Euro à Toulouse : un impact économique de 66 millions d'euros et des retombées à long terme

Chargé d'études économiques au Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges, Christophe Lepetit a participé à l'étude d'impact de l'Euro 2016 de football, qui estime notamment les retombées économiques pour Toulouse à 66 millions d'euros. Interview.
Christophe Lepetit, chargé d'études économiques au Centre de droit et d'économie du sport

Votre étude avance un impact économique de 1,266 milliard d'euros sur l'ensemble du territoire français. Que comprend ce chiffre ?

L'impact économique de l'Euro 2016 mesure le surcroît d'activité engendré par la compétition sur le territoire national. Ainsi, seules les dépenses des acteurs étrangers lors de l'événement sont prises en compte, qu'il s'agisse des touristes spectateurs, des membres de l'organisation, des sponsors ou des VIP. Les "dépenses organisation" sont évaluées à 478 millions d'euros et comprennent les 20 millions de l'UEFA Euro 2016 destinés aux villes hôtes. Les dépenses liées au tourisme sont estimées à 788 millions d'euros : 593 millions de dépenses des spectateurs dans les stades et 195 millions dans les fan-zones.

Comment avez-vous établi ces chiffres ?

Nous nous sommes basés sur le nombre potentiel de touristes, une durée moyenne de séjour et un panier moyen de dépenses, qui ne comprend pas les tickets de matchs ni les moyens de transports pour venir de l'étranger. Pour faire ces moyennes, nous avons croisé différentes sources de données mises à disposition par l'UEFA, sur les Euro 2004, 2008 et 2012 notamment. Nous nous sommes également appuyés sur les chiffres de la Coupe du monde de rugby 2007, même si le comportement des supporters est différent, et sur la Coupe du monde 2006 en Allemagne. Cela nous a permis d'établir un panier moyen et une durée de séjour moyenne. Nous avons été assez prudents sur nos estimations.

Le poids économique de l'Euro 2016 est lui chiffré à 2,8 milliards d'euros. Quelle est la différence avec l'impact économique ?

Cela prend en compte toute l'activité générée par l'événement et pas seulement le surcroit d'activité, et ce quelle que soit la nationalité. Par ailleurs, les investissements dans les stades sont chiffrés à 1,7 milliard d'euros mais seuls 775 millions d'euros sont directement imputables à l'organisation de l'Euro 2016. Le stade Pierre-Mauroy de Lille, par exemple, est un projet qui a été lancé avant que la France soit choisie pour accueillir la compétition. Le coût de construction ne peut donc pas être inclus dans le poids économique de l'Euro 2016 de football.

Votre étude chiffre également l'effet économique territorial pour chacune des dix villes qui vont accueillir l'Euro, de 221 millions d'euros à Saint-Denis à 66 millions d'euros pour Toulouse, ce qui est le plus faible total. Comment expliquer que la Ville rose soit ma moins bien classée alors qu'elle accueille autant de matchs que Nice, Lens ou Saint-Étienne par exemple ?

Effectivement, le nombre de matchs ne joue pas dans ce cas-là. En revanche, la capacité des stades a un vrai impact sur ces chiffres. En effet, le Stadium ne peut accueillir que 33 000 spectateurs, contre 35 000 pour le stade Bollaert de Lens, 35 624 pour l'Allianz Riviera à Nice et 41 500 pour le stade Geoffroy-Guichard de Saint-Étienne. Nous avions également fait des hypothèse au moment de l'étude sur l'emplacement des fans zones et donc sur leur capacité. Ainsi, les dépenses spectateurs ont été établies à 52 millions pour Toulouse (dont 35 millions dans le stade).

Par ailleurs, le chiffre de 66 millions prend en compte les investissements de l'État dans les travaux de rénovation des stades, qui sont de 6 millions à Toulouse, contre 8 à Saint-Étienne et 12 millions à Lens, par exemple. L'impact de l'organisation (avec le logement des équipes notamment) a lui été estimé à 8 millions d'euros, mais n'intègre pas l'accueil des médias et des personnes de l'organisation. Ces estimations sont donc relativement prudentes.

Ces retombées économiques vous semblent-elles suffisantes en comparaison du coût d'organisation ?

Nous sommes dans une période difficile. Les grands projets sont intéressants pour les entreprises et le marché du travail. La compétition va permettre de créer plus de 94 000 jours : homme de travail. Selon la Fédération française du bâtiment, 20 000 emplois ont été créés pour la construction et la rénovation des stades. Même s'il est très difficile de chiffrer le nombre d'emplois pérennes, un événement comme celui-ci permet à de nombreuses personnes de retrouver une activité. De plus, nous n'avons pas étudié l'impact que cela va avoir sur les entreprises françaises, qui sont privilégiées par l'UEFA.

D'autre part, on parle beaucoup des retombées économiques, mais il faut également s'intéresser aux retombées à plus long terme en termes d'héritage. Un événement comme l'Euro doit s'inscrire dans une stratégie de développement économique et touristique pour une ville. Pour des villes comme Saint-Étienne ou Lens, par exemple, qui ne sont pas forcément attractives d'un point de vue touristique, l'exposition médiatique de l'Euro est un atout énorme pour les resituer au niveau européen voire mondial et pour valoriser le territoire. Le marketing territorial doit tirer profit de ce type d'événement. Il faut se poser la question de ce que l'on veut faire du territoire.

Une étude "indépendante"

Cette étude a été commandée en octobre 2014 par l'UEFA, actionnaire majoritaire de la SAS organisatrice de l'Euro 2016. "Elle fait suite aux démarches du CDES auprès de la SAS, du ministère des Sports et d'autres institutions pour lancer une large étude économique", précise Christophe Lepetit. Si l'étude a été financée par l'UEFA, "elle a été mené en totale indépendance. Nous n'avons pas gonflé les chiffres", assure le chercheur.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.