Fermeture de Chapitre Privat à Toulouse, la colère du directeur de la librairie face au fonds d'investissement

Le couperet est tombé sur la librairie Chapitre Privat menacée de fermeture depuis mardi. Le CE du groupe Chapitre s'est tenu ce matin. Rattaché à Actissia, propriété du fonds d'investissement américain Najafi, Chapitre (57 librairies en France, 1200 salariés) se restructure. C'est par un communiqué de la CGT que les 13 salariés de la librairie, installée rue des Arts depuis 1903, ont appris leurs licenciements. Interview de Rachid Akhmoun, directeur de la librairie Chapitre Privat.
Rachid Akhmoun, directeur de la librairie Chapitre Privat, et ses salariés ont mené une action fermeture toute la journée du 12 mars

Comment avez-vous appris la fermeture de votre librairie ?
Le comité d'entreprise s'est achevé à 14h. C'est par un communiqué de la CGT des librairies Chapitre que nous avons appris la fermeture de la librairie. Un libraire, membre du CE et qui était présent lors de la réunion, m'a confirmé l'information par téléphone. À l'heure actuelle (l'interview a été réalisée à 15h, NDLR), nous n'avons toujours pas reçu la notification officielle de la direction du groupe Chapitre. Le plan annoncé lors du CE, selon la CGT, prévoit 271 licenciements avec 9 fermetures de magasin (Lyon, Nancy Saint Sébastien, Narbonne, Grenoble, Calais, Cannes, Boulogne sur Mer, Evreux, Dax) ainsi que 3 cessions de droit au bail : Belfort, Colmar et Toulouse. Je suis surpris, étonné, abattu, je ne comprends pas.

Après l'annonce brutale de la possible fermeture, faite mardi pendant le premier CE, on nous a annoncé qu'on serait peut-être repris. Et là, après le deuxième CE, aujourd'hui, on nous dit c'est fini. Je suis étonné que tout se soit fait en deux jours. Je pense que c'était décidé avant. Depuis janvier, par deux fois, des personnes sont venues prendre des mesures dans la librairie. La dernière fois, c'était il y a trois semaines. Ils entraient, sans se présenter, en nous disant de ne pas nous inquiéter, qu'ils prenaient juste des mesures. Moi, naïvement, j'ai cru que c'était par rapport à la nouvelle réglementation qui dès 2014, prévoit de nouvelles normes pour l'accès des personnes handicapées. Rétrospectivement, je pense qu'il s'agissait de personnes intéressées par la reprise du bail.

Quelle est la raison qui motive cette décision ? Votre librairie est-elle rentable ?
Je reconnais que l'activité librairie est en pleine crise. Mais depuis que nous avons lancé notre activité papeterie en septembre dernier, nous sommes en croissance de 4 %. Sur 2012, nous en sommes à 2,2 M€. Si la librairie n'était pas rentable, nous aurions été confrontés à une fermeture plus tôt. Nous payons 60 000€ de loyer annuel, le bail va être cédé. Des acheteurs potentiels se sont manifestés. Une proposition de 600 000€ a été faite par un repreneur dont le CE ne connaît même pas encore l'identité. Chapitre a peu d'emplacements dans le centre des grandes villes alors que ce sont des emplacements très convoités. Or le groupe décide de fermer les librairies de Lyon et Toulouse, c'est incompréhensible. L'actionnaire américain veut de l'argent frais, c'est sa seule stratégie. Je suis dégouté. On n'a aucun moyen de pression face à un fonds d'investissement américain. Ce sont des gens qui ont probablement du mettre les pieds trois fois en France et qui ne sont pas capables de situer Toulouse sur une carte. Quand ils ont racheté Actissia, ils ont pris une enseigne, un nom, "Chapitre" sans connaître l'histoire de la librairie, et sans avoir conscience qu'elle s'appelait Pivat auparavant.

Quelles actions allez-vous mener en opposition à cette décision ?
On va se battre. Aujourd'hui, nous avons décidé la fermeture de la librairie pour la journée. Dès demain, je vais rencontrer mes collègues libraires à Toulouse. Nous avons reçu le soutien de la librairie des Frères Floury. Christian Thorel, patron de la librairie Ombres Blanches, nous a également fait part de son soutien et de sa surprise à cette annonce. Lundi, j'irai voir les institutions, notamment la Mairie de Toulouse pour rencontrer l'adjointe au maire, Isabelle Hardy. Philippe Terrancle, le directeur des Editions Privat a eu la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, au téléphone tout à l'heure, elle va s'occuper du dossier. J'irai également voir tous les politiques de tous bords. Nous en avons reçu pour des signatures, François Hollande, pendant l'entre deux tours des présidentielles l'an passé, Pierre Izard et Jean-Luc Moudenc plus récemment. Nous étions en train de prévoir une date avec Martin Malvy pour qu'il vienne signer son livre chez nous. Je vais tous les solliciter pour réagir. Après la fermeture de Castela, de Virgin, c'est nous. La culture quitte le centre-ville de Toulouse.

Propos recueillis par Vincent Pléven

Photo © Rémi Benoit

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