Comment définir le revenu de base et en quoi se différencie-t-il du RSA (revenu de solidarité active) ?
Il s'agit d'un revenu versé de manière inconditionnelle à tous les citoyens, de la naissance à la mort, afin de réduire les inégalités. Il est cumulable avec tout autre type de revenus. Il est donc possible de toucher un salaire en même temps, contrairement au RSA.

Pourquoi l'arrivée des robots suscite-t-elle un regain d'intérêt envers le revenu de base ?
La robotisation nous permet de nous libérer du travail mais risque de faire augmenter le chômage. Le revenu de base permettrait de rémunérer les activités de notre temps libre non rémunérées jusqu'à présent.

Comment peut être appliqué ce revenu de base ?
Il peut exister sous deux formes différentes : le revenu de base par financement sur la monnaie-dette et un deuxième type de revenu de base qui reposerait sur la création monétaire. Le revenu par financement existe déjà depuis quelques années en Iran et depuis 1983 en Alaska. Dans ces deux pays, le gouvernement réalise un prélèvement sur les ventes de pétrole. Ce prélèvement est redistribué à tous les citoyens du pays sous la forme du revenu de base. Mais ce revenu est indexé sur les ventes pétrolifères. Cela veut dire que si les exportations de ces ressources diminuent, alors le revenu de base s'effondre. C'est d'ailleurs le cas actuellement. Ce système renforce le besoin de croissance économique et repose à long terme sur l'épuisement des ressources naturelles. On peut s'interroger sur les conséquences sur les générations futures. Ces ressources sont rares. Les parents pourront toucher le revenu de base, mais qu'en sera-t-il des enfants si les ressources ont été épuisées ?

La Finlande envisage, dans un projet de loi, de mettre en place un revenu universel de 800 euros pour tous les habitants, en remplacement de l'ensemble des allocations versées par l'État. Est-ce la bonne solution ?
Il s'agit là d'une proposition uniquement électoraliste. L'autre problème est que la Finlande ne dispose pas de ressources naturelles en grandes quantités, contrairement à l'Iran et l'Alaska. Les élus veulent donc utiliser les aides sociales pour le pot commun du revenu de base. Il s'agit donc simplement d'un transfert d'aides déjà existantes. Les plus pauvres seront lotis comme les autres, or ce sont ceux qui auraient justement besoin de davantage d'aides que les autres. À Utecht, aux Pays-Bas, le revenu de base va être expérimenté auprès de quelques chômeurs. Or, le principe même du revenu de base est qu'il doit être appliqué à tous les habitants. On passe donc à côté de la définition du concept.

À titre personnel, vous prônez le revenu de base par création monétaire. Comment cela fonctionne-t-il ?
Ce concept aussi appelé "revenu d'existence" est expérimenté depuis 5 ans par le polytechnicien français Stéphane Laborde. Ce dividende universel est un revenu de base indexé sur l'espérance de vie humaine. En Europe, par exemple, l'espérance de vie moyenne est de 80 ans. En fonction de la masse monétaire disponible, chaque citoyen reçoit chaque mois un revenu. Le système repose sur la création d'une monnaie gérée depuis un logiciel libre : la monnaie M. En s'inscrivant sur le site la monnaie M, chaque membre voit son compte crédité de 50 M (par création monétaire ex nihilo). Sur le site, il peut acheter et vendre via cette nouvelle monnaie avec d'autres utilisateurs des biens et services, comme il le ferait sur Leboncoin. Ensuite, chaque 1er jour du mois, un revenu de base est attribué à chaque membre en fonction de la masse monétaire totale disponible sur le site. L'idée est qu'à terme, cette monnaie libre remplace petit à petit la monnaie créée par les banques. Contrairement aux autres expérimentations menées en Europe, ce revenu de base n'est pas mis en place par des gouvernements mais des citoyens. Chacun co-crée la monnaie.

Qui sont les défenseurs du revenu de base aujourd'hui en France ?
Le Mouvement français pour le revenu de base (créé en 2013 ) prône le revenu de base par financement. J'en ai fait partie avant, comme beaucoup d'adhérents, de quitter ce mouvement car l'association ne prenait pas en compte dans sa définition du revenu de base la possibilité de création monétaire. Son fondateur est également le directeur achat d'uranium pour Areva. Il a donc un intérêt professionnel dans l'application de ce concept. Je suis pour ma part dans le deuxième mouvement en faveur de la création monétaire. Le politologue Thomas Guénolé (qui intervenait jusqu'en 2015 sur RMC, NDLR) défend le revenu de base. L'économiste toulousain Bernard Maris, tué lors de l'attaque de Charlie Hebdo, était également en faveur de ce mouvement.