Colère des agriculteurs : pourquoi Jérôme Bayle a relâché la pression à Toulouse

Le barrage de Carbonne (Haute-Garonne) est le seul barrage des agriculteurs levé définitivement en France, pour le moment. Si son leader, Jérôme Bayle, estime avoir eu suffisamment de réponses du gouvernement à leurs revendications, ce n'est pas le cas des syndicats, FNSEA en tête. Ce qui lui a coûté une campagne de haine à son égard ces dernières heures au point de le pousser à revenir sur les blocages en région parisienne ?
Jérôme Bayle est celui qui a initié le mouvement de révolte des agriculteurs, depuis Toulouse, sans les syndicats.
Jérôme Bayle est celui qui a initié le mouvement de révolte des agriculteurs, depuis Toulouse, sans les syndicats. (Crédits : Rémi Benoit)

Il était un emblème de la colère des agriculteurs en France. Il a été à l'initiative du premier barrage érigé dans l'Hexagone pour matérialiser leur colère. Au sud de Toulouse, à Carbonne (Haute-Garonne), les manifestants ont bloqué l'autoroute A64, dans les deux sens, dès le jeudi 18 janvier. Néanmoins, ce blocage a pris fin en début d'après-midi le samedi 27 de ce même mois.  « Nous avons gagné le combat », avait déclaré Jérôme Bayle pour justifier cette levée du blocage, vendredi soir après la visite et les annonces du Premier ministre Gabriel Attal. C'est cet agriculteur bovin du Volvestre qui a initié le mouvement des agriculteurs dans le Sud-Ouest deux semaines plus tôt en devenant le porte-parole de celui-ci, dépassant les syndicats traditionnels.

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En plus de l'annulation de la hausse de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR), les agriculteurs du barrage de Carbonne attendaient des annonces sur des projets de retenues d'eau et d'indemnisations supplémentaires pour lutter contre la Maladie hémorragique épizootique (MHE). Résultat, le chef du gouvernement a annoncé des délais plus courts pour contester des projets agricoles (deux mois contre neuf actuellement), la tenue de réunions régionales sur la question de l'eau et l'État va débloquer 50 millions d'euros supplémentaires pour la MHE, qui touche tout d'abord l'Occitanie, tout comme il va prendre en charge les frais vétérinaires liés à cette épidémie à hauteur de 90% et non plus 80.

« Nous avons aussi obtenu la limitation du nombre de contrôles par les services de l'État, sur un an, à un seul. Pour nous, c'est tout sauf anodin quand parfois vous avez sept contrôles en cinq mois sur une exploitation (...) Nous avions des demandes claires et nous avons eu des réponses positives. Cela ne sert à rien d'être trop gourmand. Par contre, Gabriel Attal m'a donné des dates donc j'espère qu'il s'y tiendra car je lui ai dit que je serai son ombre et que je ne le lâcherai pas », a ainsi réagi Jérôme Bayle.

Cependant, quelques minutes après cette prise de position, les syndicats, FNSEA en tête, ne l'entendaient pas de cette oreille. « Ici (à Carbonne, ndlr), 90% des agriculteurs sur le barrage ne sont pas syndiqués (...) Quand il fallut rentrer sur l'autoroute, je suis rentré sur l'autoroute. Il n'y avait aucune bannière, ce sont les agriculteurs du département qui sont rentrés sur l'autoroute », rappelle-t-il.

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Une relation de confiance s'est instaurée entre les deux hommes

Seulement, dans les coulisses, cette montée en puissance de Jérôme Bayle a été mal perçue par certaines organisations. Plusieurs protagonistes sur le barrage de Carbonne ont partagé le fait que les syndicats avaient vu d'un très mauvais œil cette initiative de blocage de l'éleveur bovin. « Aujourd'hui, parmi les syndicats, certains veulent se tirer la couverture, mais le premier a être rentré sur une autoroute en France avec un tracteur c'est Jérôme Bayle », tient à rappeler l'ancien rugbyman.

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Autre point, l'annonce de la levée du blocage de Carbonne par son chef de file a entraîné une campagne de haine à son encontre sur les réseaux sociaux, sur fond de polémique autour d'un morceau de papier transmis au ministre de la Transition Écologique, Christophe Béchu, pendant l'intervention de Gabriel Attal à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne). Certains agriculteurs se sont aussi sentis abandonnés par cette décision.

« Nous avons des exploitations à faire tourner, justifie-t-il (...) Ici, nous avons gagné sans rien casser. Nous avons eu un comportement exemplaire pendant neuf jours, c'est ça qu'il faut retenir. Nous avions une ligne de conduite, nous nous y sommes tenus. Nous avons trois réponses sur nos trois revendications mais moi, je n'ai rien fait. Je n'ai fait que parler », tient à tempérer Jérôme Bayle.

Pour autant, l'homme soutient toujours ses camarades mobilisés. Interrogé par BFM TV lundi 29 janvier, il a même laissé la porte ouverte à sa présence sur un barrage parisien dans les jours à venir. Une manière pour lui de montrer qu'il sera toujours présent pour ses homologues et calmer la polémique autour de lui. L'agriculteur peut être surtout un atout dans les négociations entre la profession et le gouvernement.

Lui et le chef du gouvernement se sont échangé leur numéro de téléphone pour faciliter le dialogue à l'avenir. De l'aveu même de Gabriel Attal et Jérôme Bayle, un certain lien de confiance s'est même noué entre les deux hommes - en quelques heures - qui se tutoient et qui partagent des points communs, dont la perte de leur père. Cette confiance a notamment permis à l'agriculteur de faire venir le Premier ministre sur son barrage vendredi soir, alors que ce n'était pas au programme de la visite et que son service de sécurité y était opposé. « Je savais que ça serait carré avec toi », a lâché Gabriel Attal à Jérôme Bayle pour justifier sa venue.

« Il nous a montré une grande marque de respect en venant ici, partager un verre avec nous. Et nous avons été écoutés et respectés, car nous avons été respectables », poursuit celui qui a lancé le mouvement des agriculteurs mardi 16 janvier, place du Capitole à Toulouse.

Si les messages de courtoisie n'ont pas tardé à être échangés par les deux acteurs après le retour à Paris de l'ancien ministre de l'Éducation nationale, la confiance n'exclut pas le contrôle. Carole Delga, la présidente socialiste de la région Occitanie a annoncé l'installation d'un comité régional de suivi des engagements pris par le gouvernement vendredi dernier, « associant les représentants du monde agricole, les services de l'Etat et les collectivités locales ». Celle qui est aussi présidente de Régions de France doit rencontrer Gabriel Attal ce mardi.

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Commentaires 2
à écrit le 30/01/2024 à 8:18
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Ben avec tout ce qui se dit contre la FNSEA il faut quand espérer que les agriculteurs commencent à douter de ce truc. Elle a fait son succès sur le silence et la compromission avec internet tout ceci est dévoilé au grand jour que donc de plus en plu...

à écrit le 29/01/2024 à 21:13
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Il a quand même bien "ni..ue"la FNSEA qui est désormais obligée de faire de la surenchère. Pitoyable et la queue basse la FNSEA.😂👎

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