petzl, basée à Grenoble, qui fabrique des lampes frontales. Pour mener à bien cette première mission, l'ONG est allée à la rencontre des salariés et des dirigeants d'une entreprise de textile en Chine, sous-traitant du français Petzl.

"Depuis un an et demi, une membre de l'association vit dans l'entreprise. Elle y est nuits et jours pour travailler en totale collaboration avec la société et voir si les recommandations suggérées sont appliquées et ont bien l'effet escompté", raconte Martine Combemale.

Dans cette entreprise, comme chez de nombreux sous-traitants, le nombre d'heures supplémentaires est bien trop élevé mais les salariés ne veulent pas travailler moins, car ils ont peur de voir leur salaire diminuer. Une des missions de l'ONG est de faire comprendre aux chefs d'entreprise qu'il s'agit autant de faire respecter des droits que de gagner en productivité.

"C'est notre rôle de faire comprendre aux dirigeants qu'au-delà de dix heures de travail par jour, la productivité baisse et qu'il vaut mieux faire moins travailler les salariés en maintenant leur niveau de rémunération. Cette solution permet un meilleur respect des droits de l'homme mais également une efficacité de production accrue", poursuit la fondatrice de l'ONG.

Cette étude, projet pilote mené par l'association depuis 3 ans, est le point de départ de nombreuses actions mises en place par RHSF. "Cette expérience a été notre laboratoire. Grâce à notre travail sur le terrain, nous avons pu créer des outils pour identifier par exemple les symptômes du travail forcé, car le travail forcé ne se voit pas", explique Martine Combemale.

Mais ces actions ne peuvent se faire qu'avec le consentement du donneur d'ordres et de l'entreprise de sous-traitance. L'ONG ne travaille donc qu'avec des entreprises qui sollicitent son soutien et ne peut pas agir dans certains pays du monde, comme le Qatar. Martine Combemale explique ce choix :

"Notre but n'est pas de dénoncer les entreprises en faute, mais de travailler sur le terrain pour améliorer la situation à plus ou moins long terme. Nous avons besoin d'établir une relation de confiance."

 Qu'est-ce que le travail forcé ?

Depuis la mise en place du système d'adhésion, début 2015, les entreprises ou les collectivités rejoignent petit à petit le mouvement. Toulouse Métropole a voté son adhésion lors du dernier conseil communautaire. Tisséo est aussi adhérent, ainsi que des sociétés comme Maison du monde ou encore Le Fond Social Européen (FSE). L'ONG est également en discussion avec Alstom et a pris contact avec Airbus. "C'est un sujet très sensible, mais qui devient important aux yeux des patrons, notamment pour la réputation de l'entreprise. Le problème que nous rencontrons aujourd'hui est l'ignorance des entreprises, qui souvent ne savent pas exactement ce que signifie le terme de travail forcé", déplore Martine Combemale.

L'ONG toulousaine apporte les explications nécessaires.

"On parle de travail forcé lorsque plusieurs phénomènes s'accumulent : le consentement non libre, la contrainte morale, l'isolement qui peut se manifester par la barrière de la langue, et le manque d'autonomie (lorsque les papiers d'identité du salariés sont saisis, par exemple). Ce sont principalement des migrants qui sont touchés. Ils sont plus de 20 millions dans le monde dont 1,5 million en Europe, Amérique du nord et Australie à être victimes de travail forcé. Le phénomène apparait principalement lorsque les contrats passent par le biais d'intermédiaires comme les agences d'intérim, qui font venir des travailleurs étrangers. L'entreprise devrait être la seule à payer pour ce service. Or, souvent, les travailleurs paient eux-mêmes des sommes exorbitantes pour être embauchés."

 Un travail présenté à l'ONU

Pour pouvoir agir dans la chaîne de sous-traitance, il faut encore pourvoir la connaître.

"Identifier les sous-traitants d'une grande entreprise est très complexe. Pour la fabrication d'un seul produit, on compte en moyenne entre 20 et 30 sous-traitants. L'ONG tente, parfois, de remonter cette chaîne mais c'est bien souvent impossible."

L'association agit également en amont, en accompagnant les entreprises lors des appels d'offres : RHSF est présent lors de la rédaction des appels d'offres et pointe ensuite les points forts ou les points faibles des candidats. "Le but étant que l'entreprise ou la collectivité ne soit pas pourvoyeur de travail forcé." L'ONG appelle à la vigilance dans certains pays où elle sait qu'il existe du travail forcé de manière courante.

Le travail de Ressources humaines sans frontière est aujourd'hui reconnu. Le projet pilote réalisé avec Petzl et son sous-traitant chinois a été sélectionné par les universités françaises parmi les meilleurs cas pratiques. Plusieurs conférences sont organisées et l'association présentera même une partie de son travail devant l'ONU, à New York.

Aujourd'hui, l'ONG se lance avec l'Europe dans un nouveau projet qui permettra de mettre en avant les initiatives d'économie sociale et solidaire.

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