Tourisme : l'incompréhension entre le Département et les hôteliers de Haute-Garonne

Les hôteliers de Haute-Garonne sont (très) en colère : le Conseil départemental a voté le 29 janvier une taxe additionnelle de 10 % qui s'ajoute au montant payé au titre de la taxe de séjour. Objectif : financer la promotion du département pour favoriser le tourisme. Bonne ou mauvaise idée ? Didier Vincent, directeur du Crowne Plaza de Toulouse et membre du club hôtelier toulousain, et Didier Cujives, président du Comité départemental du tourisme, se sont rencontrés pour faire le point. Didier Vincent assure que les hôteliers veulent la suspension de la mesure. Interview croisée.
Interview croisée de Didier Cujives (Comité départemental du tourisme) et Didier Vincent (Crowne Plaza)

Dès le 1er mars, une taxe additionnelle de 10 % va être prélevée sur le montant de la taxe de séjour dans les hôtels de Haute-Garonne. Bonne ou mauvaise idée ?

Didier Cujives : C'est une bonne idée, à laquelle je suis favorable en tant que président du Comité départemental du tourisme. Il faut bien comprendre que cette taxe n'est pas destinée à financer les frais de fonctionnement du CDT 31 (Comité départemental du tourisme, NDLR) mais à financer des actions de promotion et de communication. Par exemple, elle va permettre de financer une campagne d'affichage pour la saison printemps-été 2016 en Haute-Garonne, la refonte du site internet du CDT 31, et notre présence sur les salons du tourisme de Bruxelles et Barcelone. J'ai bien conscience qu'en parlant de "taxe additionnelle" on prononce un (voire deux) gros mot(s), mais nous ne sommes pas les ennemis des hôteliers, au contraire, nous travaillons pour eux.

Didier Vincent : C'est une mauvaise idée, tant sur la forme que sur le fond. La décision a été prise sans aucune concertation avec les acteurs de l'hôtellerie. Moi-même, en tant que membre du conseil d'administration du CDT 31, je n'étais pas au courant de ce projet ! Par ailleurs, après l'augmentation de la taxe de séjour par Toulouse Métropole l'année dernière, cette taxe additionnelle de 10 % est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Nous demandons une rencontre avec le président du Département Georges Méric pour qu'il s'explique.

Concrètement, quel est l'impact chiffré de cette mesure?

Didier Cujives : Je tiens à préciser que ce ne sont pas les hôteliers qui payent cette taxe, ce sont les touristes. Par exemple, sur une nuit dans un hôtel 5 étoiles de Toulouse qui coûte environ 200 euros, le montant de la taxe de séjour est de 2,65 euros. Sur ce montant seront prélevés 10 % de plus, soit 26 centimes. Ce n'est pas très impactant. Sur un hôtel 2 étoiles on prévoit une augmentation moyenne de 8 centimes par nuit. Au total, sur un an, le produit de cette taxe additionnelle devrait s'élever à 600 000 euros grand maximum, dont 400 000 euros en provenance des hôtels de Toulouse Métropole.

Didier Vincent : Il y a deux ans, je reversais 80 000 euros de taxe de séjour. En 2015, avec l'augmentation de la taxe, je suis passé à 140 000 euros. En 2016, ce montant va dépasser 150 000 euros. On nous répond que ce n'est pas l'hôtelier mais le touriste qui paye. Mais quand nous négocions des contrats avec les tours opérateurs ou des sociétés, c'est un tarif global comprenant la taxe de séjour. Si elle augmente, le client sera moins tenté de réserver. Étant donné que nous avons du mal à remplir nos chambres, ce n'est pas une bonne nouvelle.

La promotion de Toulouse et de la Haute-Garonne comme destinations touristiques est-elle suffisante à l'heure actuelle ?

Didier Cujives : Il paraît évident que Toulouse et la Haute-Garonne disposent d'un potentiel magnifique mais ne sont pas attractives. Trop peu de moyens sont mis sur la table pour promouvoir ces destinations. Le travail de So Toulouse n'est pas suffisant, même si je ne jette la pierre à personne : je suis le premier à reconnaître que, jusqu'à maintenant, le CDT 31 n'a pas fait les efforts nécessaires. Le président du Conseil départemental Georges Méric a fait du tourisme une priorité car c'est une source de développement économique.

