Alexandre de Juniac, PDG d'Air France : « La création de bases régionales est la première étape de la reconquête »

Alexandre de Juniac, PDG d'Air France a inauguré jeudi soir la base Air France de Toulouse devant 600 personnes. La compagnie aérienne qui ouvre ainsi 14 nouvelles destinations, est aux prises avec de sérieuses difficultés économiques et financières. Interview.
Alexandre de Juniac, PDG d'Air France

Dans un contexte économique et financier difficile pour Air France, la compagnie implante à Toulouse une base régionale. Quelle est votre stratégie ?
La création de bases régionales est la première étape de la reconquête d'Air France. C'est une manière de reconquérir des parts de marché sur nos concurrents low-cost. Nous voulons nous développer dans les villes où le potentiel économique est réel et où les bassins de population sont importants. Nous avons déjà ouvert une base à Marseille et nous ouvrons début avril à Nice et Toulouse. Nous voulons capter une clientèle qui jusqu'à présent nous échappait avec des tarifs attractifs, à partir de 50€ en aller simple. Nous visons 630 000 passagers supplémentaires à Toulouse.

Quelle est la part des billets proposés à 50 € ?
10 % des billets seront proposés à 50€, 10% à 60€, 10% à 70€. Avec les prestations Air France.

L'annonce de votre plan d'économies en janvier n'a pas modifié votre stratégie de créations de bases en région ?
Non, au contraire. Nous nous demandons même s'il n'est pas opportun de l'étendre. Avec les bases, nous améliorons l'exploitation de nos lignes, nous abaissons nos coûts et nous créons l'opportunité de créer de nouvelles lignes. C'est exactement l'esprit du plan Transform.

Vous prévoyez donc d'ouvrir de nouvelles bases ?
C'est prématuré. La question d'ouvrir une base à Bordeaux n'est pas tranchée. Tout cela sera annoncé en juin comme d'ailleurs l'ensemble du plan Transform.

Depuis l'annonce en janvier du plan de redressement d'économie (gel des embauches et des salaires, réduction de la flotte et des investissements, deux milliards d'euros d'économie), qu'est-ce qui a changé pour Air France ?
Il y a une prise de conscience aigüe dans l'ensemble du personnel de la situation de la compagnie et de la nécessité de faire des efforts pour la redresser. Nous avons tenu un discours de vérité et de transparence, et tous les chiffres sont sur la table. Il y a 20% d'économies à faire. Nous avons entamé un processus de dénonciation des accords collectifs. C'est une décision très lourde mais nous laissons une place à la négociation. Trois accords de méthodologie et de cadrage pour l'ensemble des personnels ont été signés mi-mars. Tous les syndicats ont signé hormis la CGT, ce que je regrette. Si nous nous mettons d'accord avec les syndicats, il n'y aura pas de dénonciation des accords collectifs.

Tous les accords régissant les conditions de travail de toutes les catégories de salariés vont être renégociés ? Vous pensez éviter les grèves ?
Je ne sais pas. Mais je sais qu'il y a une forte attente pour que l'on remette la compagnie en mouvement. La baisse des coûts n'est pas une fin en soi. Ce que nous cherchons c'est le développement et la croissance. Nous voulons retrouver le leadership et le meilleur niveau mondial. D'ici 2016 Air France doit être parmi les deux ou trois meilleures compagnies mondiales. Aussi bien sur la qualité de service que sur le nombre de passagers transportés. Air France doit redevenir la compagnie dont les passagers rêvent.

Quelle est la nature des annonces prévues en juin ?
Nous annoncerons le résultat des négociations mais aussi tout le plan industriel et stratégique dans tous les métiers de la compagnie : long courrier, court et moyen courrier, cargo, industrie et maintenance.

Quel est aujourd'hui votre modèle ?
Incontestablement Singapour Airlines. Ils ont un niveau de services inégalé.

Allez-vous annoncer la création d'une filiale low-cost comme vient de le faire Ibéria par exemple ?

C'est en réflexion. Nous devons réfléchir à la manière de conquérir le segment loisir, très sensible au prix des billets.

Il y a quelque temps le low-cost était un gros mot chez Air France ?

Je ne sais pas si c'était un gros mot d'ailleurs les querelles d'avant ne m'intéressent pas. Une compagnie low-cost peut être une des solutions. Les bases régionales en sont une autre.

Jamais les prévisions de trafic aérien n'ont été aussi importantes. Pourquoi les compagnies aériennes souffrent-elles autant ?
Au sein de la chaîne de valeur, les compagnies aériennes sont à un niveau complexe. Entre des fournisseurs puissants et peu nombreux, et des clients qui veulent payer très peu cher. Le secteur est par ailleurs extraordinairement concurrentiel et soumis à la menace de la facture pétrolière. L'Europe est particulièrement concernée. Cette situation pousse le secteur à la restructuration et à la concentration.

Propos recueillis par Emmanuelle Durand-Rodriguez
© photo Rémi Benoit

En savoir plus :
-Alexandre de Juniac a 49 ans. Énarque et polytechnicien, ex-directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy quand il était ministre du Budget et de Christine Lagarde au ministère de l'Economie, il a aussi travaillé pour Thalès. En octobre 2011, il est nommé PDG d'Air France.
-Air France compte une flotte 242 appareils (380 filiales comprises, 547 pour Air France-KLM)
-Air France compte 70 000 salariés en intégrant les filiales (104 000 pour Air France-KLM)
-A Toulouse, Air France emploie 2200 salariés (en comptant les 350 personnels navigants de la nouvelle base)


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