Didier Vincent : So Toulouse et le Comité régional du tourisme s'en occupent déjà et le font plutôt bien, notamment pour ce qui concerne Toulouse. Pourquoi rajouter une strate supplémentaire ? Jusqu'à maintenant, rien n'a été fait au Département pour promouvoir Toulouse, et on ne comprend pas bien pourquoi, d'un coup, c'est une priorité de Georges Méric. Le rôle du CDT 31 est de communiquer sur le tourisme rural (gîtes, maisons d'hôtes, campings, etc.), et non pas de s'occuper de Toulouse. J'attends de connaître la stratégie exacte de Georges Méric.

La mise en application de la mesure le 1er mars est-elle trop rapide ?

Didier Cujives : On peut voter une mesure et reporter éternellement sa mise en application. Pour ma part, je pense qu'il est important de mettre en application rapidement les textes qui sont votés. Avons-nous besoin de cette taxe additionnelle ? Oui. Donc, il n'y a pas de raison de la décaler. Néanmoins, je comprends que les hôteliers ont pour certains déjà vendu des nuitées à l'ancien tarif et je suis ouvert sur les modalités : nous pouvons trouver un process de lisage pour ne pas pénaliser les contrats déjà signés.

Didier Vincent : Une mise en œuvre le 1er mars est impossible, ne serait-ce que parce que les modalités de récolte de la taxe ne sont pas établies. Est-ce Toulouse Métropole qui va récupérer la taxe en même temps que la taxe de séjour puis va la reverser au Département ? Par ailleurs, des contrats ont déjà été signés avec des tour-opérateurs, on ne peut pas revenir sur le prix. Nous demandons à Didier Cujives et Georges Méric la suspension de cette mesure.

Comment se porte le tourisme à Toulouse ?

Didier Cujives : Il est clair que les hôteliers souffrent, ne roulent pas sur l'or et vivent un certain "ras-le-bol". Le taux d'occupation des chambres est plutôt bon en semaine grâce au tourisme d'affaires. Mais, durant le week-end et les vacances, c'est plus difficile. "Toulouse" et "Haute-Garonne" ne sonnent pas encore comme des destinations touristiques incontournables. La concurrence des particuliers qui louent leurs chambres sur le principe d'Airbnb a des conséquences dramatiques.

Didier Vincent : Le prix des nuitées (hors taxe de séjour) baisse de 2 à 3 % chaque année. Pourtant, le taux d'occupation moyen est de 62,5 %, contre 66 % dans les métropoles comparables à Toulouse. Par ailleurs, on compte 12 000 chambres d'hôtel à Toulouse et 2 400 hébergements de type Airbnb. Si on allait chercher l'argent auprès de ces propriétaires plutôt que de taxer les hôteliers ?

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Commentaires 4
à écrit le 05/12/2018 à 14:33
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Encore de l'argent facile prélevé autoritairement pour quoi??? Pour entretenir un mille-feuiiles administratif ne servant à rien et pour flatter les égos et de qui et d'autre en comités, sous-comités, assemblées, Conseils, Directions et sous-direc...

à écrit le 05/12/2018 à 14:33
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Encore de l'argent facile prélevé autoritairement pour quoi??? Pour entretenir un mille-feuiiles administratif ne servant à rien et pour flatter les égos et de qui et d'autre en comités, sous-comités, assemblées, Conseils, Directions et sous-direc...

à écrit le 08/02/2016 à 15:43
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La taxe de séjour sévit aussi dans le fin fond de la région. Outre le renchérissement global de la nuitée, cette mesure apporte une complication énorme dans la gestion. Il faut produire le listing précis (date, nombre d'adultes nombre d'enfants) mêm...

à écrit le 07/02/2016 à 6:49
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bailleur d'un gite, je comprend la colère des hôteliers, la seule solution est toujours de chercher des taxes supplémentaires! le systeme actuel est un empilement de strates : office du tourisme, metropole, comite départemental, region. Il coute cher...

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